Assassinat du cinéaste Theo van Gogh par un Hollandais d'origine marocaine : Les Pays-Bas s'interrogent sur leur tolérance

“C'est un jour triste pour la liberté d'opinion qui est la pierre d'angle de la démocratie et de l'Etat de droit ”, avait solennellement déclaré dès mardi le Premier ministre Jan Peter Balkenende.
“Le meurtre de Theo van Gogh est un acte de violence politique ”, écrivait hier le Volkskrant (centre gauche). “Ce meurtre affaiblit le fonctionnement de la démocratie néerlandaise ”.

Theo van Gogh, un arrière petit neveu du peintre Vincent Van Gogh, avait reçu des menaces de mort après la diffusion fin août à la télévision de son court métrage “ Submission ”, sur les femmes dans les sociétés islamistes. Il a été tué mardi matin alors qu'il circulait en vélo dans l'est d'Amsterdam.
Un suspect maroco-néerlandais a été arrêté, qui a été présenté par le ministre de l'Intérieur Johan Remkes comme “ proche ” des islamistes radicaux sans faire partie du “ noyau dur ” de quelque 150 personnes surveillées par les services de renseignement.

L'homme a été placé en détention et à l'isolement, ne pouvant avoir de contact qu'avec son avocat, lequel n'a pas le droit de révéler le contenu de leurs entretiens, selon les médias néerlandais.
Dès que l'origine du meurtrier présumé a été révélée, hommes politiques et commentateurs ont appelés à refuser de montrer du doigt une communauté particulière.

“ Il y a un risque de stigmatisation de certaines communautés ”, a averti M. Remkes. Il n'est dans l'intérêt de personne d'avoir un conflit entre des gens de différentes origines", a-t-il ajouté.

A 47 ans, Theo van Gogh était connu pour ses critiques violentes et provocatrices non seulement de l'Islam mais de la société multiculturelle en général. Les Pays-Bas comptent environ 900.000 Musulmans, dont 300.000 d'origine marocaine, sur une population de 16 millions d'habitants. “ Tout le monde est choqué par ce meurtre ”, a assuré Abdou Menabi, président du Conseil urbain marocain, organisme représentant les Marocains d'Amsterdam. “ A côté de ça, certains se demandent si on va commencer une guerre contre les Marocains ”, a-t-il ajouté.

Pour plusieurs quotidiens, le meurtre de Theo van Gogh rappelait celui de Pim Fortuyn le 6 mai 2002, un autre provocateur dont le cinéaste partageait nombre d'opinions et sur lequel il venait de terminer un film qui doit sortir mi-décembre.
“ Après Pim Fortuyn, c'est la mort d'une autre personne qui avait des opinions tranchées et ne les dissimulait pas ”, écrivait le populaire Algemeen Dagblad. “ Une manifestation de masse des Musulmans néerlandais pourrait être le point de départ symbolique d'une purification ”.

Plusieurs organisations marocaines ont appelé à un rassemblement dans une mosquée d'Amsterdam hier après-midi, et dans différentes villes du Royaume les autorités ont demandé à la communauté musulmane de débattre de l'affaire. Quelque 20.000 personnes avaient participé mardi soir à un rassemblement à la mémoire de Theo van Gogh dans le centre de la capitale, dont de nombreux Musulmans.