LE MATIN
14 Août 2004
À 18:35
Que restait-il donc à dire aux intervenants invités dans la petite cité du nord marocain, dont Pablo Neruda, ne soupçonnait peut-être pas l'existence ? Beaucoup soulignèrent que le poète restait d'abord lié à sa Patagonie natale, malgré ses nombreux voyages dans le monde au gré de ses missions officielles.
Neftali Ricardo Reyes, qui est né à Parral, une petite localité au sud du Chili, en 1904 et qui choisit à l'âge de 14 ans sa destinée de poète et son nom de guerre «Pablo Neruda», avec lequel il traversera les frontières et les barrières culturelles, est désigné en 1927 consul honoraire de son pays à Rangoon en Birmanie. C'était alors le début d'une carrière diplomatique qui le mènera dans nombre de cités européennes, notamment à Barcelone, Madrid, Valence,
Paris.
Il séjournera également au Mexique, en Russie, en Chine… «L'Espagne dans le cœur», est un poème qui soulignera son lien avec cette partie du monde qu'il a connue et ses hommes dont le grand poète Fédérico Garcia Lorca. L'œuvre est par ailleurs inspirée par la tragédie de la guerre civile qui avait secoué le pays.
De l'autre côté du Détroit, l'espace était inconnu du poète, diplomate, humaniste et militant communiste qui chantera avec sincérité et grande sensibilité les souffrances des pauvres paysans et ouvriers de son pays. Pourtant, les orateurs venus célébrer l'homme en cette terre marocaine, dont des générations entières ont connu et su apprécier l'œuvre du prix Nobel de la littérature, ont révélé des liens subtils, souvent indirects que le poète avait eu avec le Maroc.
Lorsque cet ami français, l'invita a prendre un "couscous" à la sortie d'une projection cinématographique, le nom inconnu de ce met prend une sonorité particulière dans la bouche du poète.
Devant la perplexité du poète, l'ami universitaire, aujourd'hui spécialisé dans l'œuvre de Neruda, devait en expliquer les composantes et l'origine, évidemment marocaine, avant qu'ils n'en savourent ensemble, la saveur exquise.
Le lien avec le Maroc est également conté à travers un homme qui aurait accompagné l'auteur de "Vingt poèmes d'amour et une chanson désespérée" et pleuré sa mort à travers un poème poignant. L'homme, également poète, est Artur Lundkvist, miraculé avec son épouse du séisme qui avait secoué la ville d'Agadir en 1960.
Marqué par le terrible événement, Lundkvist lui réserva un poème d'une grande intensité. "Agadir" est une œuvre que ce grand poète suédois, ayant vécu entre 1906 et 1991, laissera comme un témoignage à jamais vivant qui décrivit la catastrophe en même temps qu'il annonçait l'espoir.
C'est à travers donc Artur Lundkvist, qu'un autre poète et critique suédois, Jean-Clarence Lambert, racontera Pablo Neruda, sa vie d'errance et de militantisme, son œuvre humaniste et ses rêves de changer l'humanité. Une œuvre qui ne manquera pas de marquer et de nourrir les travaux de toute une génération d'écrivains et de poètes chiliens, dont Mauricio Electorat. Neruda, qui a immanquablement marqué l'imaginaire des Chiliens, est plusieurs poètes à la fois, dira-t-il.
La rencontre organisée à Assilah à l'occasion du centenaire du poète, dans le cadre du Festival culturel international de la ville, n'a pu révéler ses multiples facettes, mais elle a eu le mérite de montrer des pistes d'exploration pour les chercheurs et spécialistes du poète. Notamment celle de chercher les influences judéo-arabes qui seraient contenues dans son œuvre.
L'homme provient tout de même du Chili. Cette terre conquise par les Espagnols, eux-mêmes ayant subi les influences de huit siècles de colonisation arabe.