Naissance de SAR Lalla Khadija

Au Palais de Justice de Rabat : le mariage des mineures est toujours de mise

Le Palais de Justice de Rabat est bourdonnant. Mariage des mineures, divorce, état civil…Tout ce qui a trait à la famille y est tranché. Ceux qui y affluent ont tous des objectifs qui peuvent être similaires mais parfois contradictoires. Entre divorce et

17 Novembre 2004 À 15:24

Les femmes, la plupart en djellabah, en attendant que leur tour arrive, discutent comme si elles se connaissaient depuis une éternité.

Dans une salle accordée à ceux qui ont déposé des demandes de mariage de mineures, quelque douze personnes font le pied de grue. Ils attendent l'arrivée du responsable du service avec impatience. Il est 10 heures.

Cela fait plus d'une heure qu'ils sont là. L'inquiétude semble les ronger. Mais, l'espoir fait aussitôt face. Un sourire nerveux se dessine sur les lèvres du jeune Karim.

Il est agriculteur et chauffeur de taxi. Accompagnée de sa mère, sa fiancée, à peine âgée de 17 ans, ne cesse de regarder sa montre. Elle a hâte de connaître le verdict final. Se mariera-t-elle bientôt ou devra-t-elle attendre encore une année ? « Je crois que ma fiancée peut se marier même à 17 ans. Elle peut être à la hauteur de la responsabilité. Je souhaite que le juge comprenne cela. Nous avons tous les papiers pour le mariage », s'exclame-t-il avec un sourire plein d'espoir. Il pense que l'âge n'est pas un élément déterminant dans le mariage.
«La fille peut avoir 20 ans sans pour autant être capable de fonder une famille. Le fiancé et les parents sont les vrais juges. Ils doivent savoir si leur fille est apte pour le mariage».

Son avis est fort partagé par tous ceux qui sont dans la salle d'attente. Depuis la mise en application de la nouvelle Moudawana et l'élévation de l'âge de mariage à 18 ans pour les filles, bon nombre de demandes ont été déposées. Le nouveau code de la famille instaure, en effet, l'égalité entre la femme et l'homme pour ce qui concerne l'âge du mariage, fixé uniformément à 18 ans. (Au lieu de 18 ans pour l'homme et 15 ans pour la femme).

Un quadragénaire, assis tranquillement, bavarde avec un enfant d'environ 9 ans. Il accompagne sa femme et sa fille, toutes les deux vêtues de Nikab. La fille n'a que 16 ans et deux mois. Le tribunal de Salé a refusé la demande de mariage qu'ils ont déposée. Au Palais de Justice de Rabat, on leur a demandé d'exposer l'adolescente à une expertise médicale pour pouvoir trancher. On leur a même désigné le médecin qu'il faut consulter. Mais, le père semble déçu. Le rapport du médecin n'est pas en leur faveur. Cependant, il garde toujours espoir.

« Je ne sais pas pourquoi on refuse notre demande. Je sais que ma fille même si elle n'a que 16 ans est tout à fait capable de se marier et d'entretenir son mari et ses futurs enfants », dit-il calmement. Or, ce n'est pas pour autant qu'il critique le nouveau code de la famille. Au contraire, il pense que la nouvelle loi empêchera quelques parents de marier leurs filles mineures alors qu'elles n'ont pas les aptitudes nécessaires. « C'est une loi que je juge positive. Mais, il ne faut pas priver quelques filles qui sont capables de fonder une famille à un âge précoce de leur droit. Quelques filles ont bel et bien plus de 18 ans et sont inaptes pour le mariage.

Tout dépend du physique de l'adolescente», ajoute-t-il. Il ne semble pas prêt à renoncer à sa demande. Il tentera sa chance à plusieurs reprises tant que c'est possible.

Par ailleurs, dans l'un des couloirs du Palais de Justice, quelque huit personnes attendent leur tour pour voir le juge. Objectif : le divorce. En fait, la Moudawana institue le principe du divorce consensuel sous contrôle du juge. La nouvelle procédure garantit les droits de la femme en soumettant la répudiation à l'autorisation préalable du tribunal.

Elle renforce les moyens de réconciliation par l'intermédiaire de la famille et du juge et exige l'acquittement par le mari de tous les droits dus à la femme et aux enfants, avant l'enregistrement du divorce.
Les époux entrent et entretiennent une longue discussion avec le comité des juges avant de déclarer officiellement leur divorce.
Aucun de ceux qui étaient présents ce jeudi pour divorcer ne voulait s'exprimer. Le divorce reste toujours un triste événement.

« La situation est délicate. Personne ne veut parler de ses problèmes à cet Y », annonce l'une des femmes. Les avocats, quant à eux, sont pessimistes.

Ils affirment que depuis l'application de la nouvelle Moudawana, le nombre des mariages a baissé et celui des divorces a, cependant, augmenté d'une façon palpable. Pour maître Berkaoui Abderrazzak, « au niveau de l'exécution des jugements, il y a une avancée par rapport au passé.
Mais, on note une mauvaise compréhension des textes de la part des femmes qui demandent le divorce.

Elles comprennent mal la liberté qu'on leur accorde », explique Berkaoui Abderrazzak. Pour sa part, maître Hamaoui, met l'accent sur les textes de la Moudawana qui posent parfois problème.
« Quelques articles ne sont pas clairs, d'autres ne sont pas souples pour leur application».

Dans cet espace particulier, nombreux sont ceux qui y affluent.
Les choses ont changé depuis quelques mois. Les attentes et les espérances ne sont pas les mêmes.
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