Fête du Trône 2006

Code napoléonien : le bicentenaire célébré à Rabat

Qu'est-ce que le Maroc a à voir avec le Code napoléonien ? Pour les néophytes, absolument rien. De Napoléon, ils ne se rappellent quela campagne d'Egypte dont le cinéaste Youssef Chahine a tiré l'un de ses plus beaux chefs-d'œuvre. Peut-être, en se creusa

05 Avril 2004 À 20:41

De là à penser que cette randonnée dans le désert préfigure les incohérences de ses différentes campagnes, il n'y a qu'un pas. Il le franchiront allégrement. A l'instar de tous les détracteurs de cet homme d'Etat qui a légué à la France l'un de ses documents juridiques les plus importants : le Code civil.

Comme la Légion d'honneur, ou la Déclaration des droits de l'Homme, ce document a fait connaître la France partout dans le monde. Il est le résultat de l'une des œuvre de codification les plus importantes depuis Justinien. Aussi a-t-il influé sur tous les travaux législatifs postérieurs, non seulement en France, mais dans toute l'Europe et, par le biais de la colonisation, dans la plupart des pays dits en développement.

Au sein de la commission qui a mis en forme ce code, droit coutumier et droit romain avaient tous deux droit de cité. C'est de leur fusion qu'est né ce texte fondateur qui a reçu le nom de Code Napoléon. La postérité a confirmé ce titre. Non seulement l'impulsion générale venait de l'Empereur, mais aucun jurisconsulte de profession n'y prit une part plus active que ses autres pairs. Sur cent neuf séances de discussion au Conseil d'Etat français, plus de la moitié, cinquante-sept, furent présidées par Bonaparte.

Aussi ne peut-on que s'étonner qu'il ait eu des incidences sur le corpus juridique marocain. Et il en a eu beaucoup à en juger par les interventions prononcées à l'occasion de la journée commémorative de son bicentenaire organisée dernièrement à Rabat.

Initiée par le Centre marocain des études juridiques (CMEJ) en partenariat avec l'Institut marocain des juristes francophones, cette cérémonie a permis de débattre de l'influence que le Code Napoléon a exercée et qu'il exerce encore sur le droit privé marocain deux cents ans après son adoption. Ne serait-ce que parce qu'il a été, entre autres, la source principale d'inspiration du Dahir des obligations et contrats du 12 août 1913. A quelques nuances près, qui marquent l'attachement du droit marocain avec le droit musulman ( prêt à intérêt, contrats aléatoires, cas de dernière maladie….), ce Dahir qui a fait entrer le Maroc dans l'ère de la modernité reprend pratiquement les mêmes dispositions, la même structuration que le code napoléonien et il est fondé sur la même philosophie basée sur le principe de l'autonomie de la volonté.

A ce propos, l'ambassadeur de France à Rabat, M. Frédéric Grasset a rappelé que « si ce code conserve la place unique qu'on lui reconnaît aujourd'hui, c'est parce qu'il constitue d'abord une remarquable démonstration des vertus de la codification et qu'il est porteur de valeurs morales et sociales universelles ». « La codification que nous Savons héritée du Code civil est plus que jamais un outil nécessaire contre l'arbitraire, l'incohérence, la confusion dans l'organisation sociale, l'instabilité juridique, un instrument précieux pour le développement économique et social, un facteur déterminant pour le renforcement de l'Etat de droit », a-t-il précisé.

C'est également un moyen pour dresser un rempart contre toutes les formes de barbarie. «L'hommage que nous rendons à ceux qui nous ont donné le code civil en héritage, a dit le diplomate français, c'est aussi un hommage au Droit, c'est une manière d'affirmer notre conviction, en des temps où la barbarie du terrorisme nous rappelle douloureusement combien nos démocraties sont fragiles, que le droit est un rempart contre le fanatisme et l'obscurantisme ».
Pour sa part, le président-fondateur du Centre marocain des études juridiques, M. Farid Elbacha a noté que « le droit français inspirait de larges pans du droit marocain, tant public que privé et cette influence, née avec la pénétration historique du droit français, s'est consolidée après l'indépendance, facilitant ainsi le rapprochement des législations du Maroc avec celle de l' Union européenne ». « Cette convergence juridique et institutionnelle avec le droit français, a-t-il précisé, ne signifie pas une convergence globale des systèmes juridiques, le droit marocain gardant des attaches avec le droit musulman ».

Il n'en demeure pas moins que la longévité de ce code se fonde sur « les valeurs qu'il porte, valeurs de justice, d'égalité et de liberté ainsi que sur la qualité exceptionnelle de l'œuvre, tant en la forme qu'au fond…..une qualité qui doit être aujourd'hui sérieusement méditée par nos législateurs qui adoptent des lois à la hâte, souvent sans vue d'ensemble et sans grande cohérence et ce parfois au détriment de l'effectivité, de la stabilité ,de la sécurité juridiques, et du respect des droits et des libertés ».

Tous les autres intervenants ont souligné la qualité de cette œuvre historique exceptionnelle dont M. Elbacha a dit « qu'elle porte la marque du génie de la France, fait de l'esprit du progrès et du sens de la mesure».
Aussi, le lancement de « la caravane du bicentenaire du code civil » décidé par les participants, permettra-t-il d'initier des rencontres à travers le Royaume sur le thème de « La réforme du droit civil à l'heure de la mondialisation et du rapprochement des législations ».

Outre l'annonce officielle de la création de l'Institut marocain des juristes francophones dont l'une des missions consiste à «permettre aux juristes du Maroc, unis par le lien que crée le partage de la langue française de contribuer à la consolidation de l'Etat de droit, de la démocratie et du respect des droits de l'Homme», une déclaration a été rendue publique.

Dite « Déclaration de Rabat », celle-ci appelle à « œuvrer pour la consécration du code civil napoléonien patrimoine commun de l'humanité , eu égard à son apport fondamental pour l'avancée de la pensée juridique moderne et à contribuer au rapprochement des législations de l'espace juridique francophone». Pas plus et pas moins.
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