Colloque à Rabat du Haut conseil français à l'Intégration : l'ignorance de leurs droits coûtent cher aux femmes immigrées
L'isolement et le manque d'informations sur leurs droits sont tragiques pour les femmes immigrées en France, dont nombre sont victimes de mariages forcés, répudiation ou polygamie faute d'avoir pu se défendre à temps, dénoncent des associations féminines
AFP
17 Septembre 2004
À 16:54
Noëlle Fréry, avocate et membre de l'association française "Femmes contre les intégrismes", a condamné également, lors d'un colloque du Haut conseil français à l'intégration (HCI), "la méconnaissance par les juges français des lois étrangères". "Une femme de 58 ans apprend par les services sociaux qu'elle est répudiée. Son mari a obtenu dans son pays d'origine un jugement de divorce, qui transite par l'état-civil de Nantes (ouest de la France) pratiquement sans contrôle sous prétexte de convention bilatérale, puis le mari revient (en France) avec une nouvelle femme", explique-t-elle.
Il faudra à la femme répudiée de longs mois de procédure pour obtenir l'annulation du divorce, "alors qu'il y aurait dû y avoir contrôle a priori de l'officier d'état-civil à Nantes", s'insurge Noëlle Fréry.
"Dans les cas d'enfants enlevés par les pères, des femmes auraient pu agir en amont, mais elles ne le savaient pas", poursuit-elle.
"Madame, vous avez des droits!" : le petit guide édité par son association est l'un des rares à donner des conseils précis, pour chacune des situations que peuvent rencontrer les femmes immigrées vivant en France.
Celles-ci se heurtent à des conflits de droit entre les codes de la famille étrangers, les conventions internationales signées par la France et le droit français: un vrai casse-tête pour les juristes.
Leur sort est lié aussi aux pratiques coutumières, contre lequel il est difficile de lutter "autrement que par la prévention et la protection", souligne Gaye Petek, présidente de l'association Elele (Migrations et Culture en Turquie).
Alors que certaines traditions ont évolué dans le pays d'origine, elles restent vivaces en France, là encore faute d'information des femmes sur l'évolution de la société et de leurs droits.
La répudiation, une menace qui pèse sur les femmes à tout âge, est ainsi reconnue par la France, si un minimum de règles est respecté. Or les conséquences sont souvent dramatiques pour les femmes. "Lorsqu'elles arrivent en France, c'est souvent dans le cadre du regroupement familial et leur séjour est lié à celui du mari pendant deux ans. Si le mari répudie sa femme à l'étranger, celle-ci perd son droit au séjour", souligne Jeannette Bougrab, du HCI.
Le centre d'accueil de l'Union de l'action féminine à Rabat accueille chaque été des femmes immigrées ayant parfois vécu 15 ans en France, abandonnées par leur mari et sans papiers d'identité. "La complexité des procédures est telle que le mari a le temps de divorcer en France et la femme perd son titre de séjour au bout de six mois hors de France", dit Fatima El Maghnaoui, directrice du centre.
Des mesures ont été prises pour améliorer l'information, comme l'obligation d'entretien personnalisé lors de l'accueil de nouveaux migrants et, dans les consulats de France, pour toute demande de transcription de mariage, afin d'éviter les mariages forcés ou arrangés.
La ministre française de la parité, Nicole Ameline, a annoncé par ailleurs à Rabat la création d'un groupe de travail sur les mariages forcés et autres violences faites aux femmes, qui
AFP
Lutte contre la violence à l'égard des femmes
La lutte contre la violence à l'égard des femmes a été au centre d'un entretien, jeudi à Rabat, entre la secrétaire d'Etat chargée de la famille, de l'enfance et des personnes handicapées, Mme Yasmina Baddou, et la ministre française de la Parité et de l'Egalité professionnelle, Mme Nicole Ameline.
Lors de cet entrevue, Mme Baddou a indiqué que la lutte contre la violence à l'égard des femmes est l'une des priorités de son département qui, a-t-elle dit, se penche actuellement sur la mise en place d'un numéro vert destiné à la sensibilisation et à la protection des femmes victimes d'actes de violence.
La secrétaire d'Etat a fait savoir à cet égard qu'une réunion a regroupé les représentants des différents centres d'écoute et d'associations de femmes afin d'accélérer la mise en place de ce numéro vert.
Mme Baddou a souligné qu'il "faut traduire dans les faits l'égalité entre l'homme et la femme, aussi bien dans les droits politiques que dans les activités économiques", ajoutant que le nouveau code de la famille, qui prône l'égalité entre les deux sexes, permettra de promouvoir la culture de l'égalité entre l'homme et la femme.
Pour sa part, Mme Ameline a souligné que "l'égalité entre les deux sexes est une des valeurs de la démocratie", mettant en exergue la nécessité de mettre en place un arsenal juridique pour incriminer toute forme de violence à l'encontre des femmes.
La ministre française a noté que la discrimination à l'encontre des femmes constitue "un frein au développement économique, appelant à promouvoir la coopération franco-marocaine dans tous les domaines et à accorder une plus grande importance à l'action sociale.
Lors de cette rencontre, Mme Baddou a proposé la tenue au Royaume d'un colloque maroco-français consacré à la lutte contre la violence à l'égard des femmes au Maroc afin d'examiner les démarches à entreprendre pour consacrer la culture de l'égalité, particulièrement l'égalité professionnelle. Une suggestion qui a été accueillie favorablement par la ministre française.
MAP