Comédie - Un duplex pour trois de Danny De Vito : dégage Mamie du duplex
Adepte des comédies familiales irrévérencieuses, Danny De Vito installe cette fois deux yuppies new-yorkais dans un duplex à Brooklyn. Objectif du charmant petit couple : expulser l'indélogeable nonagénaire qui occupe l'étage du dessus. Gonflée par une te
LE MATIN
20 Juillet 2004
À 16:18
De mauvais bruits courent à propos des New-Yorkais : il paraît que la course au mètre carré dans Manhattan est telle que, lorsque quelqu'un tombe malade, loin de s'enquérir de sa santé, ses voisins louchent sur son appartement. Ambiance... Jeunes mariés, Alex et Nancy (Ben Stiller et Drew Barrymore), ont trouvé le moyen d'échapper à la foire d'empoigne : ils viennent d'acquérir à Brooklyn une charmante maison façon 19e , toute de bois, lustrée avec cheminées et baie vitrée. Le chez-eux idéal pour ce couple de yuppies.
Il est vrai que c'est un duplex, et que Madame Connelly, la nonagénaire qui occupe l'étage supérieur, n'a pas l'air décidée à céder sa place. Mais Alex décide de s'installer quand même. Ecrivain, fatigué de déplacer son ordinateur portable de Starbuks en Starbuks (chaîne de café au succès exponentiel que Danny de Vito doit avoir élue comme sponsor), il doit finir son deuxième roman dans les trois semaines, sous peine de voir son éditrice rompre leur contrat.
Mais impossible d'écrire une seule ligne dans son nouveau bureau : l'adorable Madame Connelly se révèle vite diablement envahissante et malicieusement exaspérante. Pas un jour sans qu'elle ne vienne le solliciter pour réparer un tuyau, descendre dix poubelles ou aller faire les courses. Pas une nuit sans regarder Hawaï Police d'Etat à la télévision, le volume poussé au maximum.
Sans compter que la petite Mamie zyeute régulièrement par la fenêtre dans l'espoir d'apercevoir ce qui se passe de coquin dans le salon de ses voisins. Prétendus modèles de perfection morale et de sophistication, les jeunes mariés sentent monter en eux des envies de meurtre. Lucides mais décidés, ils se mettent à échafauder, sous des sourires forcés, des plans de plus en plus sanguinaires pour éliminer la vieille dame.
Sophistiqués ou meurtriers ?
Dans cette comédie volontairement aigre, l'humour repose sur plusieurs ressorts : on ne sait pas qui, du jeune couple ou de la vieille dame, est le plus cruel sous son costume de charme. Un suspens qui atteint son paroxysme lors de deux scènes : Alex et Nancy se délectant mutuellement au restaurant des fantasmes meurtriers que lui avoue l'autre ; et Madame Connelly s'avançant menaçante vers le couple qu'elle accule au monte-charge avec des regards assassins. En outre, suite à un prologue en dessins animés, la mise en scène copie efficacement celle des cartons, avec tout ce que cela suppose de mimiques, grimaces et intonations de voix sardoniques.
On imagine bien ce que la finesse d'un Frank Capra (Arsenique et vieilles dentelles), l'acidité d'un Etienne Chatiliez (Tatie Danielle) ou même, plus récemment, le savoir-faire des frères Coen (Ladykillers) donné dans pareille situation. Mais plutôt adepte des grincements familiaux et intergénérationnels (Balance maman hors du train, La Guerre des Rose), Danny De Vito s'en tient ici à des gags éculés et à une méchanceté plus pesante qu'inventive, et plus banale qu'effrayante.
Les petites cruautés immorales soufflées aux personnages s'écrasent alors en bassesses de mauvais goût. Et le «qui est le plus méchant ?» se transforme vite en «qui sera le plus minable ?». Résultat : «Dégage Mamie du duplex» tourne à la sitcom tiède, pas bien audacieuse. Et, de fait, beaucoup moins drôle.
Un Duplex pour trois, film américain de Danny De Vito avec Ben Stiller, Drew Barrymore, Eileen Essell, Justin Theroux.