L'humain au centre de l'action future

Comédie loufoque : Double zéro de Gérard Pirès, Pétard mouillé

Dialogues et gags affligeants de bêtise dans un décor dégoulinant d'euros, Gérard Pirès porte bien bas sa parodie de James Bond revisitée par Eric et Ramzy. Le pire étant que les deux comiques, qui jouent les agents secrets de pacotille face au psychopath

22 Juin 2004 À 16:07



-Ben, nous, on serait deux James Bond, des James Bond français…
-Ouais, et alors ?
-On serait envoyé en mission par la DGSE (Direction Générale de la Sécurité Extérieure) pour sauver le monde. Après un super entraînement super difficile on irait retrouver un contact dans un super hôtel dans le sud avec des sublimes James Bond girls super entraînées partout autour de nous et de la piscine.
-Ouahhh ! Et après ?
-Après, on prendrait nos James Bond mobiles pour monter dans un hélico pour atterrir en pleine mer dans la gueule du loup sur le yacht du méchant.
-Et ce serait qui le méchant ?
-Oh, un type sans humour qui préfère quand tout va mal. Comme il se sent un peu isolé dans sa cause, il capture les plus belles femmes du monde pour faire avec elles plein de petits comme lui. Et puis il veut stériliser tous les autres hommes et leur envoyer un gros missile dessus. On l'appellerait le Mâle…
-Non, je veux dire, c'est qui le méchant, en vrai ?
-Ah oui. Edouard Baer peut-être ?

-Oh oui, terrible. Il aurait un costume paillettes ultra moulant comme s'il allait à une fête branchée. Il aurait l'air à la fois sympa et cruel. Mais il nous aimerait bien quand même.

-Et puis il vivrait sur une île sous-marin qui serait comme un grand hôtel futuriste, avec des drôles de machines individuelles pour circuler dans les couloirs, des ascenseurs ultra rapides et une gigantesque piscine avec des raies mantas ultra dangereuses. Son bras droit, ce serait la belle Georgianna Robertson, avec un tatouage sur le sein.

-J'ai une idée : toutes les filles dans le jeu, ce serait des mannequins, d'accord ?
-Et puis nos contacts ne seraient que des nuls. Nos chefs à la DGSE seraient aussi fades que la purée de la cantine, ils n'auraient jamais joué la comédie et riraient bêtement à toutes nos blagues. Il y aurait aussi un ancien espion tout sale remisé en Jamaïque après une mission ratée qui nous aiderait bien parce qu'en fait, il serait très fort, et même un peu inquiétant... Sinon, tous les autres seraient des figurants de troisième zone. Faut bien qu'on ait l'air un peu bons quand même.
-Mais dans James Bond, il y a M…
-Oui, tu as raison. Nous, ce pourrait être notre agent recruteur, le Monocle (Rosy de Palma) qui s'en sortirait un peu mieux que les autres.
-Bon. Mais nous, on fait quoi ?
-Ben, on met un treillis pour l'entraînement, mais on n'est pas très fort. Après on essaie tous les supers gadgets pour la mission. Après, on fait semblant de chercher le missile mais en fait, on regarde toutes les jolies filles. Après, on essaie toutes les attractions de l'île…
-Non, mais, je veux dire, on fait quoi ? On joue quoi ?
-Ben, on joue pas : on fait comme d'habitude, on se raconte des blagues, on se chamaille comme si on se détestait, mais tout le monde voit bien que c'est pour du beurre. On essaie d'être rigolos en fait, tu vois ?
-Dans La Tour Montparnasse ça avait marché mais là, tout ce grand appareil de film d'action rutilant, ca me fait un peu peur. Et si nos farces tombent à l'eau et qu'on a l'air bête ?
-C'est pas grave ! Parce qu'avec tout l'argent que les organisateurs auront dépensés pour faire ce jeu, au moins nous, on en aura bien profité.
-OK. On commence ?
-Pas maintenant : la récré est terminée… ”

Bouffonnerie rutilante

Voilà à peu près la scène que Gérard Pirès (Taxi, Riders) a dû imaginer pour monter sa grosse bouffonnerie dégoulinante d'euros pour pré pubères pas futés. C'est à se demander s'il ne faudrait pas, pour l'occasion, créer une mention " interdit aux plus de seize ans ”. Et encore, ce serait insultant pour les adolescents. Car les dialogues comme les gags sont d'une stupidité consternante. Eric et Ramzy ont l'air aussi à l'aise avec que s'ils devaient jouer leur petit numéro de bêtas maladroits à la Comédie française.

On dirait Max la Menace ou l'Inspecteur gadget multiplié par deux et forcés de dire un sketch auquel ils ne croient pas. Alternant les mines de boxeurs KO avec celles d'enfants gourmands devant un sac de bonbons, ils tiennent le bavoir à Edouard Baer qui réussit à ne pas faire sourire, une prouesse pour un comédien réputé hilarant (Astérix, Cravate Club, Le bison).
S'il existait un festival de Cannes des navets, nul doute que Double zéro serait en course pour la Palme d'or. Certes, le titre l'indique, c'était là l'effet recherché.

Gérard Pirès se lançant ainsi, sans originalité aucune, dans une énième parodie des films de James Bond (XXX, Johnny English) en reprenant, de surcroît, une comédie d'espionnage datant de 1985 (Drôles d'espions) avec un budget colossal à faire déprimer tous les auteurs-réalisateurs en mal de financement. Il pousse d'ailleurs la proximité avec James Bond jusqu'à rivaliser avec lui dans l'exposition des sponsors : les enseignes publicitaires clignotent assez fort sur l'écran pour rappeler que ce sont elles, maintenant, qui font le cinéma.

Exemple d'un des meilleurs gags de cette débandade potache : Ben (Eric) se fait greffer un micro-téléphone portable dans une molaire, ce qui lui occasionne une joue vibrante et des jeux de mâchoire pour décrocher. Quant aux rares efforts d'invention, ils ont été concentrés sur les James Bond gadgets, de la combinaison qui rend invisible à l'île aux raies… Même au quatrième degré, cette loufoquerie peine à faire rire. Et ce peut être triste des comiques pas drôles.

Double zéro, film français de Gérard Pirès avec Eric Judor, Ramzy Bedia, Edouard Baer, Georgianna Robertson, Lin Xin.
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