Comédie, romance : La plus belle victoire de Richard Loncraine Coup de foudre à Wimbledon
Enième comédie sur le coup de foudre et ses heureuses conséquences, La plus belle victoire n'avait, pour se distinguer, que le décor et l'environnement, certes singuliers, du tournoi de tennis de Wimbledon. Richard Loncraine n'en tire malheureusement pas
LE MATIN
30 Octobre 2004
À 16:06
Les rois de la comédie à l'anglaise brossant une idylle défendue dans les coulisses de Wimbledon, le projet ne manquait pas d'attrait. En tout cas pour qui aime les comédies britanniques ou le tennis, voire les deux. Encore aurait-il fallu habiller le film de ces quelques rebonds cocasses dont le studio britannique Working Title Films (Quatre mariages et un enterrement, Le Journal de Bridget Jones, Love Actually) est capable. Mais La plus belle victoire – long métrage dont on comprend mal pourquoi il a troqué son titre anglais, Wimbledon, contre ce titre français benêt à souhait – joue paresseusement en fond de court, renvoyant les scènes comme des balles molles et sans le peps qu'une livraison sportive pouvait laisser présager.
Certes, le tennis est rarement présent sur grand écran. Choisir le stade de Wimbledon et le tournoi de grand chelem qui s'y déroule chaque année comme décorum d'une comédie romantique est bien le seul argument que La plus belle victoire puisse avancer pour se démarquer des habituelles romances crémeuses. Visite donc du stade, de sa buvette, des vestiaires, des courts de tennis, de l'hôtel où sont logés les joueurs jusqu'aux soirées cocktails.
Et bref aperçu de ce qu'est le tennis professionnel avec les agents véreux qui rappliquent quand les joueurs commencent à gagner, les parents-entraîneurs qui maintiennent la pression sur leur précieux champion, le copain-concurrent avec qui l'on s'entraîne, les massages d'avant finale... Le réalisateur Richard Loncraine (Richard III), pas peu fier de s'être offert l'atmosphère du stade anglais en plein tournoi 2003, n'en tire pas le meilleur parti. Seule une apparition de John Mc Enroe et Chris Evert dans leurs propres rôles de commentateurs sportifs rappellera aux connaisseurs que tout n'est pas complètement pour du beurre. Pour le reste, les matchs, recréés par ordinateur, sont aussi palpitants qu'une rencontre amateur.
Gros plan, donc, sur l'intrigue, qui est absolument squelettique : l'amour donne des ailes. Soit. A un loser, l'amour peut même donner l'envie, le courage et surtout la force de gagner. Pour preuve, Peter Colt, vétéran du tennis mondial jadis classé 11ème et aujourd'hui vieux joueur démotivé de 31 ans. Professeur de tennis pour bourgeoises fripées, il entame péniblement son 13ème Wimbledon au rang peu glorieux de 119ème mondial et n'espère plus qu'une fin de carrière pas trop déshonorante. De toutes façons, il n'a plus la santé et il n'a jamais eu la gagne. La chance de sa vie va lui tomber du ciel sous les traits de Lizzie Bradbury, jeune étoile montante américaine, aussi déterminée et combattive qu'il est perdant et démissionnaire. Il suffit qu'elle soit présente dans les gradins et là, comme par miracle, il se met à gagner.
Feinte de Paul Bettany
Comment Richard Loncraine arrive à rendre attrayant son scénario digne de la bibliothèque rose, c'est là qu'est la feinte. D'abord, son héros est des plus sympathiques. Tout le monde aime les losers c'est bien connu, surtout quand ils remontent la pente. Mais en plus, celui-ci n'a pas quinze ans. D'avoir choisi des jeunes adultes pour une romance pour pré-ados est peut-être bien la première singularité de La plus belle victoire.
La seconde repose intégralement sur les épaules des acteurs. Paul Bettany (le médecin dans Master and Commandeur) trimballe un humour très british pas trop mal troussé sous un son air de dépressif débonnaire. Sa voix off quand il panique donne à ses matchs l'intérêt dont le jeu manque. Kirsten Dunst (Spider-Man) campe un sosie de Anna Kournikova, plus filiforme, moins agile mais pas trop exaspérante dans son short de championne amoureuse. Etant donné la terre ultra battue que piétinait l'intrigue, toutes les exagérations étaient à prévoir. Du type : elle, démesurément caractérielle, son papa d'entraîneur, outrageusement empêcheur de jouer en rond, Peter, excessivement soumis... Mais non, le ton est lisse et léger et parvient à le rester. Sans match amoureux, sans rebondissement, sans excentricité de dernière minute, les deux jeunes amants se font gentiment des passes.
Alors, c'est certain, La plus belle victoire n'invente rien, n'innove en rien et parvient tout juste à refléter l'ambiance d'un championnat. Sans compter une volée de laïus assez pénibles sur les liens familiaux et les fatigues du couple. Mais les deux premiers rôles parviennent incontestablement à incarner, plus que leurs stéréotypes, deux personnages qui tentent d'évincer les lourdeurs qu'on leur impose. De même Paul Bettany et Kirsten Dunst réussissent à s'extraire des balourdises du scénario pour jouer adroitement en décalage. Ca, c'est une victoire.
La plus belle victoire (Titre original : Wimbledon), film américain de Richard Loncraine (sortie en France : le 20 octobre 2004). Avec Kirsten Dunst, Paul Bettany, Sam Neill.