Conférence de Soheib Bencheikh sur l'Islam face à la laïcité
A l'initiative de l'Association Marocaine des Anciens Elèves de Sciences-Po, Paris, Soheib Bencheikh, grand mufti de Marseille a donné une conférence vendredi 25 juin au centre de conférences de Royal Air Maroc, à Casablanca. Connu pour parler sans ambage
LE MATIN
04 Juillet 2004
À 22:26
«Posez-moi des questions qui gênent !». Au terme de la conférence qu'il a donné vendredi 25 juin à Casablanca sur le thème de «L'Islam face à la laïcité française», Soheib Bencheikh, grand mufti de Marseille s'est voulu un brin provocateur, un peu comme pour dire à l'assistance : «Vous n'êtes pas obligés d'être d'accord avec moi». Ce docteur en théologie sait pertinemment qu'il divise. Il le dit lui-même. Mais il a l'habitude des grands débats. Il se trouve, ce soir là, que tout le monde regardait dans la même direction.
Les questions du public allaient dans le sens de la conférence de M. Bencheikh et le confortaient dans ses convictions. Cela allait lui permettre de pousser la réflexion plus loin. "Le Coran a été accompagné par une intelligence créatrice et interprétative, qui a stagné au bout de cinq siècles ” a-t-il déclaré pour plaider en faveur d'une réforme de la loi musulmane dont il dit qu'il faut la désacraliser. «Aucune génération n'a le droit d'interpréter le Coran pour une génération future, aucun siècle n'a le droit de légiférer pour un siècle futur», a-t-il martelé.
Soheib Bencheikh appelle à une lecture finaliste des textes.
Le texte est sacré, mais pas l'interprétation, qui ne fait pas elle partie du sacré, dit-il. Celle-ci doit faire l'objet d'ijtihad pour répondre aux exigences de la société, explique-t-il en citant un exemple : «Le Prophète Sidna Mohammed a recommandé aux parents d'apprendre à leurs enfants la natation, l'équitation et le tir à l'arc. Si je suis ritualiste et formaliste, j'apprendrais à mes enfants le tir à l'arc. Je deviens mondain. Mais par une lecture finaliste, je comprends que le Prophète a voulu que nos enfants soient en phase avec leur siècle. En respectant ce commandement, j'apprendrais à mes enfants l'informatique».
Une nouvelle question émanant de la salle allait offrir au conférencier l'occasion de donner son avis sur le voile. Un avis tranché, car nous confiera-t-il, «si je devais choisir entre voile et savoir, je n'hésite pas une seconde. Le voile de la femme c'est son instruction». Il rappelle encore une fois que l'Islam prône l'Ijtihad et salue, à cet égard, l'initiative de Sa Majesté le Roi qui a engagé la réforme de la Moudawanna, dans un pays plutôt traditionnaliste où son père âalem a passé près de dix ans à la Qaraouyine.
Dans son intervention, Soheib Bencheikh a évoqué de nombreux sujets, pour enfin livrer un même message : le renouveau de l'Islam passe irrémédiablement par l'Ijtihad et la réforme. Un message qu'il veut véhiculer à travers «Mouvement Musulman pour la Réforme (ou MPR)» une association qu'il a fondé avec d'autres intellectuels et penseurs et qui appelle à agir pour la réforme de la théologie musulmane.
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L'Association marocaine des anciens sciences Po
Le Maroc connaît aujourd'hui un élargissement sans précédent du champ des libertés.
Ceci donne lieu à l'affirmation d'une société civile qui apporte sa contribution à l'ouverture démocratique et au développement économique et social. C'est dans ce cadre que s'inscrit la création de l'Association Marocaine des Anciens Sciences Po.
Les anciens élèves de l'Institut d'Etudes Politiques de Paris (Sciences Po), qu'ils soient marocains ou étrangers résidents au Maroc, ont ainsi décidé de se constituer en association afin de participer pleinement aux changements qui sont à l'œuvre dans notre pays.
Cette association, créée en décembre 1999, est composée de femmes et d'hommes issus d'horizons professionnels et culturels divers : banquiers, professeurs universitaires, hauts fonctionnaires, politiques, chefs d'entreprise et consultants y côtoient créateurs de start-up, journalistes et dirigeants de groupes médias, certains fraîchement diplômés, d'autres plus anciens.
L'ensemble de ses membres, que ce soit par le biais d'un troisième cycle ou du «cycle du diplôme», sont tous issus de l'Institut d'Etudes Politiques de Paris.