Crise ivoirienne : Laurent Gbabgo accepte de lancer la révision des conditions d'éligibilité
Le Président ivoirien Laurent Gbagbo a accepté de soumettre à l'examen des députés un projet de révision de la constitution sur les conditions d'éligibilité à la présidence de la République en Côte d'Ivoire, ouvrant la voie à une candidature de l'opposant
AFP
05 Décembre 2004
À 15:53
"Le Président de la République décide de transmettre immédiatement à l'Assemblée nationale le projet de révision de l'article 35 de la Constitution qui avait déjà été adopté par le Conseil des ministres", indique un communiqué de la présidence.
L'article 35 de la Constitution, exigeant que tout candidat soit "de père et de mère ivoirien d'origine", empêche actuellement l'opposant Alassane Ouattara, chef du Rassemblement des Républicains (RDR) de se présenter à la présidentielle de 2005.
Selon ses adversaires politiques, M. Ouattara, ancien Premier ministre du président Felix Houphouët Boigny et vivant en exil en France depuis plusieurs années, n'aurait qu'un seul parent d'origine ivoirienne. A ce titre, il a déjà été empêché "pour nationalité douteuse" de se présenter à l'élection présidentielle d'octobre 2000, organisée par la junte du général Robert Guei.
En octobre 1995, c'est du fait de sa résidence (en tant que directeur-général du Fonds Monétaire International) aux Etats-Unis -et non en Côte d'Ivoire comme le stipulait la loi- qu'il n'avait pu se présenter à l'élection présidentielle contre Henri Konan-Bédié et Romain Wodié.
L'article 35 dans sa nouvelle forme, stipulerait qu'il suffit d'être "né de père ou de mère, ivoirien d'origine" pour être candidat.
Le chef de l'Etat ivoirien s'opposait jusqu'à présent à l'examen parlementaire de l'article 35, arguant du respect de la loi fondamentale du pays.
La modification de l'article 35, pour être avalisée devant le Parlement, doit être votée par les deux tiers des députés. Elle doit ensuite être approuvée par référendum à la majorité des suffrages.
La question des définitions de la nationalité ivoirienne est au coeur de la crise politique qui déchire le pays depuis la mort d'Houphouët-Boigny avec le concept d'"ivoirité" lancée du temps de son successeur Henri Konan Bédié essentiellement pour exclure du jeu politique et civique les "Dioulas", originaires du nord de la Côte d'Ivoire. M. Ouattara est un Musulman originaire du nord et était alors -avec Laurent Gbagbo- l'un des chefs de file de l'opposition à M. Bédié.
Lorsqu'il exerçait ses fonctions au FMI, sur proposition de la présidence ivoirienne, certains l'avaient accusé de disposer d'un passeport burkinabè.
La junte du général Robert Gueï (1999-2000) et le Président Laurent Gbagbo, élu après l'exclusion de M. Ouattara du scrutin de 2000, ont repris le concept d'"ivoirité" à leur compte.
Cette politique de stigmatisation des Ivoiriens originaires du nord et des étrangers -principalement Mossi du Burkina Faso voisin- a abouti à une grave crise et mené à la rébellion de septembre 2002 contre le régime Gbagbo qui a consacré la partition du pays.
Les accords de paix de Linas-Marcoussis, signés en France en janvier 2003 et restés inappliqués à ce jour, prévoyaient notamment la modification de l'article 35.
Cette décision a été prise "pour faciliter le désarmement, la réunification du pays, l'organisation du référendum et d'élections libres", indique le communiqué de samedi, signé du porte-parole de la présidence, Désiré Tagro. Le texte souligne qu'elle répond à "une demande" du président sud-africain Thabo Mbeki, mandaté par l'Union africaine (UA) pour trouver une issue à la crise ivoirienne. M. Mbeki se trouve depuis jeudi à Abidjan pour des consultations.
Le Président sud-africain doit s'exprimer samedi à l'Assemblée nationale. Il est attendu dimanche à Bouaké (centre), fief de la rébellion des Forces Nouvelles (FN). Le 15 octobre, les rebelles avaient refusé de désarmer estimant que les plus importantes réformes politiques n'étaient pas votées, en particulier la révision de l'article 35.