Fête du Trône 2006

Déterminés à séduire le lectorat : les professionnels de la presse veulent moderniser le secteur

Les professionnels de l'Information et de la Communication qui fêtaient hier 15 novembre, leur journée nationale veulent moderniser le secteur pour répondre aux normes de gestion moderne et offrir un «meilleur produit» conforme aux exigences d'un lectorat

15 Novembre 2004 À 17:29

«Avec une moyenne de 13 quotidiens achetés pour 1000 personnes, le Maroc est en queue de peloton», très loin derrière les 100 journaux pour 1.000 requis conformément aux normes internationales.

Au Maroc, seulement près de 450.000 publications (dont 100.000 titres étrangers), sont vendues quotidiennement, soit l'équivalent des ventes parfois réalisées par un seul titre dans d'autres pays.

Un constat sans appel pour une presse «en phase de transition», coiffée au poteau par les chaînes satellitaires, notamment celles spécialisées dans le monde arabe et mise à mal par une presse étrangère présente en force sur le marché national.

40 % de la presse (magazine, hebdomadaire, mensuel) vendue aujourd'hui au Maroc est importée, a confié à la MAP M. Abdelmounaim Dilami, directeur des quotidiens «Assabah» et «l'Economiste» et président de la fédération marocaine des éditeurs de journaux.

Une véritable gageure et un défi que doit relever la presse marocaine, lorsque l'on connaît la désaffection du Marocain, un habitué de la tradition orale et au pouvoir d'achat limité pour la lecture en général. Parmi les lecteurs potentiels, la concurrence est rude.

«Il faut respecter le lecteur, lui donner des informations crédibles et répondre à son droit à l'information», affirme, pour sa part, M. Mohamed Brini du quotidien «Al Ahdat Al Maghribya», qui rappelle que sa génération «lisait beaucoup et mieux».

La presse a une responsabilité pour faire «bouger» la profession en faisant l'effort nécessaire de véhiculer l'information avec célérité, dans le respect de la déontologie et des valeurs d'humanisme, réplique, de son côté, Ahmed Zaki, directeur de publication du quotidien « Al Bayane», pour qui, la question de la crédibilité est essentielle pour gagner la confiance des lecteurs.
Mais tous les espoirs ne sont pas vains, les professionnels misant sur le contrat-programme actuellement à l'étude entre le gouvernement et la fédération marocaine des éditeurs de journaux.

M. Younès Moujahid, secrétaire général du Syndicat national de la presse marocaine, (SNPM), souhaite voir «aboutir» ces discussions, en énumérant les maux dont souffre la profession, notamment «un problème d'organisation, une gestion archaïque loin des critères de gestion moderne et des exigences d'une société marocaine très «courtisée» mais plus «avertie» et des ressources humaines marginalisées».

La solution réside, selon lui, dans l'implication des professionnels, regrettant le fait que «la presse qui doit former et forger une opinion publique, ne remplit pas sa mission». M. Moujahid suggère plutôt de prêter oreille aux «voix les plus exigeantes, celles des professionnels qui revendiquent la restructuration des entreprises de presse et des médias audiovisuels au Maroc».

S'agissant du contrat-programme, M. Dilami souligne qu'il vise à moderniser le secteur de la presse au Maroc pour faire des entreprises de presse, gérées pour la plupart de manière traditionnelle, des unités modernes et performantes.

Cette action « nécessitera une série de réformes au sein des entreprises de presse elles-mêmes, et permettra d'insérer ce secteur dans la politique actuelle de mise à niveau des entreprises marocaines», poursuit M. Dilami. Il s'agit, selon lui, de rationaliser les entreprises de presse.

« Contrairement aux entreprises qui se préparent à l'échéance 2010, le secteur de la presse est d'ores et déjà ouvert à la concurrence, puisque les titres étrangers entrent librement sans aucune entrave dans le Royaume», rappelle-t-il.

Ce contrat-programme est très attendu par la famille de la presse «en tant que commencement de la résolution d'un certain nombre de problèmes qui entravent le développement de la presse, dont la cherté des coûts de production et les difficultés de distribution aussi bien au Maroc qu'à l'étranger», estime, pour sa part, Ahmed Zaki.

Il déplore également la situation financière de la plupart des organes de presse qui ne cesse de se dégrader dans un marché exigu, «marqué par la faiblesse des recettes de publicité de plus en plus rongées par la concurrence de supports comme la télévision et depuis trois ans par les panneaux d'affichage qui ont inondé les principales villes» du Maroc.

Tous les professionnels interrogés, à l'occasion de la journée nationale de l'information et de la communication (Infocom), reconnaîtront, par ailleurs, une avancée en matière de liberté d'expression dans le Royaume, mais à des degrés divers. Pour l'écrivain-journaliste Mohamed Larbi Messari, l'étape que traverse actuellement la presse est « positive» et «prometteuse» malgré des difficultés apparues, ici et là, «nous sommes dans une dynamique qui nous mène vers l'avant» mais qui « nous trouvera à chaque moment présents pour rectifier les erreurs de parcours».

Pour Younès Moujahid, il y a une crise réelle au sein des médias en général.
Il notera quelques progrès, ici et là, notamment le travail fourni pour améliorer les lois, que «l'on ne peut nier». Toutefois, tempère-t-il, ces actions restent insuffisantes.

Il évoquera, à ce propos, «ce code de la presse dont on attend la révision annoncée», soulignant que le secteur de l'audiovisuel, bénéficie d'une loi qui peut être une «plate-forme de dialogue».

Ahmed Zaki estime, quant à lui, que le nouveau code de la presse, «adopté dans des circonstances particulières» et qui a certes introduit des améliorations, «gagnerait à être expurgé d'une partie de l'arsenal répressif qui constitue une épée de Damoclès au-dessus de la liberté d'expression qui est une constituante fondamentale de l'Etat de droit».

Les médias attendent plus de signaux concrets de la part des autorités, a-t-il dit, notamment une subvention à l'image d'autres pays de tradition démocratique et l'introduction de la presse comme support dans l'enseignement. Selon M. Mohamed Yatim, conseiller de rédaction au journal « Attajdid «, la presse au Maroc enregistre aujourd'hui un progrès qualitatif tant au plan de l'élargissement du champ de la liberté d'expression que du traitement de l'information, ce qui augure, a-t-il dit, d'»une mutation positive « pouvant en faire un 4ème pouvoir.

Cependant, fait-il observer, « ces acquis demeurent fragiles, tant au niveau politique «où nous avons besoin de soutenir le processus de réforme» qu'à celui de l'éthique et de la déontologie, en veillant à éviter «toute dérive pouvant porter atteinte à la liberté de la presse».

Mohamed Brini estime qu'en démocratie « le pluralisme» de la presse est un impératif que l'Etat se doit d'encourager pour permettre aux médias de mener à bien leur mission. Aujourd'hui, note-t-il, «nous passons d'une presse d'opinion à une presse d'information» et la liberté d'expression est un combat de toute la profession, ajoute-t-il, tout en reconnaissant une «avancée palpable dans ce domaine».

Abdelmounaïm Dilami souligne, lui, le «très grand progrès» enregistré en matière de liberté d'expression, traduit par une augmentation des ventes de journaux. Aujourd'hui, le lecteur a plus de choix, une plus grande variété des sujets et thèmes traités, a-t-il ajouté.

Sur le plan de l'audiovisuel, le constat est «décevant» pour le secrétaire général du SNPM qui déplore que ce secteur ne remplisse «pas son devoir aussi bien au niveau de l'information qu'à celui des programmes artistiques», citant comme «exemple flagrant du déficit en matière de qualité», les émissions programmées au cours du mois de Ramadan sur les deux chaînes de télévision nationale.
Copyright Groupe le Matin © 2025