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«Dieu bénisse l'Amérique» de Sébastien Fath : la religion de la Maison Blanche

La religiosité de Bush junior, même si elle n'est pas plus intense que celle d'un Jimmy Carter prêchant à l'école du dimanche, mérite un sort particulier. Elle le conduit à perturber le modèle classique du républicain isolationniste et à retrouver, à trav

28 Octobre 2004 À 15:57

«Nous sommes un peuple religieux dont les institutions présupposent un être suprême.» Non, cette citation n'est pas de George W. Bush et elle ne date pas de l'après-11 septembre. Elle remonte précisément à l'an 1952 et elle est extraite d'un avis de la Cour suprême des Etats-Unis.

Pour ignorer pareille évidence, nombreux sont ceux et celles qui ne voient dans l'actuelle dérive «impérialiste» de la seule superpuissance de la planète que le résultat d'un hold-up effectué sur la Maison Blanche par les sectes fondamentalistes américaines.

Ils n'en veulent pour preuve que la piété démonstrative de George W. Bush, sa repentance d'ancien pécheur et ses allusions répétées à la «mission» que lui aurait confiée Dieu.

Une piété qui l’oblige, néanmoins, à exercer une prêtrise très particulière puisque consistant à faire converger les croyances les plus diverses, sans en froisser aucune, au moyen d’une épure à la fois floue et forte qui cristallise l’identité nationale américaine.

C’est à la sacralisation de ce consensus introuvable que s’assigne cette religion que l’auteur qualifie de « religion civile américaine ». C’est-à-dire, une sorte de religion générique qui rassemble les citoyens par-delà leurs étiquettes confessionnelles.

Chargé de recherche au Groupe de sociologie des religions et de la laïcité qui s’est investi dans l’étude socio-historique du monde protestant évangélique dont la mouvance s’est fortement développée ces dernières décennies, Sébastien Fath précise qu’aucun candidat à la présidence des Etats-Unis ne peut caresser la moindre chance de l’emporter s’il ne donne pas les gages de son aptitude à évoluer dans ce registre politico-religieux .

Il en décrypte donc les mystères tout en nous mettant en garde contre les caricatures qui foisonnent par voie de presse interposée. Mais le tableau rigoureux qu’il dresse du rôle de la religion dans la politique américaine est, finalement, encore plus inquiétant.

S'il précise que les évangélistes, moteur du « revival» religieux, n'entendent pas établir une quelconque théocratie, il montre aussi comment ils militent pour une religion officieuse «où les bons feraient la loi ».

Il précise également que cette religion à l’américaine est entrée dans une nouvelle phase. Les tenants du pouvoir aux Etats-Unis s'identifient dangereusement avec le Messie. En parcourant les dix années qui précèdent la seconde guerre contre l’Irak (2003), on ne peut qu’être frappé par la permanence récurrente des références à leur religion en tant qu’artefact de la rhétorique politique… et guerrière. Avant Bush Jr., dieu n’était certes pas au chômage à la Maison-blanche…

Après lui non plus. L’auteur le rappelle. Il indique, en substance, que les huit années de présidence démocrate qui ont procédé l’accès au pouvoir de l’équipe Bush ont abondé en références publiques à la religion, principalement sous sa forme chrétienne.

A rebours du cliché présentant Bill Clinton en politicien jouisseur, aussi éloigné des canons religieux que Monica Lewinski le serait de mère Theresa, le prédécesseur de Georges W.Buch a maintes fois témoigné, publiquement, de sa foi chrétienne. Tout comme Al Gore, son vice-Président, c’est un membre de la Soutgerm Batist Convention, principale dénomination protestante américaine.

Loin d’être étiquetée comme libérale, cette dénomination s’affiche au contraire sur une ligne de plus en plus conservatrice depuis la fin des années 1970, au point qu’elle fut la seule, en 2003, à soutenir publiquement l’invasion de l’Irak par les Etats-Unis..

Dans son analyse, Sébastien Fath décrypte, avec minutie, cette nébuleuse évangélique et fondamentaliste qui fait et défait les opinions publiques au pays de l’Oncle Sam. Les deux voies qu'il explore et analyse à cette fin sont pleines d'enseignement et on ne saurait trop conseiller de lire son ouvrage.

« Dieu bénisse l'Amérique ; la religion de la Maison Blanche », Sébastien Fath , Seuil, Septembre 2004, 288 pages.
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