Dites-nous Abderrahmane Chorfi, directeur de l'Ecole nationale d'architecture : «les villas actuelles sont mieux adaptées au mode de vie marocain que les anciennes maisons traditionnelles de la médina»
L'Ecole nationale d'architecture essaie de dispenser à ses étudiants une formation qui répond aux besoins du marché et aux préoccupations actuelles. Le directeur de cet établissement nous explique le souci des responsables de former un architecte de haut
LE MATIN
15 Mai 2004
À 20:14
Dans cet entretien Abderrahmane Chorfi parle, également, de l'architecture de la capitale. Pour lui, Rabat se positionne parmi les belles capitales du monde. C'est une ville verdoyante qui possède un charme particulier.
Au niveau architectural, Rabat est-elle à la hauteur des grandes capitales ?
Rabat est une très belle capitale. L'architecture de la médina est de très bonne qualité. Le tissu urbain de Rabat des années 20 et 30 est une référence dans le monde. Il est reconnu à l'échelle internationale. Dans les années 50, des quartiers d'une excellente qualité comme l'Agdal ont été construits. La ville s'est développée au fur et à mesure des années. Hay Riad à titre d'exemple est une expérience très intéressante dans l'architecture contemporaine car on a fait des efforts au niveau des plantations, du mobilier urbain et de la construction. Mais, il faut avouer qu'il existe aussi des zones comme la vallée de Bouregreg où il y a des problèmes. Une équipe d'architectes travaille actuellement sur cette vallée. A Rabat, on trouve aussi des bidonvilles et l'habitat non réglementaire. Mais, malgré tout, c'est une capitale qui possède un charme particulier.
On remarque que les villas de Hay Riad sont faites sur le mode occidental. Qu'est ce que vous faites au sein de l'école pour encourager l'architecture traditionnelle ?
Bon nombre de personnes pensent que les villas sont construites sur le modèle occidental. Il n'y a aucune villa au Maroc qui ressemble à une autre en Europe. Les villas au Maroc ressemblent peut-être aux villas faites en Tunisie et en Algérie. J'ai fait une étude sur cette question. Les villas construites au Maroc sont mieux adaptées au mode de vie marocain que les anciennes maisons traditionnelles de la médina. Les salons dans ces villas sont séparés des espaces intimes.
Elles permettent, ainsi, au mode de vie traditionnel de mieux se développer que par le passé. Par ailleurs, en ce qui concerne l'utilisation des matériaux traditionnels, les entreprises ne savent plus construire en terre. La construction en terre aujourd'hui est moins connue que celle qui est en béton et en brique. Si on voulait construire avec les matériaux traditionnels, le logement coûterait beaucoup plus cher. Ce sont des murs épais et des matériaux difficiles à mettre en œuvre. Il faut protéger les médinas. Mais c'est un modèle qui ne peut plus se reproduire.
Croyez-vous que les espaces verts à Rabat sont suffisants ?
Rabat a toujours été une ville verdoyante. Avant d'avoir un urbaniste, un paysagiste est venu à Rabat en 1912. On a fait cette ville d'une manière paysagée. Certes certains quartiers de Rabat manquent de verdure. Il y a eu une période où l'on a coupé des arbres pour élargir les voies. Mais, on a beaucoup planté à Rabat. La zone verte autour de Rabat est une décision Royale. Cette ville a la chance d'avoir la forêt de Témara au Sud et aussi la forêt de Maâmora.
Avez-vous introduit au programme de l'ENA, des études du sismique ?
Dans l'université de printemps qui se tiendra les 20,21 et 22 mai, deux intervenants vont parler de la question sismique et son rapport avec l'habitat social. Une intervention va porter sur le coût de l'application de ces règles. Un professeur de l'ENA va établir un calcul sur cette question et ses conséquences sur l'habitat social. Un professeur français va exposer, pour sa part, le cas de l'Algérie car il a suivi les désordres du tremblement de terre dans ce pays. A l'intérieur de l'école, un enseignement va se faire.On compte créer un module de formation continue destiné aux professionnels de l'extérieur, à partir de septembre prochain, pour sensibiliser les architectes aux règles de construction dans les zones sismiques.
Les stages effectués par les étudiants de l'ENA sont-ils suffisants ?
Depuis que l'école existe, les étudiants étaient appelés à effectuer deux stages à l'extérieur. Un, à la fin de la troisième année, était fait dans des cabinets d'architecture privés. Le second était fait à la fin de la quatrième année dans une administration publique qui s'occupe de l'habitat et de l'urbanisme.
On a ajouté depuis 2000 dans le cadre de la réforme de l'enseignement à l'intérieur de l'école un troisième stage nommé «stage en entreprise». Cette année, 28 étudiants iront en France pour effectuer des stages sur des chantiers.
Mais, est-ce suffisant ?
On peut faire mieux. En première année, les étudiants ne sont pas encore prêts pour effectuer un stage. Mais on organise aussi au sein de l'école des visites et des sorties. Bon nombre de nos étudiants voyagent à l'étranger.
Cette année, 80 étudiants vont à l'étranger. On organise également des visites à l'intérieur du Maroc y compris sur les chantiers.
Que fait l'ENA pour renforcer la relation entre l'architecte et l'ingénieur ?
Dans le milieu, on a parfois l'impression qu'il existe un conflit entre l'architecte et l'ingénieur. Nous, par contre, nous considérons que cette concurrence n'existe pas.
Au sein de notre école, nous avons des ingénieurs qui interviennent partout et ont le même rôle que les architectes. On pense qu'il faut que les étudiants travaillent avec l'ingénieur sur des projets pour qu'ils comprennent ce que leur apporte l'ingénieur dans le cadre de la réalisation des projets.
Cela signifie qu'il faut expérimenter à l'école les rapports qui auront lieu ensuite à l'extérieur. Et c'est ce qu'on fait ici dans l'école d'architecture. L'étudiant comprend l'intérêt de travailler avec l'ingénieur dès le début du projet.
Ainsi, on réduit le temps et le coût. L'école considère que cette relation est importante et la met en scène.