Dites-nous Idriss Saâdani, paysagiste : l'avenue Mohammed V s'apprête à faire peau neuve
La conception paysagiste du réaménagement de l'Avenue Mohammed V, tronçon qui se situe entre le Marché Central et Jamâa Suna, a été confiée à Idriss Saadani qui a à son actif le Parc Paysager de l'Oliveraie de Bab Jdid à Marrakech. Dans cet entretien il n
LE MATIN
08 Mars 2004
À 19:50
Horloge universelle devant la gare, réaménagement des espaces verts, jets d'eau d'un nouveau genre, obélisque de lumière, stationnement interdit…l'avenue Mohammed V s'apprête à changer totalement de physionomie. Comment est né ce projet?
La réflexion sur le projet a démarré il y'a déjà quelques années. La position du site a fait que la question de donner une identité propre à cette avenue s'est posée depuis longtemps. Le maître d'ouvrage du projet est le cabinet Chakor qui a instauré les grandes lignes comportementales de l'évolution de la réflexion autour du projet de réaménagement de cette grande avenue.
La réflexion paysagère est une suite logique et en cohésion avec la ligne de conduite architecturale et urbanistique de l'avenue Mohammed V. Les grandes lignes auxquelles il fallait impérativement obéir, c'est le respect du cachet architectural du site.
Le comportement moderniste devait respecter l'héritage de cette architecture et la thématique de l'ensemble. La réflexion paysagère devait marier le concept esthétique avec la plastique architecturale de l'espace.
Derrière le moindre positionnement d'un mobilier, d'un végétal, d'un revêtement…il fallait aussi concilier entre l'aspect esthétique et l'ergonomie, la facilité à l'usage, la résistance à la dégradation, etc. C'est une réflexion très globaliste qui a été menée pour arriver à la phase d'exécution dans laquelle nous sommes.
Le projet ayant pris forme, troisséquences principales semblent émerger de l'aménagement de l'avenue Mohammed V : l'horloge universelle devant la gare, un repère urbain, sorte d'obélisque de lumière au niveau de Banque Al Maghrib, des jets d'eau intégrés et de la verdure en taupière. Votre marge de manoeuvre semble importante pour refonder le paysage de cette avenue ?
Parler de canons comportementaux liés à l'architecture des lieux ne voulait pas dire absence de marge de manœuvre. Dans le même contexte thématique, le défi était de trouver de l'insolite.
Le concept de fontaine intégrée, une technologie déjà connue par ailleurs, a été adoptée à notre architecture des symbôles et à nos motifs traditionnels. Les fontaines thématiques de l'avenue Mohammed V, qui vont être au nombre de trois, vont épouser des formes conventionnelles et traditionnelles. C'est le mariage entre la tradition et la modernité.
Le cadre existant a été respecté. Parmi les éléments identitaires du lieu, il ya aussi les palmiers qui bordent l'allée centrale de l'avenue Mohammed V. Ces palmiers sont les éléments meneurs de la thématique végétale et paysagère.
On ne peut que passer à des horizons bien inférieurs. Les parterres existants posaient des problèmes de maintenance, étaient régulièrement dégradés et ne répondaient à aucune thématique esthétique ou visuelle.
Le projet est une architecture plus traditionnelle avec les jardins issus des Riads qui sont toujours en décaissé. Le promeneur dans ces jardins est en état de flottaison. Le concept spirituel de ce jardin, le décaissement par rapport à la promenade donne cette sensation de flottaison dans cet espace paradisiaque.
Il n'y a plus de physique, c'est la promenade de l'âme. C'est une promenade spirituelle. C'est la configuration du jardin qui fait que le promeneur est toujours en surélévation par rapport à l'espace de plantation.
C'est aussi des réceptacles à eau. Ce qui résoud nombre de problèmes d'irrigation et interdit l'empiétement donc la dégradation des platebandes qui sont pratiquement inaccessibles aux piétons. C'est courant dans les jardins privés. Nous allons l'appliquer dans un espace public pour l'avenue Mohammed V.
Comment concilier l'horloge universelle et le repère urbain dans cette démarche soucieuse des équilibres et de la tradition ?
L'horloge universelle est un projet en cours de validation pour des raisons purement techniques.
Des contraintes existent. Nous en sommes toujours à une étape de validation. Le projet n'est pas encore mis en œuvre. L'obélisque de lumière est la manière la plus spirituelle pour créer un repère urbain. C'est un repère qui n'est pas encombrant et qui marque de façon majestueuse le centre de Rabat. La notion de repère urbain n'est pas nouvelle dans le monde. A Casablanca, c'est la Mosquée Hassan II ou le Twin Center mais à Paris, c'est la Tour Eiffel, la Tour Montparnasse et l'Arche de la Défense qui jouent cette fonction de repère urbain.
Le projet de réaménagement de l'avenue Mohammed V va-t-il enfin rendre cette avenue aux piétons ?
La politique automobile à Rabat, du moins sur cette voie, n'a pas un caractère mesuré et intégré. Le premier pénalisé c'est le piéton, le premier pénalisé c'est le riverain. De facto, l'élimination de la présence automobile de l'avenue
Mohammed V est une obligation pour sauvegarder la majesté des lieux.
L'avenue Mohammed V ne doit plus être ce parking quasi sauvage. Le stationnement sur cette avenue souille l'esthétique des lieux. Ne me dites pas qu'est-ce que vous allez faire de ces voitures? Car je vous répondrais par une autre question : qu'est-ce qu'elles font ces voitures ici ? Ces espaces sont faits pour les piétons et pas pour les voitures.
Tout ceci ne concerne que la 1re tranche du projet de réaménagement de l'avenue Mohammed V. Pouvez-nous parler de la seconde tranche, celle qui concerne le tronçon Jamaa Sunna ?
Il y a une ligne de conduite et thématique identique à celle de la promenade principale, celle située entre la Gare et Bank al Al Maghrib.
La reprise de la thématique des taupières est maintenue pour ce tronçon aussi. Le square en face du ministère des P&T sera revu dans une optique contemporaine.
Ce sera un aménagement paysager d'un espace vert et architectural avec plusieurs thématiques modernistes dans la même logique d'idées que le Musée d'Art Contemporain qui lui fait face.
La 3e tranche concerne les revêtements au sol et la ligne de conduite des façades et des bâtiments de la partie de cette avenue, entre la Grande Poste et l'entrée de la médina.
C'est une étude qui a été aussi menée par le cabinet Chakor. Il s'agit de créer de l'harmonisation. La qualité d'être et l'esthétique des commerces devra être digne de cette avenue.
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Le parcours de Idriss Saâdani en quelques dates
- Né le 26/05/1967 à Fès
- Formation en techniques de la gestion de l'entreprise horticole
- Formation en techniques et ingénierie de l'horticulture et du paysage
- 1993 Création de Art & Nature Concepts
- Plusieurs grands projets au Maroc et à l'étranger
- Grands projets en cours : axes et carrefours de Rabat
-Parc Paysager de l'Oliveraie de Bab Jdid à Marrakech.