Dites-nous…Mohamed-Faouzi Zniber, architecte : Rabat a un taux de croissance de ville européenne
LE MATIN
03 Mars 2004
À 15:44
De nouvaux centres urbains apparaissent dans la région de Rabat. Peut-on dire qu'elles obéissent à un schéma d'aménagement urbain de l'axe Salé-Rabat-Témara, cohérent et assumé ?
L'agglomération Rabat-Salé-Témara fonctionne comme une entité d'ensemble. Rabat, capitale du Royaume, est une ville extrêmement attractive, mais elle ne reçoit plus les populations nouvelles.
Salé et Témara, au contraire, absorbent d'année en d'année de nouveaux flux importants de populations. Sur la base du recensement général de 1994, extrapolé année par année, l'axe Salé-Rabat-Témara compte 1.800.000 habitants. La ville de Salé est à 900.000 habitants. Témara que l'on considère comme un tout petit centre compte 280.000 habitants.
La croissance de Rabat, depuis quelques années, est moins dynamique. Rabat compte un peu moins de 700.000 habitants. Les écarts se creusent. La croissance de la population à Salé comme à Témara dépasse largement celle de Rabat.
Dans quelques années Témara aura la taille de Meknès. L'évolution démographique de l'agglomération Rabat-Salé-Témara est de 55.000 habitants par an. Une telle dynamique démographique suppose une dynamique urbaine : logements, infrastructures de base, etc.
Face à cette évolution, est-ce qu'il y a une vision d'ensemble pour l'axe Salé-Rabat-Témara en matière de construction de logements, de transports, de plans de circulation ?
Oui. Il ne faut pas perdre de vue que nous avons une donne institutionnelle : l'unité de la ville. L'avenir est à une vision globale de l'agglomération. Il est aussi à une gestion globale et intégrée de Salé-Rabat-Témara. Aujourd'hui les 3 entités fonctionnent comme un ensemble cohérent en matière d'assainissement, de transport, d'emplois et de logements.
Une grande décision qui touche Témara peut avoir des implications sur Salé et Rabat. D'où la nécessité d'évoluer vers une gestion globale de l'agglomération Salé-Rabat-Témara.
Vous dites que Rabat ne reçoit plus de populations nouvelles au contraire de Salé et Témara. A quoi est dû, selon vous, ce phénomène ?
Pour être précis, Rabat ne reçoit plus que 900 ménages par an. C'est un taux de croissance de ville européenne, entre 0 et 1 %. La population des villes marocaines se développe à un taux de 2 à 3,5 % en moyenne, avec des pointes de 5% pour certaines agglomérations urbaines.
Le ralentissement de l'expansion de Rabat s'explique aussi par des limites naturelles ( océan, Bouregreg, ceinture Verte ) qui entraînent de faibles disponibilités de terrains à construire à l'intérieur de Rabat.
Le changement d'affectation de zones ( zones villas en zones immeubles ) est la seule possibilité offerte au développement de la ville de Rabat comme telle. C'est un phénomène visible à Hassan et à l'Agdal. L'axe d'expansion qui reste ouvert devant Rabat est Hay Nahda, avec le Plateau de Akreuch. Cette dernière possibilité est encore à l'étude mais même si le Plateau d'Akreuch venait à s'ouvrir, ce n'est jamais rien de plus que 900 hectares.
C'est une extension qui pourra combler les besoins de quelques années. A l'échelle de l'histoire d'une ville, ce n'est rien du tout. Une dernière mesure qui peut être prise est l'autorisation de construire en hauteur. Ce qui n'est pas à l'ordre du jour si l'on veut garder le cachet et le sky line de Rabat et Salé qui n'ont pas de grandes hauteurs comme les immeubles de la CDG, des Chéques postaux ou de l'Immeuble Essaada.
Avec Sala Jadida et les zones d'urbanisation nouvelles de Ain Aouda, les plans d'aménagement semblent en effet avoir pris acte que les axes de développement sont Salé et Témara ? Quels enseignements peut-on tirer de l'expérience de Sala Al Jadida ?
Avec de tels projets, il faut souligner que face à l'évolution démographique, les besoins en logements pour ces nouvelles populations trouvent arithmétiquement des réponses. De façon exceptionnelle, l'offre est même supérieure à la demande. Cela est dû à la réalisation de Sala Al Jadida, Said Hajji, Sidi Abdallah, à Salé, et Al Wifak à Témara. C'est ce qui permet aussi de répondre aux points noirs de l'agglomération, les bidonvilles et les douars non-réglementés et non-équipés.
Le pourcentage de la population des bidonvilles baisse. Elle ne représente plus que 5,6 % de la population de Salé. La pression est aussi en train de baisser sur les médinas. Pour prendre celle de Salé, elle ne compte plus que 48.000 habitants. Depuis le recensement de 1994, cette médina a perdu 8.000 habitants.
Dans cette mutation de la ville, quels sont les problèmes qui se posent encore en matière d'assainissement ?
Il suffit de regarder autour de soi pour voir les travaux pharaoniques de la Redal sur Rabat, Salé et Témara. C'est en milliards de dhs que les investissements se font dans l'assainissement. Outre les branchements à l'eau et à l'électrité, il s'agit de donner des réponses à la transformation de zones villas en zones immeubles. D'ici à 2007-et 2007, c'est demain- il n'y aura plus de pollution ni du littoral ni de l'Oued Bouregreg.
Face à cette expansion de l'axe Salé-Rabat-Témara, les outils de gestion vous paraissent-ils adaptés à cette dynamique ?
La nouvelle charte communale fixe les missions des élus pour faire bien leur travail. Ceci dit, Salé et Témara ont besoin de moyens qu'elles n'ont pas. Salé reçoit annuellement 35.000 nouveaux habitants depuis 8 ans. Témara reçoit 15.000 habitants nouveaux. L'écart est de 1 à 3 entre les moyens de la ville de Salé et ceux de Rabat. Sur Salé le budget de la ville est de 264 dhs par habitant et par an. A Rabat, il est de 900 et quelques dhs. A moins de remédier à cette situation, l'écart ne peut que se creuser entre Rabat, Salé et Témara.
_____________________________________________
Le parcours de M.F Zniber en quelques dates...
- 02/02/1955, naissance à Rabat
- Juin 1973, Bac.Série D au Lycée P. Valéry, Meknés
- 1979, Diplôme d'Architecte du Gouvernement Français
- 1986, diplôme de Gestion de Projets Socio-Economiques de l'Université Texas-Tech de Lubbock aux Etats Unis
- 1981 à 1989, enseignant-Chercheur à l'Institut National d'Aménagement et d'Urbanisme et membre de l'équipe de mise en place de cet établissement
- 1989 à 1994, architecte-Conseil de la Société Palm-Bay pour la Baie d'Agadir
- 1992 à 1994, Coordonnateur du cabinet du Pdg CIH. Réflexion avec les représentants du Ministère de la Culture sur la mise en valeur des sites de Lixus , Volubilis et Bab El Had à Rabat
- 1994, exercice libéral du métier d'Architecte
- 1995, membre de l'équipe de montage de l'opération Sala Al Jadida
- à partir de mai 2000 Secrétaire Général de la Fondation Mohamed Aouad Litakkafoul, fondation qui finance les études de prés de 200 étudiants du supérieur et de collégiens résidant loin de leur collège.