L'humain au centre de l'action future

Entre la vérité et le mensonge : le menteur a le cœur double

Pourquoi le mensonge ? Pourquoi quelqu’un est-il amené à mentir ? Nous mentons tous. Mais nos mensonges n'ont pas tous la même envergure, les mêmes motifs, ni les mêmes répercussions… Sont-ils facilement décelables et identifiables ?
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14 Février 2004 À 18:59

Il est incontestable que l'homme a toujours menti. Menti à lui-même. Et aux autres. Menti pour le plaisir d'exercer cette faculté étonnante de «dire ce qui n'est pas» et de créer, par sa parole, un monde dont il est seul responsable et auteur.

Menti aussi pour sa défense. Le dictionnaire Larousse définit le mensonge comme suit : «Un mensonge est de dire le contraire de ce qu'il existe, le mensonge ne peut se réaliser que par rapport à un passé, c'est à dire qu'on peut pas dire que c'est un mensonge qu'après une base donnée reste une référence pour notre jugement. Donc le mensonge est concret». Pourquoi le mensonge ? Pourquoi quelqu’un est-il amené à mentir ? Tout le monde y a eu recours un jour ou l’autre, par besoin, nécessité ou simplement pour ne pas avouer une vérité.

Le Pr. Mohamed Nasser, psychologue, l’explique autrement : «le mensonge est une arme. L'arme préférée de l'inférieur et du faible qui, en trompant l'adversaire s'affirme et se venge de lui. Il ment parce qu’il prend ses désirs pour la réalité, pour se rendre intéressant, pour cacher une bêtise, pour échapper à une situation qui le dérange ou parce qu’il n’a pas le moyen de dire les choses autrement». Il est vrai que depuis la naissance, l’homme apprend à mentir. En tant que bébé, il pleure sans raison juste pour obtenir ce qu’il désire. Ainsi, le mensonge peut permettre un élargissement de la communication. Il permet d’exprimer plusieurs réalités en même temps.

Il s’agit de commencer cet apprentissage dès le plus jeune âge, car le mensonge évolue. Majida, mère de quatre enfants, souligne : «le mensonge chez l’enfant est tout à fait normal. Il s’agit d’une phase de sa construction. D’ailleurs lorsqu’un enfant de 4 ans ment, son attitude est facilement décelable, la différenciation entre réalité et mensonge est assez facile à faire. L’enfant raconte ce qu’il a fait, ce qu’il a vu soit en l’exagérant soit en l’inventant purement et simplement.


L’impact du conte de fée, des histoires qu’on lui raconte, ont également leur part. L’enfant parce qu’il ne sait pas encore faire la différence entre la réalité et l’imaginaire mêle régulièrement ces deux univers entre eux. Il projète son désir d’être avec ce qu’il est. Le mensonge de l’enfant dans cette période est naturel lorsqu’il intègre l’imaginaire au réel».
Ainsi donc mentir, c'est avoir une chose dans l'esprit, et en énoncer une autre soit en paroles, soit en signes quelconques. C'est pourquoi on dit du menteur qu'il a le cœur double, c'est-à-dire une double pensée : la pensée de la chose qu'il sait ou croit être vraie et qu'il n'exprime point, et celle de la chose qu'il lui substitue, bien qu'il la sache ou la croie fausse. Plusieurs mensonges sont classés dans différentes catégories, avec différents degrés d’acceptation.

Il y a d’abord le mensonge qui blesse injustement, celui qui nuit à quelqu'un sans servir à personne. Le deuxième sert à l'un, nuit à l'autre, et n'empêche point la souillure du corps. Le troisième n'a d'autre but que de dire faux et de tromper : c'est le mensonge tout pur. Le quatrième tend à plaire et à jeter de l'agrément dans le discours.

Le dernier est le mensonge qui sert à quelqu'un et ne nuit à personne; comme par exemple quand quelqu'un connaissant le lieu où est cachée une somme qu'on voudrait prendre injustement, répond à qui s'en informe qu'il n'en sait rien. Celui-ci ne nuit à personne et profite à quelqu'un, avec la différence que l'on est interrogé. Il y a également le mensonge par omission, le petit mensonge ou le gros mensonge.

L'omission est de loin la forme du mensonge la plus efficace. C'est la plus facile à camoufler, à défendre et la plus difficile à critiquer. Pour Nadia Lamrabet, professeur de littérature française dans un lycée, «le mensonge est une affirmation contraire à la vérité, faite avec l’intention de tromper. Le mensonge est un moyen de communication comme un autre, un discours à un autre degré. Lorsque le dialogue ne peut se faire au premier degré, c’est à dire en relatant un fait par une réalité et vérité communes à tous, il est déplacé vers un autre moyen d’expression. Que ce soit vis à vis de soi-même : on peut se mentir, ou vis à vis des autres : on ment aux autres». Le mensonge exprime donc une vérité qui ne peut être formulée autrement que par ce biais pour de multiples raisons.


réellement. Le mensonge répond bien sûr à un besoin. Mais ce désir de vouloir être perçu différemment traduit en fait la non-acceptation de certains éléments de soi. Il répond à des traumatismes de la petite enfance et bien souvent est le reflet d’une idée de perception de son père ou de sa mère.
Le mensonge n’existe que parce qu’il y a des gens qui sont prêts à croire au mensonge, à transformer ce qui est mensonge en réalité. Si chacun entendait le mensonge, le menteur n’aurait plus besoin d’utiliser ce mode de communication et pourrait enfin exprimer ses réalités l’une après l’autre et non plus confondues en une seule. Il ne faut pas oublier que le menteur a besoin de quelqu’un pour le croire. Si tel n’est pas le cas, celui-ci n’a plus de raison d’être.

Le mensonge , un signe de manque d’estime de soi

Les mensonges fréquents et délibérés chez un enfant sont le signe d'un manque d'estime de soi.

Il se donne de l'importance en racontant des histoires et protège sa faible estime de soi en ne reconnaissant pas ses mauvaises actions. S'il a développé une habitude dans ce sens, il a besoin de votre aide. Restez calme. Le gronder ou le punir sévèrement engendre souvent d'autres mensonges! Évitez de l'entraîner à mentir (même lorsque vous savez qu'il a tort) en demandant : "As-tu fait ça?". Il répondra instinctivement : «Non!». La colère des adultes et les punitions sévères pourraient tout simplement amener l'enfant à continuer de mentir par peur. N'humiliez jamais l'enfant ou n'insinuez pas qu'il est un menteur : "Tu mens et tu le sais!", cela renforce dans l'esprit de l'enfant le fait qu'il est un menteur. Plus il croit que c'est vrai, plus il va mentir.

Dites simplement ce que vous avez observé. Aidez l'enfant à renoncer au mensonge. Faites ressortir ses propres déclarations et ses actions courageuses. Si l'enfant recommence à mentir, rappelez-lui que vous pensez qu'il n'a pas l'habitude de mentir. Avant que l'enfant ne cesse de mentir régulièrement, il doit croire en son for intérieur qu'il est, en réalité, une personne honnête.

Établissez pour l'enfant la différence entre son comportement et lui-même. Les enfants croient souvent que les gens bons font de bonnes choses et que les gens mauvais font de mauvaises choses. Par conséquent, nier un mauvais coup est une façon de s'arranger pour être une bonne personne
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