Entre réalité et stéréotypes : le rôle de la belle-mère dans la vie d’un couple
La relation qu’entretient la belle-mère avec sa bru fait souvent l’objet de clichés qui se transmettent de génération en génération. Elle passe souvent pour un personnage dont la mission est de semer la discorde dans un couple. Vrai ou faux ?
LE MATIN
03 Janvier 2004
À 18:39
Il y a fort longtemps, le célèbre moraliste La Bruyère écrivait: «Une belle-mère aime son gendre, n'aime point sa bru». Un aphorisme pas très rassurant lorsqu'on rencontre pour la première fois la belle-famille… Presque 40% des divorces sont attribuables aux mauvaises relations entretenues par les brus avec leurs belles-mères! À l'opposé, d'autres relations sont placées sous le charme. Toutefois, il semble que le statut de beau-père se vive mieux que celui de belle-mère.
Parce que, disent les psychologues, la mère et les enfants attendent moins de lui qu’il s’investisse activement dans l’éducation des enfants. Chacun d'entre nous rencontre un jour ou l'autre un souci avec sa belle-mère, dit-on. Au fait, il existe deux sortes de belle-mère : la seconde épouse du père et la mère du mari ou de l’épouse. La première qui remplace la mère est considérée comme une intruse. Constamment jugée, elle est celle qui a pris la place de la mère morte ou divorcée. Alors, elle est souvent haïe. C’est plutôt son comportement envers les enfants de son mari qui engendre des situations difficiles à vivre.
Malika, 25 ans, raconte sa relation tendue avec sa belle-mère : « Une année après le décès de ma mère, mon père s’est remarié. A l’époque, j’avais neuf ans. Ma belle-mère me frappait et me traitait mal. Mon père ne se doutait de rien. Devant lui, ma belle-mère faisait semblant de me considérer comme l’une de ses propres filles, -elle en a deux-. Mais, quand mon père partait à son travail, mon calvaire était quotidien en sa compagnie. C’est pourquoi, je l’ai toujours détesté».
Le deuxième type de belle-mère est celle qui ne remplace personne. Elle a un statut particulier. Elle tente de participer à tout ce qui doit se faire dans « la maison de son fils». Abderrahim a eu le malheur d’accepter que sa belle-mère habite chez lui. Il souligne que «lorsque ma femme m’a demandé d’héberger sa mère, j’ai vite accepté. Aujourd’hui, je suis fatigué et mon mariage bat sérieusement de l'aile à cause de mes disputes quotidiennes avec elle.
Ma belle-mère me traitait de tous les noms. Nous étions arrivés au point où personne ne respecte l’autre. C’était vraiment la guerre. Avec ma femme, je ne me disputais pratiquement jamais, car c’était sa mère qui s’occupait de ce volet». Par ailleurs, selon Lahouari Addi, sociologue de la famille, le conflit entre belle-mères et belles-filles devient inéluctable et tourne le plus souvent en défaveur de ces dernières. Se disputant le même homme qui est déchiré entre sa mère et la mère de ses enfants, le conflit a comme alternative soit le divorce soit la rupture avec la mère, ce qui est difficile à assumer pour la culture marocaine.
La belle-mère la plus abominée est souvent la mère du mari qui cherche par tous les moyens à garder son fils pour elle seule.
Elle déteste l’idée de le partager avec une autre femme.
En effet, ce petit demeure à jamais un enfant aux yeux de sa mère. Elle est jugée par l’épouse comme étant grincheuse, envahissante, désagréable, injuste et difficile à supporter à la longue. Souvent, elle est source de la séparation d’un couple, car le mari est mis constamment face à un choix: sa mère ou sa femme. Alors, il choisit sa mère et sacrifie sa femme. Par contre, Souad a une autre opinion en gardant un merveilleux souvenir. Elle confie : « Ma belle-mère a toujours géré la vie de son fils ; ce qu'il mange, son linge, jusqu’au même lui imposer certain choix : ne pas manger telle ou telle chose parce qu’elle n'aime pas elle même ce plat et lui n'ose jamais rien dire par peur de la blesser. Pendant notre mariage, c'est elle qui faisait les courses, chaque fin de semaine, ainsi que le travail ménager. c'était le paradis pour moi. Je m’entendais très bien avec elle.
Il est regrettable qu’elle soit décédée».
On raconte généralement que c’est la langue de belle-mère qui est son arme la plus redoutable. Les femmes avancent que la belle-mère aime trop son fils. Elle est même étouffante et possessive. Elle veut s'immiscer dans la vie privée du couple.
La belle-mère se croit indispensable. Il n’y a qu’une solution, explique Fatima Ouedghiri, sociologue, c’est que « le père prenne sa place d’homme et de père. Il est en effet le seul qui puisse donner une légitimité à la belle-mère et définir son rôle auprès des enfants. Lorsque l’enfant est petit, il a besoin d’une présence maternelle.
A partir des soins qu’elle lui prodigue, la belle-mère peut nouer avec lui une relation intime. Au fur et à mesure qu’il grandit et surtout au moment de l’adolescence, la belle-mère peut jouer le rôle de tiers, extérieur au couple parental».
Toutefois, Samira, 16 ans, confie : «Mon père et moi, nous avons du mal à nous comprendre, à nous parler. Avec ma belle-mère, c’est plus facile. Elle est à la fois complice, confidente et médiatrice».