L'humain au centre de l'action future

Entretien avec Louis-Pascal Couvelaire, réalisateur : les héros ne meurent-ils jamais ?

Louis-Pascal Couvelaire qui signe son deuxième long métrage " Michel Vaillant " est actuellement à Casablanca pour faire la promotion de son film. Son premier essai " Sueurs " a été tourné entièrement au Maroc où il vient souvent aussi pour faire des pub

27 Janvier 2004 À 20:33

Michel Vaillant n’est peut être pas tombé en désuétude, mais c’est vrai, ce n’est pas un personnage très moderne aujourd’hui. Nous avons donc essayé, peut être pas de le faire renaître, mais de le moderniser. Avec probablement un risque que les 15-16 ans ou disons les moins de vingt ans ne soient pas attirés par le titre.

Comment l’idée est elle née ?

L’idée est de Luc Besson et Pierre-Ange Le Pogam qui sont les deux actionnaires de la société Europacorp. Lorsqu’ils ont monté la société, ils ont listé les projets qu’ils voulaient développer et parmi ces projets, il y avait un film sur l’automobile. Ils ont cherché les sujets, ont trouvé Michel Vaillant et sont venus me proposer de réaliser le film. Maintenant est ce que ce n’est pas un peu risqué de faire un film sur l’automobile ? Si. D’abord parce ce genre de films est un peu maudit, d’une manière générale . C’est à dire q u’il n’y a pas un film complètement axé sur l’automobile qui a vraiment marché. Prenez " Le Mans", " Grand Prix " et plus récemment " Driven ", ce sont des films qui ont eu du mal à démarrer, parce qu’il y a une espèce de rejet du public. Est ce qu’un personnage comme Michel Vaillant va drainer du monde parmi les jeunes ? Je le répète, non. D’ailleurs la preuve en France nous avons fini avec un million d’entrées ce qui n’est pas mal , mais nous n’avons pas drainé la clientèle de " Fast and furious ", les jeunes des banlieues, par exemple. Je pense tout de même qu’il le verront en DVD, car il faut dire qu’il y a eu beaucoup d’à priori sur le côté vieillot de la BD, sur le côté un peu has been du personnage.

Vous avez été associé au projet, probablement parce que vous êtes un spécialiste de la pub pour automobile. Comment passe-t-on de la pub à un long métrage de fiction ?

Ce n’est pas sorcier. Les techniques sont les mêmes. La seule différence, c’est l’acteur et l’histoire, mais le plateau en lui-même, c’est exactement la même chose. Sauf qu’il s’agit dans un film de demander à l’acteur de raconter la même histoire que celle que vous souhaitez raconter vous mêmes. Sur un film, il y donc narration, direction d’acteurs…

Est ce que Graton, dessinateur de Michel Vaillant (la BD) a été associé au projet?

Il n’a pas vraiment été associé. Il a donné son avis sur le scénario, sur un certain nombre d’éléments. Nous avions un cahier des charges auquel nous devions nous tenir. Nous n’allions pas mettre Michel Vaillant avec les cheveux longs, teints en blond. Il fallait respecter surtout la trame d’origine, sinon il ne fallait pas prendre Michel Vaillant.

C’est une adaptation. Pourquoi ne pas avoir écrit un scénario original ?

C’est un scénario original. Il n’y avait pas une bande dessinée suffisamment épaisse pour faire un film d’une heure et demie. C’est donc un scénario original écrit par Luc Besson son co-scénariste qui s’inspire quand même de deux albums. Ils en ont repris les histoires et travaillé à partir de cette compilation.

Il y a une présence féminine très remarquée dans le film. Dans un domaine plutôt macho, c’est assez révélateur. Etait ce pour valoriser la femme ?

Tout à fait. D’ailleurs je crois que nous avons fait une erreur de communication. Nous aurions du plus communiquer sur cet élément. Nous avons fait une tournée en France et nous avons trouvé que les femmes étaient toutes très contentes. Parce qu’elles ne sont pas traitées comme des potiches. C’est l’anti-femme de " Fast and furious ", justement. Ce n’est pas la bombe en mini jupe qui fait de gros sourires au beau pilote. Les femmes ont de vrais rôles. La méchante, c’est une femme et c’est elle qui détient toute l’intrigue. Nous voulions éviter de tomber dans l’archétype du film automobile traditionnel, de la groupie face au pilote.

Vous avez tourné pendant les 24 h du Mans. Comment s’est passé le tournage. Vos prises de vue sont-elles réelles ?

Nous avons engagé des voitures. Deux voitures avec de vrais pilotes, une Leader et une Vaillante. Nous avons participé à la compétition et nous avons mis des caméras à l’intérieur et à l’extérieur. Il y a avait 11 caméras pendant les 24 heures du Mans, ce qui nous a permis d’avoir des prises de vue que nous n’aurions pas pu avoir si nous n’avions pas participé effectivement à la course.

Il y avait donc des gens qui jouaient leur vrai rôle dans le circuit ?
Tout à fait. Un moment dans le film, on voit Michel Vaillant qui va monter dans le prototype pour participer au départ. Il y a tout un travelling, on part du stand où il est jusqu’à sa voiture. Et là, il y a toute la foule avec des gens qui passent.

Les voitures ont elles été construites pour le film ou est ce des voitures maquillées?

Il nous fallait, pour participer à la course, de vraies voitures. Nous ne pouvions pas prendre des voitures de cinéma, car il fallait qu’elles répondent à un certain nombre de performances, de réglementation de sécurité… C’était donc une Lola et une Panos qu’on a repeintes et réaménagées pour qu’elles soient une Leader et une Vaillante et ensuite on a fait quatre voitures, des fausses pour les cascades. Peugeot nous a également passés des 206 qu’on a modifiés en Vaillante.

On parle d’images saturées, de nuages recréés. Est ce que c’est pour faire BD?

Une tonalité de films. Je suis issu de la publicité et donc très attaché au look du film. Dans le cas de Michel Vaillant, nous sommes dans un univers très bleu acier. Après j’ai fait toute la déclinaison bleu acier et rouge dans tout le film. Mais ça c’est ma formation de publicitaire. Mon premier film " Sueurs " tourné à Ouarzazate et Erfoud, est un film chaud. Il fallait recréer la chaleur du désert et dons j’ai opté pour le jaune et le noir.

Quel accueil a reçu le film en France ? On parle de mauvaises critiques

Des mauvaises critiques, on en a souvent, surtout pour ce genre de films et surtout par rapport à la critique française. Avec la nouvelle vague, tout ce qui est cinéma d’action ou cinéma populaire, n’a pas la faveur des critiques. Un film américain a sa place, mais un film français dans la même catégorie ne fait pas partie du serail. On se fait de toutes façons taper dessus. Mais Michel Vaillant a quelque peu échappé à la règle. Certains étaient même contents qu’on fasse encore en France des films d’action comme on en faisait dans le temps.
Finalement, l’accueil ne s’est pas trop mal passé. Ce n’est pas un gros carton, mais ce n’est pas un échec non plus. C’est un petit succès, je dirais. Nous avons payé deux choses : le titre et le fait que la communication ait été trop axée sur l’automobile et pas assez sur l’histoire. Ce que vous disiez très justement tout à l’heure à propos du titre, n’a pas joué en notre faveur. Parce que toute la clientèle de banlieues et de multiplexes dont je vous parlais, a dû se dire, " Michel Vaillant, mais qu’est ce que c’est que ça ? ".

Où se positionne le cinéma français aujourd’hui ? Il semblerait qu’il traverse une période difficile entre un certain protectionnisme et une envie de s’ouvrir au monde.

Le cinéma français a du mal à se positionner en ce moment. Il a une identité qui est un peu difficile. Il faut savoir que le cinéma coûte cher et qu’un film qui ne fait pas rentrer de spectateurs, c’est un problème. Paradoxalement, quand Luc Besson fait " Taxi 1 ", " Taxi2 ", " Taxi 3 ", il se fait assassiner parce qu’il fait des films commerciaux. Il faut savoir que ces derniers permettent à une cinquantaine de films de se faire et de générer du chiffre d’affaires pour pouvoir en faire d’autres. Il y a une espèce d’intelligentsia du cinéma très snob qui tape sur tout ce qui est commercial et ils ont tort. Je ne suis pas contre les films d’auteur. Qu’il y en ait c’est bien, mais il ne faut pas qu’on assassine les autres. En gros, je pense que le cinéma aujourd’hui vit une crise. Il faut simplement qu’il sorte des créneaux : comédie ou film d’auteur.


Propos recueillis par Ingrid Merck et Myriam Ezzakhrajy
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