Spécial Marche verte

Entretien avec Nadir Boumaza, directeur du Centre Jacques Berque : «Il existe de grandes différences entre les pays du Maghreb»

Le Centre Jacques Berque organise du 17 au 20 mai une semaine de réflexions scientifiques à base anthropologique alliant formation et valorisation des savoirs scientifiques autour des questions d’identité, en situation de changement des sociétés mag

17 Mai 2004 À 16:30

Quel est l’objectif de ce séminaire ?

Ce séminaire s’appelle rencontre d’anthropologie qui a pour objectif l’organisation de rassemblement de mise à discussion des chercheurs qui ne se connaissent pas et qui n’ont pas l’occasion de débattre de questions essentielles.

C’est une manière de faire le point et de poser les problèmes d’enseignement de la discipline anthropologique et du développement de la recherche anthropologique sur le Maroc et sur le Maghreb. Par ailleurs, nous avons prévu une Journée pour le grand public pour livrer aux cadres, universitaires, représentants d’autorité et élèves du terminal, les résultats de la connaissance scientifique pour éclairer des questions d’actualité fondamentales : le phénomène de la mondialisation aujourd’hui, tel qu’il se manifeste par internet, par la libéralisation du marché, etc, qui perturbent les cultures, les manières d’être, de vivre, les appartenances, les identifications... Comment les individus, les groupes, les communautés, les sociétés, les pays se positionnent ? Pour être performant et se sentir bien, il faut savoir qui l’on est.

C’est une question d’identité. L’un des phénomènes posé par la mondialisation, c’est que les plus pauvres et ceux qui ne maîtrisent pas la technologie ou l’économie se trouvent complètement perturbés, déboussolés et ne savent pas comment se positionner. Cette question peut causer des problèmes graves comme l’extrémisme et le radicalisme, la débauche…Des individus perdent le contrôle d’eux-mêmes et en même temps perturbent leur environnement. Ces phénomènes ne sont pas débattus d’une façon froide. Il faudrait entre autres expliquer cela à des personnes des autorités qui ont de lourdes responsabilités et ne savent pas comment gérer la situation.

Qui sont les intervenants ?

Ce sont des scientifiques, des anthropologues, des sociologues qui touchent parfois à la science politique, à l’économie ou à la littérature.

Concrètement, les rencontres que vous avez déjà organisées auparavant à quoi ont-elles servi ?

Notre objectif habituellement est de produire des articles et des ouvrages. On publie, donc, le résultat des recherches. La communauté scientifique et le public intéressé en bénéficient. Nous avons également un autre objectif. Nous essayons de faire en sorte que la production scientifique soit plus performante et de haut niveau. A titre d’exemple, la façon de permettre aux chercheurs qui travaillent sur le Maroc de collaborer entre eux. La recherche aujourd’hui est internationale. L’idéal est d’arriver à rassembler, dans des débats qui sont organisés scientifiquement, des chercheurs de différents milieux et pays qui traitent des questions qui les préoccupent ensemble.

Dans ce séminaire, l’intérêt est focalisé sur les pays du Maghreb.
Il y aura des scientifiques principalement du Maroc. Deux Tunisiens, deux Algériens et des Français vont animer, également, ce séminaire.

Est ce que vous avez un partenariat avec les pays arabes ?

Notre établissement travaille dans les sciences humaines et sociales pour la coopération franco-marocaine. Notre rôle est de répondre à la demande marocaine et en même temps de proposer des produits et technologies qui, mis au service de nos partenaires, permettent de faire avancer un certain nombre de questions. Le partenariat entre le Maroc et les pays arabes n’est pas notre rôle. Mais pour faire de la recherche, il faut la faire au niveau international, d’une part. Et d’autre part, il faut faire la recherche qui traite l’objet tel qu’il est. Et comme les questions que l’on traite se posent autant au Maroc qu’en Tunisie, qu’en Algérie et qu’en Mauritanie, nous traitons la chose à l’échelle du Maghreb.

Qu’est ce que l’anthropologie permet de savoir sur le Maroc ?

On ne peut pas avoir une réponse étroite puisque l’anthropologie est l’étude de l’Homme dans sa relation avec lui-même et l’autre. Cette science traite des choses universelles et permanentes. Il y aura toujours des rapports de parentés, des mythes et de l’imaginaire, de la croyance…Il n’y a pas de nouveau. Quand on observe une société comme le Maroc, du point de vue anthropologique, la première question qui se pose : qu’est ce qui s’est passé chez les individus qui sont passés de la campagne en ville, à quoi ils appartiennent ? C’est un déséquilibre qui pousse les individus de se déplacer d’un lieu à un autre. Il devient un autre, un citadin.

Quelles sont les grandes similitudes entre les pays du Maghreb ?

Il existe des similitudes mais aussi de grandes différences. Par exemple entre la Tunisie et le Maroc, nous changeons d’échelle. La Tunisie est un petit pays avec des petites distances où les femmes accèdent à l’école depuis longtemps, où les soins sont répandus et où il y a une individualisation du mode de vie. Le Maroc est, par contre, un grand pays dans lequel les traditions sont plus conservées, les relations entre les femmes et les hommes sont différentes…
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