Spécial Marche verte

Entretien avec le Dr Magdi Ibrahim, président de l'ONG Enda Maghreb : «Accompagner les associations dans leur stratégie de lutte contre la désertification»

Depuis 2003, Enda Maghreb (Environnement, Développement et Action au Maghreb) en partenariat, notamment, avec le Programme des Nations unies pour le développement, le ministère de l'Agriculture et les ONG oeuvrent pour la mise en application du Plan natio

19 Juin 2004 À 19:28

Au Maroc, les zones arides représentent 77% du territoire national et les régions sahariennes y occupent, à elles seules, 60 %. Cependant et si on considère la zone aride au sens large, en incluant les régions semi-arides, où les risques de désertification sont élevés, on aboutit à 90 % de l'ensemble du territoire. Que faut-il faire devant une telle situation ?

Les zones arides et semi-arides ont connu, au cours de ces dernières décennies, une dégradation importante, qui menace sérieusement leur pérennité. Les manifestations du processus de dégradation sont multiples et les plus répandues sont celles concernant l'extinction de nombreuses espèces animales et végétales, la déforestation, l'érosion du sol et la réduction des disponibilités en eau.
Les causes de cette dégradation sont à la fois, le climat et l'action humaine. Sur le plan climatique, les zones arides et semi-arides marocaines sont confrontées à des sécheresses fréquentes, à caractère cyclique, qui accentuent les effets néfastes du surpâturage sur le couvert végétal.

Face à cette situation, des actions, de deux types, visant une gestion durable des ressources des zones arides et semi-arides doivent être engagées. Il s'agit de projets à impact direct, contribuant directement à atténuer le phénomène de dégradation des ressources naturelles (sol, eau et végétation), et d'autres à impact indirect, ayant pour objectif d'améliorer les conditions de vie des populations.

L'Etat a engagé, depuis 1998, le processus d'élaboration d'un Plan d'action national de lutte contre la désertification (PAN-LD), qu'il a validé en 2001 avec plusieurs acteurs : départements ministériels, organismes de coopération internationale et ONG. Dans le cadre de ce programme, Enda Maghreb coordonne les actions du Réseau international des ONG de lutte contre la désertification (RIOD Maroc). Comment cela se traduit-il sur le terrain ?

Enda Maghreb est le point focal national du réseau RIOD. Depuis 1999, la mission de celui-ci est de renforcer le rôle des ONG dans la mise en œuvre de la Convention de lutte contre la désertification (CLD). Cela se traduit par deux catégories d'action. Primo, à l'échelle nationale, Enda Maghreb facilite la participation des associations à la formulation des stratégies de lutte contre la désertification. A titre d'exemple, à l'occasion de l'élaboration du PAN, Enda Maghreb a organisé, durant la période 2000-2001, des ateliers de sensibilisation et des réunions pour discuter du contenu de ce programme national.

Parallèlement, notre association a appuyé l'organisation d'ateliers locaux de consultation des populations, pour identifier leur perception du phénomène de désertification, leurs attentes, ainsi que les actions prioritaires à entreprendre. Secondo, à l'échelle locale, Enda Maghreb renforce l'implication des associations dans la mise en œuvre du PAN.

De ce fait, Enda Maghreb facilite le travail de mise en réseau, l'échange d'informations et d'expériences entre les associations membres du réseau.
D'autre part, un appui particulier leur est apporté, en matière d'identification, de montage, de recherche de financements et de mise en œuvre de projets de lutte contre la désertification.

Depuis 2003, le RIOD a été impliqué dans l'élaboration des orientations stratégiques des ONG, dans le cadre de la mise en œuvre du Plan d'action national de lutte contre la désertification. Il s'est, notamment, engagé à préserver les écosystèmes oasiens, réduire la pression exercée sur les forêts et promouvoir les pratiques agricoles, respectueuses de l'environnement, qualifiées d'agriculture durable. Peut-on dressé, aujourd'hui, un bilan des réalisations dans ces domaines ?

Il est un peu difficile, au stade actuel, de dresser le bilan des réalisations. Néanmoins, il convient de préciser que, depuis 2003, Enda Maghreb en partenariat, notamment avec le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) et le ministère de l'Agriculture ont engagé un processus, qui vise à décliner le positionnement des ONG, dans le cadre de la mise en œuvre du PAN.

Cela s'est traduit par la définition de trois orientations stratégiques, qui sont la réhabilitation et la préservation des écosystèmes oasiens, le développement des zones de montagne, la réduction de la pression exercée sur les forêts et les zones de parcours ainsi que la promotion de pratiques agricoles respectueuses de l'environnement. En vue de contribuer à la mise en œuvre de ces orientations, 30 ONG ont identifié des idées de projets de terrain. Actuellement, un processus de mobilisation des ressources financières est engagé par Enda, en vue d'appuyer le montage et la mise en œuvre de ces projets. Un bilan des réalisations, en la matière, pourra donc être dressé à partir de 2005.

Malgré la volonté des pouvoirs publics d'associée les associations marocaines à la campagne de lutte contre la désertification, plusieurs obstacles existent : tissu associatif jeune, urbain et manque d'expérience. Les autorités ont-elles pris les mesures nécessaires pour remédier à cette situation ?
Le PAN s'attache à renforcer le rôle des ONG, en tant que structures représentatives des populations locales, compte tenu du rôle qu'elles jouent en faveur du développement rural intégré. Néanmoins, le tissu associatif rencontre un ensemble de contraintes, parmi lesquelles celles évoquées plus haut. Face à ces contraintes, le renforcement des capacités des ONG s'avère nécessaire pour leur permettre de mieux soutenir les objectifs du PAN. C'est dans ce contexte, que le ministère de l'Agriculture et le PNUD ont appuyé la création du réseau RIOD en 1998 ; réseau, qui fédère une quarantaine d'associations, autour des questions liées à la désertification. En 2003, le ministère de l'Agriculture, en partenariat avec le PNUD, confie à Enda Maghreb la mise en œuvre d'un projet visant le renforcement de l'implication des ONG dans le processus de mise en œuvre du PAN.

Ce projet a permis de créer un répertoire, recensant 76 associations, oeuvrant dans la lutte contre la désertification, d'organiser des ateliers de formation sur le montage de projets et des visites d'échange d'expériences.
La mise en synergie des efforts, au travers de réseaux existants, est sans équivoque une approche adéquate de mobilisation du secteur associatif.

A cet effet, le ministère de l'Agriculture doit renforcer davantage son appui à ces réseaux afin de permettre aux associations de mieux assumer leur part de responsabilité, dans les processus de développement local et de gestion des ressources naturelles. Soulignons également, que d'autres partenaires contribuent au renforcement des capacités des associations.

Il s'agit notamment du Programme de Micro Financement du Fonds Mondial pour l'Environnement (PMF-FEM) et du PNUD, qui accompagnent les associations dans le développement et la mise en œuvre de programmes, dans le domaine des changements climatiques et de la biodiversité.

Pour faire face aux conséquences de la désertification, une opération de reboisement «Une femme, deux arbres : planter des arbres pour améliorer les conditions de vie » a été lancée par une ONG marocaine et dont l'objectif est d'inciter les femmes à planter environ un million d'arbres à Rabat et ses environs. Y a-t-il une vraie politique nationale de reboisement pour lutter notamment contre l'avancée du désert ?

Des politiques, visant le reboisement et le développement des zones oasiennes, existent à l'échelle nationale. Un plan directeur de reboisement a été finalisé en 1997 et propose de fournir des réponses durables, aux besoins prioritaires, en produits forestiers.

Par ailleurs, un plan de restructuration et de développement de la palmeraie a été lancé, en 1987 et reconduit pour une période supplémentaire de neuf ans, jusqu'en 2007, en vue d'inverser la tendance de régression de la palmeraie marocaine grâce à l'introduction de variétés résistantes à la maladie du «Bayoud ».

Vous intervenez, également, dans l'éducation à l'environnement. Une « Classe itinérante - déchets ménagers » a été ainsi conçue et équipée d'outils. De quoi s'agit-il exactement ? Et avez-vous des projets de ce genre, en partenariat avec des ministères ?

Equipée d'outils éducatifs, aussi diversifiés, que des autocollants, des dépliants de sensibilisation, des panneaux d'information, des affiches, une vidéo et une exposition sur le recyclage, « la classe itinérante » est un outil de sensibilisation des écoliers, des jeunes et de la population de la ville de Tiflet, à l'importance d'une gestion rationnelle des déchets solides. Cset outil a été développé, dans le cadre de la mise en œuvre, par Enda Maghreb, du Programme de gestion communautaire des déchets ménagers, financé par la Commission européenne durant la période 2001-2003.

Les activités de sensibilisation dans les écoles sont organisées en partenariat avec la délégation provinciale de l'éducation nationale de Khémisset.
D'autres projets d'éducation à l'environnement sont menés par l'organisation, dans la province de Taza, concernant la gestion rationnelle des ressources naturelles et à Oulmès, Essaouira et Salé pour la gestion de l'environnement urbain.
Dans le cadre de ces programmes, Enda Maghreb favorise le partenariat entre divers acteurs, tels que les délégations provinciales de l'Education nationale, le département de l'Environnement, les directions provinciales des eaux et forêts, les directions provinciales de l'agriculture et les associations locales.
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