Exposition des œuvres de Miloudi, Hariri et Erruas à Dar Lamrini : festival de signes, de symboles et de couleurs
Manifestement, les artistes peintres marocains Houssein Miloudi, Abdellah Hariri et Safaâ Erruas n'ont trouvé de meilleures cimaises que la salle des expositions de Dar Lamrini à Rabat pour exposer tout en les voilant leurs toiles dans le cadre d'une expo
MAP
25 Février 2004
À 16:45
Enfoui dans les dédales sinueuses de l'ancienne médina, le lieu offre, en fait, par son emplacement, ses odeurs et son architecture un espace fort approprié pour emballer, d'emblée, le visiteur dans un curieux jeu de cache-cache, fait de signes, de formes et de symboles.
Les sept tableaux de Houssein Miloudi, qui alternent technique mixte sur papier et dessins au crayon en passant par des toiles à l'huile, se présentent comme le condensé d'une expérimentation plastique et d'un parcours artistique allant de 1974 à 2003.
Natif d'Essaouira, en 1945, où il vit et travaille pratiquement retiré dans une profonde affinité spirituelle avec sa ville natale, le peintre récidive et renoue sans cesse avec ses premières amours, ses sujets favoris qu'Edmond Amran El Maleh avait décrit comme ces espaces animés par une sorte de fièvre sereine, par une constellation de signes, symboles abstraits géométriques, concrets figuratifs aussi, ces mains, mains marquées au centre de la paume par un oeil, un soleil-oeil, oeuf-oeil irradiant de flammes porteurs de fécondité ou encore ces formes limites, stylisées de monstres marins, de silhouettes humaines, animales embryonnaires traces organiques, minérales saturées de couleur.
Entre Miloudi et son collègue Abdellah Hariri, lauréat comme lui de l'Ecole des beaux arts de Casablanca, la séduction ensorceleuse des lettres et la passion du mot calligraphié n'est pas le seul point de rencontre. A travers ses 8 tableaux, Hariri retrace les contours de la continuité d'une oeuvre traversée par une profonde tension faite de quêtes fiévreuses et d'expériences sempiternellement renouvelées.
Jouant tantôt avec l'éclat de la couleur et l'attrait envoûtant de la calligraphie arabe et tantôt avec les évocations sensuelles des formes géométriques avec un penchant prononcé pour les cercles et la rondeur, Hariri semble déployer toute la symbolique qui lui est familière.
Celle-là même dont Mohamed Chebaâ, commissaire de l'exposition, dira non sans émerveillement combien elle est formidable et saisissante cette nostalgie à l'écriture et à la calligraphie arabe qui vient sceller la toile de son sceau spirituel.
A ce festival de signes, de symboles et de couleurs, l'apport de la jeune artiste tétouanaise, Safaâ Erruas, consiste en un curieux assemblage de matériau fait de fil métallique et d'aiguilles sur fond de bande de gaze : sa manière, à elle, de dire peut-être une profonde mélancolie dramatique, une incommensurable blessure narcissique ou un malaise abyssal.
De fil en aiguille, la surface des bandes de gaze est délicatement transpercée, cousue, plâtrée, scotchée, malmenée, comme pour rappeler au spectateur la fragilité de son être et la nudité de son insignifiance. Mohamed Chebaâ dira que Safaâ, dont le nom évoque la pureté, nous libère du dogmatisme et de notre aliénation visuelle. Tisseuse de lumière et d'amour et poétesse de la clarté, son procédé rayonne de quelque chose proche du mysticisme, de la religiosité : elle fait pénitence pour mieux nous rapprocher du Créateur.
Initiée par l'Institut Cervantès du Maroc dans l'objectif de promouvoir le dialogue et les échanges entre les artistes marocains et leurs homologues espagnols, cette exposition collective itinérante prendra fin demain à Rabat, avant de mettre le cap sur Fès, Casablanca et Tanger durant les trois mois à venir.