Naissance de SAR Lalla Khadija

Grand angle sur Sidi Al Yabouri : un lieu de pèlerinage pour se marier et déjouer le mauvais sort

Chaque mercredi, une ambiance particulière règne à Sidi Al Yabouri. Les filles y affluent en masse pour contrecarrer le mauvais sort. La plupart d'entre elles sont en quête désespérée d'un mari. Convaincues que ce marabout possède un pouvoir magique, elle

17 Mars 2004 À 16:34

Il est 11 heures. Bon nombre de filles circulent à Sidi Al Yabouri.
Quelques-unes cherchent à dissimuler leur visage pour ne pas être reconnues par un voisin ou un proche. « Je ne veux pas que quelqu'un sache que je viens ici pour ne pas dire que je suis une sorcière », explique une jeune femme.

Certaines semblent habituées à fréquenter ce lieu. D'autres tâtonnent encore ignorant où il faut se diriger. Ces dernières ne cessent de tourner leurs regards dans tous les sens à la recherche d'une sensation particulière. Heureusement qu'à chaque coin, se trouvent des femmes prêtes à les guider en contrepartie d'une petite somme d'argent. «Il suffit qu'elles achètent une bougie ou une herbe pour que je les oriente. Ici à Sidi Al Yabouri, il y a plusieurs coutumes à suivre », dit une sexagénaire qui vend différentes sortes d'herbes et des bougies à l'intérieur du cimetière. Pour vendre ses articles, elle a bien choisi son emplacement qui donne sur un passage des visiteurs.

Même formule

Elle ne laisse passer aucune occasion appelant les passants et les attirant vers sa marchandise. Une jeune femme s'approche d'elle, l'air hésitant. Elle achète deux bougies et du henné et presse le pas vers le sanctuaire du marabout. Elle s'exclame avec gêne apparent : «Ce qui m'arrive est vraiment bizarre.

Chaque homme que je rencontre s'enfuit après quelques semaines. J'ai été à plusieurs reprises fiancée. Mais, ça n'a pas marché. Pourtant, je suis belle et cultivée.» Désespérée, elle est allée consulter un voyant cherchant une explication à son problème. « Il m'a dit que quelqu'un m'a jeté un mauvais sort et qu'il est impossible que je me marie sans que je visite Sidi Al Yabouri ». Elle n'est pas la seule à suivre aveuglément les consignes des voyants. Toutes les filles qui visitent ce sanctuaire sont orientées par les fqih. Une quinquagénaire affirme : « Sidi Al Yabouri est capable de faire beaucoup de choses. Il faut juste croire en ses compétences pour que le visiteur obtienne ce qu'il convoite. Je l'ai moi-même visité il y a plus de vingt-cinq années et je me suis tout de suite mariée.

Maintenant, j'emmène ma fille et ma nièce ». A côté d'elle, deux jeunes filles, la vingtaine semblent prêter une attention particulière à toutes ses indications. Elles ont dû répéter maintes fois la même formule : «Nous venons nous recueillir auprès de vous Sidi Al Yabouri en croyant en votre pouvoir. Veuillez concrétiser notre vœu. Veuillez accepter notre demande. Nous comptons sur vous, ne nous décevez pas». Leur visite ne pouvait se conclure sans qu'elles se douchent avec l'eau du puit qui se trouve à l'intérieur du sanctuaire. C'est un passage obligé. On ne peut venir à Sidi Al Yabouri sans se laver avec son eau « bénite». « C'est une chose formidable. L'eau est tiède même s'il fait froid et en été elle est froide », dit avec émerveillement une visiteuse en déposant ses habits par terre.

En fait, différentes marques de vêtements sont éparpillées dans tous les coins. Après s'être lavée, la fille doit absolument laisser ses sous-vêtements sur une tombe pour que sa visite ait l'effet désiré. Elle doit aussi allumer des bougies et tourner autour d'elles plusieurs fois tout en prononçant des formules bien précises dictées par les femmes qui « travaillent » à Sidi Al Yabouri. Le rituel doit se terminer par le henné. Libre aux filles de choisir la façon d'orner leurs mains. Une femme professionnelle est habituée à faire ce travail.

C'est elle qui incite les filles à ne pas oublier ce rituel. Quelques-unes préfèrent plutôt étaler le henné sur un canon. Elles pressent ensuite avec leurs pieds un citron. «Rien ne marche dans ma vie. J'ai toujours des problèmes. Le Fqih m'a dit que c'est anormal et qu'il faut se laver avec l'eau de Sidi Al Yabouri pour que le maléfice disparaisse», conclut une adolescente.

Un lieu de gagne-pain
Sidi Al Yabouri est un endroit de gagne-pain de bon nombre de personnes.

Des femmes vendent depuis des années des bougies et du henné aux visiteurs. Certaines d'entre elles sont issues d'autres villes du Royaume. D'autres se chargent d'embellir les mains des jeunes filles avec le henné tout en participant aux rituels de ce marabout. Quelque quatre femmes surveillent le lieu et indiquent aux filles les étapes à suivre moyennant une petite somme d'argent. « Chaque cliente donne ce qu'elle veut. Nous prenons aussi le sucre, les dattes et le pain que les visiteurs posent sur les tombes. Je n'ai pas d'autres issues.

Je n'ai pas des proches qui peuvent me prendre en charge. C'est ici que je travaille », affirme avec déception une sexagénaire. Elle se plaint des petits-fils de Sidi Al Yabouri qui ne pensent pas aux femmes qui les aident à accueillir les visiteurs. En fait, mercredi dernier, deux femmes (petites filles du saint) étaient assises à l'intérieur du sanctuaire surveillant attentivement tout ce qui se passait. Leur mission se résume à ouvrir en fin de journée la caisse dans laquelle les clientes déposent l'argent.

Copyright Groupe le Matin © 2025