Il s'insurgeait contre l'impiété et voulait que tous les dieux soient honorés : Apulée, le plus grand écrivain africain de langue latine
Il naquit à Madaure (l'actuelle M'daourouch, au nord de Tebessa, en Algérie) en 125 après. J.C et mourut après 170. On ne connaît pas son prénom mais certains auteurs pensent qu'il s'appelait Lucius, comme le héros de son célèbre roman. Les Métamorphoses.
25 Décembre 2004
À 17:01
Tout ce que nous savons de lui provient des éléments autobiographiques contenus dans ses œuvres, notamment l'Apologie et les Florides.
Il appartenait à une famille aisée. Son père, riche propriétaire foncier, occupait de hautes charges dans l'administration, principalement celle de diumvir, qui faisait de lui l'un des premiers responsables de la ville. Comme il était de règle dans les familles riches de l'époque, il assura à ses deux fils une bonne éducation. C'est ainsi qu'Apulée fréquenta les meilleurs écoles de Madaure et acquit une solide culture.
Madaure, qui était, à l'époque, une colonie flavienne de la province romaine de proconsulaire, était un foyer culturel et économique florissant. Apulée y apprit la littérature grecque et latine, la philosophie, la grammaire, la rhétorique et d'autres disciplines. Il parlait avec la même aisance le grec et le latin et passait, dans ses discours, d'une langue-à l'autre. Il devait aussi parler le libyque puisqu'on sait qu'au début de ses études, il s'exprimait avec un fort accent, que ses contemporains qualifiaient d'atricain.
Apulée poursuivit sa formation à Carthage puis à Athènes qui restait, en dépit de son déclin politique et économique, le centre intellectuel du monde méditerranéen. Le jeune homme fréquenta les milieux culturels de la ville et se fit de nombreux amis. Il rencontra aussi d'autres étudiants africains, notamment Pontianus d'Oéa dont il devait épouser, quelques années après, la mère. A Athènes, Apulée se passionna pour la philosophie, plus particulièrement le néo-platonicisme dont il devint un ardent partisan. Il visita la Grèce ainsi que l'Asie mineure et probablement l'Egypte.
Il découvrit les religions orientales et se fit initier à plusieurs d'entre elles, notamment celle d'Isis. A Corinthe, il se fit dévôt de la déesse et devint prêtre de son culte. Il revint à Madaure mais il repartit bientôt, cette fois-ci pour aller à Rome. C'est là qu'il fit la connaissance d'Orfitus qui devait devenir plus tard proconsul d'Afrique.
On suppose qu'Apulée exerça dans la capitale de l'Empire les fonctions d'avocat, mais il ne dit rien de cette période de sa vie. Il abrégea aussi, pour des raisons qu'on ignore, son séjour romain.
Son père mourut après son retour, lui léguant la moitié de sa fortune, soit un million de sesterces (l'autre moitié allant à son frère) ainsi que ses charges municipales. Il fut ainsi décurtion de Madaure mais il renonça à cette fonction, la carrière administrative ne l'intéressant pas. Il préféra s'installer à Carthage où il conquit le public par ses talents d'orateur.
A une date qu'on ignore, il entreprit un voyage à Alexandrie mais il tomba malade à Oea (Tripoli) et ne poursuivit pas sa route. Il rencontra son ancien condiciple d'Athènes, Pontianus, qui, selon Apulée, l'incita à épouser sa mère, Pudentilla, veuve depuis quatorze ans.
La femme, qui était jeune encore, possédait de grands domaines agricoles et une belle maison qui comportait une sorte de laboratoire où elle s'adonnait à des expériences de physique et de sciences naturelles. Apulée se joignit à ses recherches et ainsi qu'il le rapporte dans l'Apoligie, il étudia le fonctionnement des miroirs, disséqua les poissons rares et se pencha sur les maladies nerveuses. Il exerça aussi ses talents d'orateur, plaidant à l'occasion pour défendre les intérêts de sa femme.
La ville d'Oea, fière de retenir un homme aussi doué, s'apprêtait à en faire son citoyen quand la famille de Pudentilla, cherchant à l'écarter, lui intenta un procès, l'accusant d'avoir usé de magie pour séduire et épouser leur parente. La mort subite de Pontianus n'arrangea pas les choses. Apulée plaida lui-même sa cause et fut acquitté. Mais il fut obligé de quitter Oea et de retourner à Carthage. Son prestige demeura mais il garda la réputation de magicien et même de thaumaturge que les auteurs chrétiens des 4ème et 5ème siècles amplifièrent. On suppose qu'Apulée ne divorça pas de Pudentilla car il continua à jouir de revenus financiers très importants qui lui permirent de s'adonner entièrement à ses travaux littéraires et scientifiques.
On dit aussi, en se fondant sur les dédicaces de deux opuscules, qu'il avait eu un fils, mais ce fait n'est pas certain, le Faustinus filius en question n'étant peut-être qu'un disciple. Dans l'ancienne cité punique, Apulée attira, par ses discours et conférences, un public nombreux. Doué d'une insatiable curiosité et d'une grande culture, il traita pratiquement de tous les sujets, de la philosophie à la religion, de la médecine aux sciences naturelles, de l'astronomie à la musique et à la géomancie. Ses meilleurs morceaux sont conservés dans les Florides.
A côté de ses activités de conférencier et peut-être aussi d'avocat, Apulée exerça des foncitons religieuses. Prêtre d'Isis, il était aussi celui d'Eusculape, divinité bien connue qui, sous ce nom gréco-romain, recouvrait divers dieux orientaux et même africains. Il était aussi grand prêtre du culte impérial, présidant les cérémonies annuelles célébrées à Carthage et dans diverses villes de la province romaine. Il s'insurgeait contre l'impiété et voulait que tous les dieux soient honorés. Cependant, il semble avoir, voué de l'hostilité au christianisme qu'il aurait caricaturé dans le portait de la mégère des Métamorphoses. Il s'intéressa aussi à la magie que, selon certaines sources, il pratiqua.
Après l'épisode d'Oea, Apulée semble avoir mené une vie paisible jusqu'à sa mort qui eut lieu après 170. Apulée est l'auteur d'une œuvre considérable, comportant des dizaines d'opuscules philosophiques, des ouvrages scientifiques ou de vulgarisation sur la médecine, l'astronomie, la musique, des recueils de proverbes et de vers. Beaucoup d'écrits ont disparu mais ceux que nous conservons sont vraisemblablement les meilleurs. Parmi les écrits philosophiques on retiendra le De deo Socratis qui est le texte d'une conférence, prononcée sans doute à Carthage, où l'auteur, en s'appuyant sur la théorie de Platon, essaye d'élucider les rapports entre les dieux et les hommes.
C'est aussi dans ce texte qu'Apulée pose les fondements de la démonologie ou science des démons, faisant de ces êtres surnaturels, mi-dieux mi-humains, des médiateurs entre la providentiae ratio, la divinité suprême, et les mortels. Parmi les œuvres oratoires, genre dans lequel excella Apulée, il convient de citer l'Apologie, qui contient essentiellement sa plaidoirie lors du procès d'Oea, et les Florides, qui réunit les meilleures de ses conférences.
L'œuvre maitresse est les Métamorphoses ou L'âne d'or qui donne à la littérature de langue latine son premier roman en prose. L'histoire d'un homme, ici Lucius, que l'emploi inapproprié d'un produit magique transforme en âne, est un sujet classique dans la littérature grecque, mais Apulée a su donner au thème une nouvelle vie, en enrichissant son texte d'histoires variées, faisant des Métamorphoses un précurseur des romans picaresque.
Mais les Métamorphoses ne sont pas seulement comme on l'a parfois dit, une œuvre de distraction, c'est aussi un ouvrage qui appelle, à travers les pensées d'un homme transformé en âne mais gardant le sens du discernement, à la réflexion sur le caractère relatif des choses, sur la condition de l'homme que les instincts et les turpitudes ravalent au rang de bête. En revanche, l'âme purifiée de ses bassesses atteint au plus haut degré de la connaissance.