«L'Arabe et le Juif» de Hamid Berrada et Guy Sitbon : dialogue de sourds
Durant leur jeunesse, ils furent tous deux de gauche. Tous deux ont également officié à «Jeune Afrique» et continuent toujours à marivauder dans le monde de la presse. Le premier est marocain et le second juif d'origine tunisienne. Tous deux ont été amis
LE MATIN
17 Juin 2004
À 15:53
Hamid Barrada, et Guy Sitbon, se sont toutefois retrouvés pour régler leurs comptes. Trois mois durant, ils se sont revus pour discuter, sans complaisance ni faux-fuyants d'un seul problème : la paix au Proche-Orient. L'impossible paix pour l'instauration de laquelle tout le monde semble d'accord sans l'être réellement. Ainsi naquit «L'Arabe et le Juif : Dialogue de guerre», un ouvrage d'abord difficile.
En effet, il n'a jamais été aisé de lire, de bout en bout, la transcription d'un débat long de 259 pages. Même si le style en est d'une simplicité déconcertante parce qu'extrêmement proche de celui usité dans le langage parlé.
Aussi n'en peut-on garder en mémoire que les formules les plus assassines, les phrases à l'emporte-pièce et les affirmations à la fois pompeuses et péremptoires. Et ce malgré que les auteurs aient choisi un «modérateur» pour éviter à leurs joutes de tomber dans la trivialité et, donc, de se concentrer sur les raisons fondamentales qui les opposent. Celles-ci sont d'ailleurs vite apparues graves, voire effroyablement provocatrices.
Si la démarche ainsi initiée est courageuse, il convient de relever qu'elle a débouché sur un nombre incalculable d'aberrations qui, au lieu de servir la cause de la paix, la desservent et au lieu d'atténuer les tensions, les exacerbent à un point jamais atteint auparavant. Sauf par certains pamphlétaires en mal de renommée. Or, ni l'un ni l'autre ne font partie de cette infréquentable gente.
A quoi faut-il attribuer pareils «dérapages» ? A leur volonté de se jeter mutuellement leurs quatre vérités à la figure, au caractère passionnel de la question du Proche-Orient, … De fait, la méthode qu'ils ont usitée semble avoir eu pour effet de déconstruire la problématique du Proche-Orient. Ce qui a fait dévier le débat vers l'invective. Ainsi, ce qui devait être un dialogue est-il devenu, dès le premier chapitre, un catalogue de platitudes racistes énoncées par Guy Sitbon, un homme qui a pourtant été l'un des premiers au monde à se qualifier de «juif arabe». Citons-le : «Dans le monde arabe, il y a plus de passion que d'intelligence.
Je crois que les Arabes ne se connaissent pas ou refusent de se voir comme ils sont»(P. 35). Ou encore «Etre arabe, ce n'est ni une citoyenneté ni une nationalité, c'est une opinion, une affirmation d'animosité et de ressentiment contre la terre entière, à commencer par les Juifs et les Américains» (P. 49). Et le reste à l'encan
Tout au long de cette fastidieuse lecture, l'on découvre comment et pourquoi nombreux sont ceux qui, comme lui, confondent tout : arabes, arabité et arabisme, islam, islamisme et terrorisme.
L'on se rend également compte à quel point le dialogue entre les parties adverses est essentiel. Mais s'il demande énormément de courage, ce dernier requiert aussi de la vigilance. Les mots font souvent plus mal que n'importe quelle arme. Des blessures qu'ils causent à l'âme, l'on ne guérit souvent pas. Aussi fallait-il savoir raison-garder. «L'Arabe et le Juif : dialogue de guerre», n'est-il, en fin de compte, qu'un dialogue de sourds ?
«L'Arabe et le Juif : Dialogue de guerre», Hamid Berrada et Guy Sitbon, Ed. Plon,, avril 2004, 276 pages.