L'Irak s'installe durablement dans le chaos : Affrontements, attentats, rapts, sabotages … et beaucoup de victimes
L'armée américaine a lancé samedi une vaste offensive contre la guérilla dans le nord de l'Irak, alors que deux oléoducs ont été sabotés dans le sud du pays, affectant les exportations de brut qui sont déjà totalement stoppées dans le nord.
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04 Septembre 2004
À 16:47
La 2ème Division d'infanterie a annoncé dans un communiqué avoir lancé vers 08h00 (04h00 GMT) une vaste offensive dans cette ville située à 60 km à l'ouest de Mossoul pour " tuer ou arrêter des membres d'une cellule terroriste ” non identifiée. Mais elle a rencontré une résistance farouche de la guérilla et les combats se poursuivaient en milieu d'après-midi, selon un correspondant de l'AFP. Des chars, des avions de combat et des hélicoptères pilonnaient les positions ennemies. Des explosions retentissaient et des colonnes de fumée s'élevaient du centre-ville, selon la même source.
Tall Afar, habitée majoritairement par des Arabes et des Turcomans d'obédience chiite, est devenue un " repaire pour les terroristes venant de Syrie ”, selon l'armée américaine. La frontière syrienne se trouve à environ 75 km de cette ville.
Le directeur de l'hôpital de la ville Fawzi Ahmed a indiqué avoir " reçu les corps de huit personnes alors que 40 blessés ont été admis à l'hôpital ”, sans préciser s'il s'agissait de civils, de policiers ou d'insurgés.
L'armée américaine a annoncé dans un communiqué avoir tué deux " terroristes ” et en avoir arrêté un autre, sans qu'il soit possible de savoir si ces morts figuraient dans le bilan hospitalier. Deux pilotes d'un hélicoptère Kiowa OH-58D ont pour leur part été blessés vers 09h00 (05h00 GMT) lors d'un atterrissage forcé qui s'est produit " pour une raison encore indéterminée ”, a affirmé l'armée américaine.
" Vers 10h40 (06h40 GMT), en réponse aux tirs ennemis incessants, l'aviation a été appelée en renfort et a commencé à larguer des bombes près de la ville. Aucune victime n'a été rapportée ”, a ajouté l'armée.
Par ailleurs, deux oléoducs ont été sabotés samedi dans le sud de l'Irak, affectant les exportations de brut, a indiqué le directeur général de la Compagnie pétrolière du sud (116), Jabar Ali al-Aibi.
" Le sabotage a endommagé deux oléoducs en parallèle, le premier achemine le pétrole vers la station électrique de Harithah (10 km au nord de Bassorah) et le second de la localité Nahr Omar à Zoubeir ”, 20 km au sud de la ville méridionale de Bassorah, a-t-il déclaré à l'AFP.
" Les exportations vont être affectées sans qu'il soit possible pour le moment d'en connaître le montant ”, a-t-il ajouté.
A Zoubeir, se trouvent d'énormes champs pétrolifères et des réservoirs à partir desquels le pétrole est acheminé vers les terminaux pour l'exportation.
Les exportations de brut depuis le sud de l'Irak se situaient à la fin août à un niveau de 1,8 million de barils par jour, en dépit d'une série d'attaques contre des oléoducs.
Les exportations de brut à partir du nord de l'Irak sont interrompues depuis le sabotage jeudi de l'oléoduc reliant Kirkouk au port turc de Ceyhan et qui était toujours en feu samedi. " Les travaux pour réparer l'oléoduc pourraient prendre jusqu'à sept jours ”, a indiqué le chef de la sécurité des oléoducs de la Compagnie pétrolière du Nord (NOC), Ahmed Hassan Ghafif.
Par ailleurs, huit personnes, dont au moins cinq civils, ont été blessées à Falloujah, bastion de la guérilla sunnite à 50 km à l'ouest de Bagdad, dans des tirs attribués à l'armée américaine, selon une source médicale.
L'armée américaine n'avait pas d'information dans l'immédiat sur un tel incident.
Au moins 15 autres personnes ont été tuées et 20 ont été blessées samedi par l'explosion d'une voiture conduite par un kamikaze devant l'académie de police de la ville pétrolière de Kirkouk (nord), a affirmé le directeur de l'hôpital général de la ville.
" Nous avons reçu pour le moment 15 tués et 20 blessés ”, a affirmé Rida Abdallah. Le journaliste de l'AFP a vu des a ver sur le lieu de l'explosion.
" Une voiture conduite par un kamikaze a explosé en face de l'académie de police sur la place al-Ihtifalat dans le sud-ouest de Kirkouk à 15H45 (11H45 GMT) et il y a beaucoup de morts et de blessés ”, avait auparavant indiqué le chef de la police de la ville, le général Chirkou Chaker Hakim.
Attentat contre Ahmed Chalabi
L' ”Armée islamique en Irak ”, qui détient deux journalistes français, a revendiqué dans une vidéo diffusée samedi par la télévision Al-Jazira l'attentat ayant visé mercredi le convoi du chef du Congrès national irakien (CNI) Ahmad Chalabi.
Ce groupe islamiste, d'obédience sunnite, affirme avoir réussi à capturer un garde du chef du CNI. Al-Jazira a diffusé une séquence dans laquelle ce garde affirmait que trois de ses compagnons avaient été tués dans l'attaque. Le garde, dont les propos étaient rapportés par Al-Jazira, a également évoqué " les relations d'Ahmad Chalabi avec le Congrès américain et l'Iran ”. Selon Al-Jazira, l' ”Armée islamique en Irak ” affirme dans cette même vidéo que " l'otage, qui avait été blessé lors de la tentative d'assassinat de Chalabi, est décédé des suites de ses blessures ”. Contacté par l'AFP, un responsable du CNI, qui n'a pas voulu être identifié, a affirmé: " C'est vrai qu'un de nos militants a été capturé mais nous pensons qu'il est en bonne santé ”.
Il a souligné qu'aucune rançon n'avait été demandée par les assaillants. " Nous avons demandé au gouvernement d'envoyer une force à Latifiya pour retirer le véhicule dans lequel se trouvaient deux corps mais nous n'avons pas reçu de réponse ”, a-t-il dit. " Nous avons envoyé une force du parti mais elle a été attaquée par des hommes en armes et quatre des nôtres ont été blessés ”, a-t-il dit. M. Chalabi avait échappé à un attentat dans la localité de Latifiya, à 25 km au sud de Bagdad, qui avait tué, selon lui, deux de ses gardes du corps et en a blessé deux autres. Latifiya, une localité à majorité sunnite commandant l'accès à la route principale menant de Bagdad aux villes saintes chiites de Najaf et Kerbala, est une zone à haut risque où les crimes et les rapts sont fréquents. Ahmad Chalabi, figure de proue de l'opposition à Saddam Hussein longtemps exilé aux Etats-Unis, est tombé en disgrâce auprès de Washington en raison de soupçons de collusion avec l'Iran. Un mandat d'arrêt pour fraude avait été lancé le mois dernier contre lui par un juge irakien, mais les autorités irakiennes n'y ont jamais donné suite.
L' ”Armée islamique en Irak ”, qui a exigé l'abrogation par la France de la loi interdisant notamment le voile islamique dans les écoles publiques, détient Christian Chesnot, pigiste pour Radio France, et Georges Malbrunot, envoyé spécial du quotidien Le Figaro, enlevés le 20 août avec leur chauffeur syrien sur la route entre Bagdad et Najaf.
Enlèvements en série
La guérilla a enlevé depuis une semaine une série de responsables des services publics dans la province rebelle d'Al-Anbar, à l'ouest de Bagdad, les accusant d' ”enrichissement personnel ” et de " collaboration avec les Américains ”, a-t-on appris auprès de la police.
Samedi à 08H30 locales (04H30 GMT), " six hommes armés ont enlevé Fawzi Jassem al-Doulaimi, le directeur des Postes et communications de la province d'Al-Anbar ”, a indiqué le lieutenant Abdel Sattar al-Doulaimi.
Par ailleurs, dans la nuit de vendredi à samedi, le fils du général Mohammad Haïdar al-Doulaimi, directeur des services de logistique de la police d'Al-Anbar, a été tué devant sa maison par huit hommes armés à bord de deux voitures, a indiqué le capitaine de police Majid al-Doulaimi. l y a une semaine, Sobhi Obeid, chef du département de l'eau de la même province, avait été enlevé par des hommes armés alors qu'il se rendait le matin à son bureau.
Lundi, Abdel Latif Ibrahim al-Obeidi, directeur-général adjoint des services pétroliers d'Al-Anbar, a subi le même sort. Il a été kidnappé en plein centre de Ramadi à 21H00 (17H00 GMT), selon la police.
La guérilla a fait savoir qu'elle avait l'intention d'enlever " tous les hauts fonctionnaires de la province car ils étaient corrompus et avaient été nommés par la coalition ”.
Le 4 août, le gouverneur d'Al-Anbar a démissionné après avoir obtenu la libération de ses trois fils.