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L'arganeraie, un dernier rempart face à l'avancée du désert : quelle approche envisager pour sa préservation ?

L'arganier est une essence endémique spécifiquement marocaine, à affinités tropicales, de la famille des sapotacées. Unique en son genre, il constitue une curiosité botanique et un véritable paradoxe phyto-géographique.

06 Septembre 2004 À 15:50

Cet arbre forestier-fruitier et fourrager couvre actuellement près de 830.000 ha en masse presque continue dans le Sud Ouest du Maroc représentant environ 10% de la superficie forestière globale marocaine. L'espace à arganier s'étale sur un important espace couvrant 2,5 millions d'hectares, sur le territoire de 5 provinces ; Tiznit, Agadir, Chtouka-Ait Baha, Taroudante et Essaouira.


Les écosystèmes à arganier se caractérisent par leur diversité culturelle et naturelle et par l'imbrication et l'interpénétration avec diverses formations et espèces végétales, ces écosystèmes représentent une richesse floristique et faunistique très importante et où s'individualise un endémisme d'espèces végétales et animales. L'aire biogéographique sur laquelle s'étend l'arganier est aussi très diversifiée. Il occupe en effet, la plaine du Souss, l'Anti-Atlas, le grand Atlas et les plateaux de Haha. Cette diversité biogéographique des zones occupées s'accompagne d'une diversité culturelle et sur le plan du comportement de l'homme avec son milieu .

En effet, l'arganeraie assure plusieurs fonctions; écologique, sociale et économique.

Sur le plan écologique, d'abord par la protection du sol contre les érosions hydrique et éolienne toujours menaçante. Il contribue également au maintien d'un couvert végétal dans des conditions particulièrement défavorables le considérant comme dernier rempart face à l'avancée du désert.

Sur le plan socio-économique, cette espèce conditionne l'existence des populations rurales à travers la multiplicité des usages que lui confère son statut spécial notamment, tous les droits de jouissance qui lui sont greffés : mise en culture sous arganier, ramassage de bois mort, cueillette des fruits, parcours des troupeaux, coupe de bois.

Menaces de désertification

L'analyse de l'état actuel, à travers l'évolution antérieure de l'arganeraie, montre que l'ambiance écologique en général et celle de chaque écosystème en particulier est le résultat direct de l'évolution passée de plusieurs facteurs interdépendants. En parallèle à ces facteurs naturels ou humains, plusieurs acteurs agissent sur le milieu, ayant en même temps favorisé une évolution «régressive » de l'arganier. Parmi ces principaux facteurs et acteurs, on peut citer la population : grâce à ses pratiques forestières fortement liées aux espaces boisés d'arganier, les conditions naturelles; particulièrement les sécheresses chroniques et les actions des différents acteurs qui entreprennent, le plus souvent, des projets à objectifs divers.
L'interaction des différents facteurs et leurs effets sur l'arganier a permis de dégager les principaux problèmes posées, à savoir :
- Pauvreté des populations : Les faibles revenus des populations rurales amplifient le recours de celles-ci au ressources forestières de l'arganeraie.


- Insuffisance des infrastructures de base : La région de l'arganeraie reste déficitaire en infrastructures sociales et productives et les besoins exprimés par les populations en ce domaine sont importants ce qui limite l'accès des populations aux services sociaux de base.

- Dégradation des ressources et des écosystèmes à arganier : Malgré ses multiples fonctions, l'arganeraie reste soumise à de fortes pressions humaines et pastorales (croissance démographique, mises en culture en forêt, surpâturage, prélèvements des produits ligneux …) qui restent déterminants dans l'évolution régressive des écosystèmes à arganier et leur biodiversité.

Les débats engagés autour de lutte contre la désertification des écosystèmes à arganier, révèlent que la population est consciente de la dégradation de l'arganeraie et de la nécessité de la protéger voire même de la développer. Elles révèlent aussi que les responsables locaux essayent d'intégrer la vision écologique et protectionniste dans tout projet programmé dans la région.

Gestion durable

de l'arganeraie : une tendance encore mitigée ?
La reconnaissance de la Réserve Biosphère Arganeraie fut prononcée par l'UNESCO en décembre 1998 et a permis de distinguer 3 unités spatiales zones, à savoir : les zones centrales, tampons et de transition.
- Zone A : zone dite centrale qui est une zone d'interdiction intégrale, définie sur 17.000 ha. La diversité naturelle et culturelle a permis d'un zonage en grappe pour intégrer les divers sites d'intérêt biologique et écologique ou paysager.
- Zone B : qualifiée de zones tampons dans l'espace autour des zones, ce sont des zones d'activités de gestion durable et de production compatible avec des pratiques écologiquement viables. Les parties fortement urbanisées sont intégrées dans la zone tampon qui englobe près de 560.000 ha.

- Zone C : Le reste de la réserve et classé zone C ou zones de transition.
Par leur priorité sur le plan conservation, les interventions sont ciblées premièrement dans les zones A et B dans le souci d'acquérir des expériences en matière de conservation et de régénération de l'arganier, de développement rural et de lutte contre la désertification.

Pour préserver la multi-fonctionnalité de l'écosystème à arganiers, certaines considérations s'imposent :
L'arganeraie, espace pionnier des sociétés agraires : La mise en valeur agricole constitue ainsi le facteur historique des modifications de la surface boisée. En effet, la pression sur les terres agricoles s'accentue avec la croissance démographique étant donné qu'on a enregistré une régression continue du taux de la SAU/foyer qui est passé de 1,86ha en 1994 à 1,54ha en 2008 . L'arganeraie, un mode de mise en valeur de l'espace : La place de l'arganier dans le paysage du Souss fait partie de l'héritage des sociétés agraires ayant aménagés leur territoire dans un souci d'optimisation des potentialités des terroirs. Par ces multiples services et produits, l'arganier est alors intégré à l'agrosystème et au système de vie des communautés rurales.

L'espace forestier des écosystèmes d'arganier et la politique forestière : La diversité des usages de l'arganier et de ses produits en ont constitué un bien d'intérêt général dont la gestion raisonnée et réglementée fut précoce du fait de l'intérêt que lui porte la société. C'est pourquoi le législateur a réservé un statut particulier à l'arganeraie en adéquation des traditions locales. L'objectif ultime est d'arriver à la stabilisation de la superficie des peuplements forestiers, particulièrement de l'arganier, avec amélioration de la structure horizontale et verticale des peuplements forestiers (port des arbres et densité) et la rationalisation des usages qui y sont pratiqués en rapport avec le développement socio-économique de la région.

L'impératif d'une gestion durable

L'arganeraie entant que patrimoine de portée nationale et internationale et qui constitue, en effet, une forêt relique de l'ère tertiaire, nous interpelle sur la stratégie à lui consacrer pour le léguer aux générations futures. L'amorce d'une gestion durable de l'arganeraie, repose sur 3 principes directeurs :La conservation de la biodiversité, la lutte contre la désertification et le développement intégré des zones forestières et forestières La conservation de la biodiversité : Le Parc National Souss-Massa et les divers sites d'intérêt biologique et écologique (SIBE) que recèlent l'arganeraie, militent en faveur des programmes à entreprendre dans cette directive.

La lutte contre la désertification : l'arganeraie est retenue comme zone pilote pour la mise en œuvre du programme d'action national de lutte contre la désertification (PAN-LCD). Vu l'urgence de cette préoccupation, il y a lieu d'engager le débat avec les partenaires concernés pour la mise en place d'une institution régionale ayant à charge le traitement de proximité de cette question en adéquation avec la politique d'aménagement du territoire .

Le développement intégré des zones forestières et forestières,
L'avenir de l'arganeraie dépend dans une large mesure du niveau de vie des populations et de leurs conditions de vie et des possibilités de promouvoir des activités génératrices de revenus susceptibles de susciter l'adhésion des populations à la préservation de l'arganeraie.

*Ingénieur au Haut Commissariat aux eaux et fôrets et à la lutte contre la désertification.
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