L’Amérique divisée en deux
Si l'élection présidentielle américaine du 2 novembre débouche sur un nouvel imbroglio spectaculaire comme celui survenu en Floride il y a quatre ans, tous les experts politiques pourront dire: "Nous l'avions prédit".
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AFP
21 Octobre 2004
À 17:15
Lancés dans la dernière ligne droite de la course à la Maison-Blanche, le républicain George W. Bush et le démocrate John Kerry continuent à faire jeu égal dans les intentions de vote qui reflètent une Amérique politiquement divisée en deux. Le fossé entre les républicains (représentés par la couleur rouge aux Etats-Unis) et les démocrates (couleur bleue) s'est élargi depuis une génération, et lors de la présidentielle 2000, la Cour suprême a dû intervenir pour désigner le vainqueur. Pour des experts comme Carroll Doherty, un responsable du centre de sondages Pew Research, le débat sur la sécurité nationale déclenché par les attentats du 11 septembre 2001 puis la guerre en Irak, a encore aggravé la fracture entre l'Amérique rouge et l'Amérique bleue.
"Elle n'a jamais été aussi marquée depuis 16 ans que nous sondons les Américains sur leurs valeurs fondamentales et elle est clairement visible dans la plupart des grands dossiers", déclare ce spécialiste à l'AFP. Les sondages décrivent deux Amériques différentes.
Si plus de trois démocrates sur quatre considèrent l'invasion de l'Irak comme une erreur, seulement 12% de républicains partagent leur avis. En revanche, les républicains ont une vision beaucoup plus optimiste de la situation économique que les démocrates.
L'Amérique républicaine occupe géographiquement la plus grande part du pays, de l'Idaho, l'Utah et l'Arizona à l'ouest, jusqu'à une partie des Etats de la région est. Les démocrates eux contrôlent les Etats de la côte Pacifique (Californie, Oregon, Washington), quelques grandes poches du nord industriel et généralement les grandes villes.
Les partisans de Bush se recrutent dans les petites villes et les campagnes. ce sont souvent des hommes, blancs, mariés, affichant leur foi religieuse. Le président est aussi très populaire auprès des millions d'amateurs de courses automobiles, des investisseurs, des militaires. Les démocrates eux attirent davantage les femmes, les minorités, les classes laborieuses, les célibataires, les jeunes, les intellectuels et les citadins.
A peine plus de la moitié des 205,8 millions d'électeurs américains avaient participé au dernier scrutin présidentiel, qui avait démontré à quel point le pays est divisé en deux blocs pratiquement égaux. Le démocrate Al Gore avait emporté le suffrage populaire avec un demi-point d'avance sur George W. Bush mais ce dernier avait finalement conquis la Maison-Blanche en obtenant les voix de 271 grands électeurs contre 266 pour son rival.
Dans douze des cinquante Etats du pays, l'élection s'était jouée avec une différence de voix inférieure à 5%, et dans cinq Etats avec moins de 1%, notamment en Floride.
Bien que le paysage politique américain ait commencé à évoluer à partir de la fin de la seconde guerre mondiale, le fossé ne s'est vraiment creusé qu'au début des années 80 avec la croisade conservatrice lancée par Ronald Reagan.
Depuis la première présidence de Bill Clinton, l'Amérique est désormais farouchement polarisée. Si jusqu'à présent les républicains et démocrates évoluent en terrain connu, l'émergence d'une minorité de plus en plus importante, les latino-américains, qui sont maintenant 40 millions, pourrait à nouveau modifier substantiellement le paysage électoral. Ils étaient 6 millions d'électeurs en l'an 2000 et seront 7 millions le 2 novembre. Leurs voix pourraient être décisives dans des Etats comme la Floride, le Nouveau-Mexique, le Nevada et le Colorado.