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La discrimination positive, une solution signée Yazid Sebag : Inégalité des chances pour les minorités en France

La discrimination dans le milieu du travail fait actuellement débat en France. Des vérités, pas toujours bonnes à dire, sont mises en exergue. L'occasion : un rapport commandé par le Premier ministre, Jean Pierre Raffarin, et signé Claude Bébéar, fondateu

03 Décembre 2004 À 17:16

C'était il y a une semaine. Mais jeudi dernier, ce fut l'occasion pour Yazid Sebag, homme d'affaires d'origine algérienne, de rebondir sur cette actualité en présentant son livre, cosigné avec son frère Yacine, intitulé : «La discrimination positive». Le rapport de Claude Bébéar remet sous les feux de la rampe la discrimination qui frappe «les minorités visibles» dans le monde de l'entreprise française.

Pour les distinguer, il ne s'agit plus de prendre en compte les origines sociales, géographiques et même ethniques. Mais en plus, la couleur de la peau qui semble être un obstacle de plus dans le chemin de croix que doivent emprunter ces jeunes tout au long de l'évolution de leur carrière. Vingt-quatre mesures sont proposées pour faire face à ces inégalités.

Ce rapport se situe dans le sillage de la Charte de la diversité, signée le 22 octobre dernier par 45 grandes entreprises et initiée par l'Institut Montaigne présidé par Claude Bébéar. Ce même Institut auquel appartient Yazid Sebag qui avait publié, en janvier 2004, un autre rapport intitulé «Les oubliés de l'égalité des chances», qui dénonce les faiblesse françaises en matière d'équité.

Autant de production et de travaux qui mettent sous la lumière une face xénophobe de la France et qui laissent penser que la montée de l'extrême droite pendant les présidentielles de 2002 ne fut pas un simple incident de parcours.

En parfaite connaissance du sujet, Yazid Sebag s'érige aujourd'hui en défenseur des victimes de discrimination ethnique, pour lesquelles il propose des solutions dans son livre «la Discrimination positive».

«Je suis un homme d'entreprise, et j'ai des enfants qui se construisent dans le modèle d'éducation républicain, à savoir dans l'oubli de leurs origines», entame-t-il sa conférence, initiée par l'Association de la presse panafricaine à Paris.
Yazid Sebag veut dénoncer une France fondée sur un modèle organique qui est «fini» aujourd'hui, selon le patron de CS, une société de télécommunication employant plus de 5000 salariés.

Il met ainsi le pied dans le plat, dans une France qui se veut unie et multiculturelle. «La France ne reconnaît pas le fait minoritaire.
Elle ne se voit pas comme étant une société pluriethnique.
Il n'y a pas de race en France, il y a du racisme».

Mais si tabou il y a, c'est aussi pour des raisons politiques, propres au pays de Molière. «L'opinion publique n'aime pas qu'on traite de ce sujet, car l'extrême droite a trop marqué ce débat», explique Yazid Sebag. L'opinion publique veut oublier le résultat de Jean Marie Le Pen (chef du parti d'extrême droite le Front national) il y a deux ans. La France préfère se dire terre d'accueil au moment même où des statistiques montrent que la société française continue de rejeter plusieurs générations qui doivent encore traîner l'histoire de leurs ancêtres immigrés.

Le taux de chômage des jeunes de zones sensibles urbaines est de 38% contre une moyenne nationale de 23%. Des chiffres alarmant qui montrent clairement que les minorités visibles dont parle Yazid Sebag sont encore écartées des processus d'embauche, et leur CV finissent souvent à la poubelle. Les procédures judiciaires pour «discrimination raciale» à l'embauche se comptent encore sur le bout des doigts mais les plaintes auprès de SOS Racisme en disent long sur la réalité du marché.

En travaillant sur le rapport des «Oubliés de l'égalité des chances», Y. Sebag en a appris des choses. «Il faut s'attaquer au problème de la discrimination dans le cadre de l'emploi, mais aussi dans l'accès au logement et bien d'autres domaines», ajoute-t-il.

Mais la discrimination positive, largement inspirée du modèle nord-américain, qui semble avoir séduit l'auteur, n'impose aucune mesure contraignante. Elle fait surtout appel à la responsabilité des entreprises, invitées à intégrer au sein de leur personnel un certain pourcentage d'employés issus de minorités visibles pour commencer. «Je ne suis pas favorable aux quotas.

Toutefois, la discrimination positive, c'est une manière de prendre à ceux qui ont en le plus pour donner à ceux qui en ont le moins», dit-il en guise de définition. Pour lui, si «les Français n'aiment pas l'injustice, ils pensent quand même qu'il y a des discriminations admissibles». Mais pour mieux défendre son projet, l'auteur rappelle que 650 000 personnes seront à la retraite en France l'année prochaine. «Le besoin de renouvellement est là». Il suffit donc que les entreprises acceptent d'ouvrir leurs portes aux jeunes diplômés issus des minorités visibles.

CV anonyme

Toutefois, la réalité est encore loin de ce qu'espère Sebag. Souvent, la discrimination commence par un CV qui se retrouve à la poubelle, à cause d'un nom à connotation étrangère, d'une adresse qui fait référence à une «zone à risque», ou encore une origine non française. Contre cela, une proposition, qui figure parmi les 24 de Claude Bébéar préconise l'utilisation des CV anonymes.

« La discrimination positive est une obligation de résultat. Le CV anonyme permettra d'éviter l'humiliation de voir un CV atterrir dans la poubelle car le candidat s'appelle Malik, Cessé ou Tang», défend Yazid Sebag. Une première phase du traitement de la candidature qui pourra donc échapper à la différenciation ethnique, religieuse, sexuelle…

Mais si plusieurs association de lutte contre le racisme et toute autre forme de discrimination voit cette mesure d'un bon œil, ce n'est pas toujours le cas des recruteurs. Car si le CV anonyme permet l'accès à l'étape de l'entretien, elle ne garantit en rien la lutte contre la discrimination pour ce même candidat, qui peut toujours se voir refuser le poste. Rappelant aussi que Yazid Sebag et les autres membres de l'Institut Montaigne parlent d'une procédure à appliquer au sein même de l'entreprise, ce qui rend tout contrôle impossible, car il s'agit, une fois encore, de s'en remettre à la totale bonne foi de l'entreprise.

Les recruteurs craignent alors la promulgation d'une loi qui viendrait assurer l'application de cette proposition qui ne concerne que les entreprises de plus de 250 salariés, et elle ne fait à ce jour qu'ouvrir le débat. Celui de l'assimilation de la France pour ces différentes communautés qu'elle veut intégrer dans le même moule, sans leur reconnaître leurs différences. A ce propos, Yazid Sebag ne veut pas entendre parler d'intégration.

Ce serait une manière d'oublier ses origines afin de mériter un statut dans le modèle républicain, d'une France «toute peuplée de Gaulois». Son mot à lui c'est l'assimilation. «Je suis français, arabe, musulman, sans ambiguïté. Je suis assimilé, mais je le serais totalement quand mon fils ne se posera plus de questions sur qui il est. Quand il sera simplement fier de ce que ses grands-parents ont apporté à ce pays».
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