La quête unioniste de l'USFP, de l'Istiqlal et du PPS
Jeudi 18 mars, les dirigeants de l'USFP, de l'Istiqlal et du PPS se sont rappelés au bon souvenir de la Koutla. Une rencontre on ne peut plus solennelle qui s'assigne pour objectif clairement affiché «d'étudier les préoccupations d'intérêt commun en liais
La conjoncture politique et économique incite la Koutla à se repositionner
LE MATIN
21 Mars 2004
À 19:39
Les questions se multiplient à l'envi à l'évocation de cette rencontre au sommet de trois dirigeants d'une plate-forme que l'on disait morte et enterrée. Elles concernent le timing de la rencontre, ses objectifs et sa finalité. Des interrogations qui trouveraient des débuts de réponse dans le contexte politique lui-même.
L'actualité d'un remaniement ministériel que les médias donnent pour imminent a vite fait de nourrir la polémique. La prestation gouvernementale et sa gestion de la catastrophe du séisme d'Al Hoceima a contribué à alimenter la critique déjà peu amène à l'égard de l'exécutif. Un ministre du gouvernement, de fait même de sa double casquette de responsable du département de la Communication et de porte-parole du cabinet de Driss Jettou s'est trouvé au cœur de la polémique.
Nabil Benabdellah, relayé par la presse de son parti n'a visiblement rien fait pour apaiser la tension, ni pour calmer les choses. Le chef du PPS, qui a cru bon de voler au secours de son camarade s'est retrouvé lui-même au cœur d'une autre polémique. Une aubaine pour les rivaux politique. L'homme est ainsi désigné à la vindicte populaire pour avoir tenu des propos incorrects tentant de désavouer les institutions du pays. Ismaïl Alaoui s'en est défendu. Son parti, le PPS est monté au créneau dénonçant la cabale dont-il est la cible. Le coup était parti ajoutant au malaise d'un parti et de ses alliés historiques ou conjoncturels.
De fait, la polémique au sujet de la prestation du gouvernement Jettou s'amplifiait de jour en jour. Des intentions sont attribuées au Mouvement populaire, dont le Secrétaire général est soupçonné de grandes ambitions, comme celle de mener l'équipe gouvernementale, de vouloir déposer une motion de censure contre l'actuel gouvernement. Mohand Laenser s'en est défendu jeudi dernier sur les colonnes du journal Al Haraka. La guerre des déclarations s'est, par ailleurs, installée sur les colonnes de la presse nationale.
La menace, supposée ou réelle, qui pèse sur certaines têtes au gouvernement aurait-elle poussé leurs partis à réagir et à vouloir faire bloc commun ? D'aucuns n'hésitent pas à répondre par l'affirmative à cette interrogation. Le communiqué issue de la rencontre de jeudi des dirigeants de la Koutla, tenue en l'absence de Mohamed Bensaïd Aït Idder, inscrit la confirmation de «leur engagement dans l'action menée par le gouvernement» parmi les objectifs recherchées par les membres du bloc démocratique. Mais la Koutla est-elle encore d'actualité ? Cette question est sans cesse posée. Elle l'est encore plus aujourd'hui. La quête unioniste d'une partie de ses dirigeants n'occulte pas de la poser bien au contraire.
Le contexte politique de création de la Koutla, dans sa deuxième version, a sensiblement changé. Ce qui est convenu d'appeler le bloc démocratique est né, il y a aujourd'hui douze années de l'initiative de quatre partis alors d'opposition.
La démarche de l'USFP, l'Istiqlal, le PPS et l'OADP était alors totalement revendicative. Depuis les trois premiers partis se sont retrouvés dans les rangs du gouvernement alors que l'OADP s'est diluée dans le projet de la gauche socialiste unifiée. Mohamed Bensaïd Aït Idder a, par ailleurs, choisi depuis bien longtemps de bouder les rencontres de plus en plus distanciées de la Koutla. Du temps du gouvernement d'Abderrahmane El Youssoufi, ces rencontres étaient très rares pour ne pas dire totalement absentes.
Aujourd'hui, si l'accès de Mohamed El Yazghi à la tête de l'USFP semble avoir quelque peu motivé les retrouvailles du bloc, les ambitions du nouveau chef socialiste ne semblent pas en parfait accord avec celles de tous ses partenaires de la Koutla. M. El Yazghi, visiblement déterminé à faire jouer un grand rôle à son parti au sein de la gauche invite toutes les composantes de cette mouvance a intégrer l'unique cadre de coordination aujourd'hui institué. «La place de ces tendances de gauche ne peut être à mon sens que dans ce bloc démocratique», souligne le Premier secrétaire de l'USFP. Mohamed El Yazghi s'est même lancé dans un plaidoyer en faveur de la gauche dont la plupart des tendances auraient vécu «des développements positifs dans leur évolution historique».
Une tentative de réhabilitation visant sans doute à contrer certains arguments faisant de ces partis des projets peu viables dans un contexte politique en évolution. Abbès El Fassi se laissera-t-il convaincre, lui qui considère que «les courants que l'opinion publique marocaine avait l'habitude de qualifier de gauche, ne disposent plus des mêmes référentiels». Le Secrétaire général du Parti de l'Istiqlal les classe en deux catégories : «Il y a ceux qui sont restés fidèles au référentiel marxiste classique, ceux qui se sont rapprochés et ont intégré ce qui était qualifié de droite ou de centre. Ces courants diffèrent aussi dans leurs analyses de la situation au Maroc.
Et ils ne sont, à priori, pas d'accord sur la manière d'aborder cette situation», précise Abbès El Fassi. Le leader istiqlalien plante ainsi le décor, manière de dire : «Chassez les indésirables parmi nous!». Car si Abbès El Fassi consent à un élargissement de la Koutla, comme pour aller dans le sens de la majorité, il n'oublie pas de l'assortir de conditions. «Il est évident que le succès de toute action commune exige un minimum d'harmonie, d'accord sur les instruments nécessaires pour atteindre les objectifs communs. Et l'évaluation de ces positions revient de manière naturelle aux partis fondateurs de la Koutla démocratique». Ailleurs, les propositions fusent, les critiques aussi. Celles en première ligne du Parti socialiste démocratique, longtemps laissé au seuil de ce bloc qu'il voulait intégrer, visiblement depuis son baptême de parti de gauche.
Pour Aïssa Ouardighi l'alliance de la Koutla «n'a pas été en mesure d'adhérer à une pratique collective homogène basée sur un minimum d'un travail unitaire». Le propos est relayé par Ahmed Harzni qui estime que le projet de restructuration de la Koutla et de réactualisation nécessaire de son manifeste rédigé en 1992 « soit consolidé par un code de bonne conduite». «Au moins pour les élections», souligne le membre de la GSU rappelant qu'à ce niveau en particulier l'action des partis de la Koutla s'est souvent soldée par un échec.
Le projet de la candidature unique lors des élections de 1992 ou la Charte d'honneur pour les élections féminines lors des communales de 2003 ou encore l'engagement tenu par les partis lors de ces mêmes communales en ce qui concerne les alliances politiques ont montré les limites d'une coordination ou d'une action communes entre eux. Quel gage pour l'avenir devant une telle situation ? Les déclarations sorties de la rencontre du 18 mars sur la volonté de réactiver le cadre de la Koutla laissent sceptiques.
Des structures supplémentaires telles une commission d'arbitrage assignée de la mission de sanctionner ceux qui violent les accords conclus et adopté suffisent-elle à la Koutla de dépasser tous ses problèmes, ou comme le suggère Abbès El Fassi une clarification des missions y compris des concepts, est aujourd'hui nécessaire pour lui assurer plus d'efficacité et partant d'assurer plus de visibilité aux acteurs qui choisiront à l'avenir, en parfaite connaissance de causes, d'intégrer ses rangs ?