Lancement avec des pompes du Festival de Cannes 2004 : Almodovar, Tarantino, Abril et les autres
Le Festival de Cannes a ouvert sa 57ème édition avec le dernier film de l'Espagnol Pedro Almodovar. Passion et perversion entre un collège catholique et la movida madrilène : La mauvaise education, protéiforme jusqu'à l'excès mais jamais ordinaire, impose
LE MATIN
13 Mai 2004
À 17:13
Après Tout sur ma mère et Parle avec elle, le cinéaste espagnol s'est concentré sur un cartel exclusivement masculin pour aborder de front une histoire d'amour et de perversion. C'est un film protéiforme jusqu'à l'excès, mais jamais banal. Un labyrinthe de miroirs qui flamboient les uns dans les autres : l'autobiographie dans la fiction, l'enfant dans l'adulte, la vie dans l'art, le désir dans la honte…
Comme fil d'Ariane : une nouvelle, La visite, écrite par le personnage central, Ignacio. Le jeune homme y raconte le drame qu'il a vécu enfant, dans les années soixante. Il était alors élève dans un collège catholique où il recevait une éducation mortifère basée sur le châtiment et la culpabilité.
L'année de ses dix ans, il a découvert son attirance pour son camarade Enrique, et parallèlement, le désir qu'il provoquait chez un des curés, le Père Manolo. Le premier amour d'Ignacio s'est achevé dans une violente souffrance: il fut contraint de céder à l'éducateur tout en étant séparé de son ami. Dans sa nouvelle La Visite, il imagine la suite : devenu grand, l'enfant se venge.
Quand La Mauvaise éducation commence, Ignacio et Enrique sont de jeunes adultes assumant ambitions et désirs en pleine movida. L'heure de la vengeance a sonné. Premier acte : Ignacio va porter sa nouvelle à Enrique qu'il n'a pas vu depuis leur séparation, seize ans plus tôt. Celui-ci, réalisateur renommé en mal d'inspiration, décide d'en tirer un scénario. Deuxième acte, Enrique et Ignacio tourne le film s'inspirant de leur enfance. Troisième acte, le «méchant de l'histoire», Père Manolo, fait irruption dans la réalité.
Il serait naïf de s'attendre à une construction linéaire. Pedro Almodovar répugne à l'ordinaire au point d'enchevêtrer les différentes époques de cette histoire dans des allers-retours déroutants entre passé et présent, réel et fiction.
Le réalisateur pousse même l'hystérie romanesque à multiplier les références à la littérature et au cinéma. Autant de clins d'œil successifs pour mieux creuser les galeries du scénario et les faire se rejoindre sans céder aux réponses faciles, aux idées toutes faites, aux images attendues.