Fête du Trône 2006

Le ministre espagnol de la Défense proclame son optimisme : entre Maroc et Espagne, est-ce l'embellie ?

La déclaration du ministre espagnol de la Défense, José Bono, au journal El Mundo, semble illustrer une évolution positive dans les relations entre Madrid et Rabat. En affirmant que les deux pays ont «transcendé le complexe de Perejil» ( îlot Leila/Tourah

La police espagnole cabturant des candidats à l'immigration, dont un ici emmitoufflé en rouge

06 Septembre 2004 À 17:36

avait alors ordonné aux forces armées espagnoles de déloger l'îlot en question et de l'occuper au mépris de la loi internationale, du principe de bon voisinage ou tout simplement de l'amitié séculaire qui lie nos deux pays.

Le ministre de la Défense espagnol rappelle que Maroc et Espagne «participeront conjointement à une mission de paix de l'ONU en Haïti» dans le cadre de la MINUSTHA ( Mission de stabilisation de l'ONU). «De l'étape, a-t-il ajouté, où les drapeaux du Maroc et de l'Espagne flottaient avec hostilité ( sur l'île) ils sont passés» à celle où ils iront conjointement pour une mission de l'ONU.

Le constat est aussi simple que limpide : les deux pays enterrent ce qui s'apparentait il y a deux ans à une «hache de guerre» pour repartir de nouveau, voisinage et réalisme obligent, sur les sentiers d'une coopération renouvelée. Il convient toutefois de souligner que, pour le Royaume du Maroc, l'amitié entretenue à l'égard de l'Espagne n'a jamais été un vain mot ni même un euphémisme parce qu'elle repose sur un véritable socle où s'entrecroisent géographie, histoire et une quasi-cosanguinité. Est-ce à dire que le propos de M. Bono tombe à point nommé.

Car, faut-il encore le répéter, quel problème majeur peut-il y avoir entre les deux pays au point d'empoisonner voire de paralyser leur amitié ? L'émigration ? C'est évidemment le serpent de mer qui revient depuis quelques années sur le tapis.

Mais, faisant bon cœur contre mauvaise fortune, le gouvernement espagnol ne vient-il pas de régulariser la situation de dizaines de milliers de Marocains résidant illégalement mais travaillant depuis trois ans en Espagne ? José Bono rappelle au demeurant que " l'exécutif espagnol a fait ce qui devait se faire " quitte à essuyer les critiques de l'opposition qui " fait appel de cette décision " prétextant l'invasion illégale marocaine mais, en contrepartie, encourageant l'immigration clandestine.

Le ministre de la Défense espagnol rappelle que " le contrôle des frontières est une exigence de l'Union européenne qui ne peut pas fermer les yeux face à l'immigration mais ne peut pas non plus ouvrir sans contrôle ". La phrase à double détente, on l'aura remarqué, dit sensiblement la même chose, elle est plutôt sans appel parce que l'immigration est un sujet de la plus passionnante controverse en Europe. Et en Espagne, elle constitue au niveau des responsables de la droite ni plus ni moins qu'un épouvantail.

En régularisant la situation de plusieurs travailleurs marocains, le gouvernement espagnol actuel a fait ce que son prédécesseur n' a pas voulu faire : inscrire une communauté dans la dynamique du pays, prendre en compte ses droits, l'insérer dans la légalité aussi pour lui rappeler a contrario ses devoirs et ses obligations envers la société espagnole. A la limite, dira-t-on, il s'agit d'une question de droits de l'Homme que le gouvernement de M. Luiz Rodriguez Zapatero a honorés. Il reste que malgré toute sa bonne volonté, celui-ci ne pourra faire face à la marée de candidats à l'émigration, ces centaines de volontaires qui se risquent en pleine mer à traverser le détroit et le plus souvent échouent.

Le Maroc et l'Espagne se sont mis d'accord pour mieux juguler ce phénomène inédit, ils ont institué un canal de communication et le Maroc, sous l'impulsion de S.M. le Roi Mohammed VI qui a ordonné la création d'une Direction de la migration et d'un Observatoire qui l'accompagne, s'inscrit dans une démarche à la fois réaliste et prospective du phénomène.

C'est à une vision consensuelle que les deux pays sont conviés. Tout en travaillant à la résolution de différends en suspens, et il en existe quelques uns, ils doivent se conformer à un héritage historique et humain où la connivence était plus significative que les dissensions, et la valeur de partage plus forte que l'ethnocentrisme ou le repli sur soi.







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