Cette hybridation donne au Maestro un avantage et un ascendant sur les autres oiseaux aux niveaux de la musicalité de sa voix et la beauté de sa parure.
Il hérite de sa mère le bec, la taille, la posture, le gosier (Ajjabh) et la sociabilité; et de son père la vivacité, le chant et le plumage coloré du rouge, du brun, du blanc et du jaune. Ces souks qui donnent une idée des espèces de l'avifaune des deux villes tunisienne et marocaine, est un lieu de rencontres entre les amateurs et oiseliers et d'échange de points de vue sur les nouvelles techniques et moyens d'élever, d'apprivoiser et d'apprendre à chanter aux oiseaux (serinette), la mue et les différentes sortes d'hybridation.
On y trouve plusieurs espèces d'oiseaux notamment le Chardonneret (Oum knine), le Verdier (Al Ousfour), la Linotte mélodieuse (Camatchou), le Serin (Assamrisse). Au Maroc, en plus de ces espèces, d'autres oiseaux chanteurs y sont exposés pour la vente tels que le Bec croisé (Lazar), la Mésange charbonnière (Al Hadad), l'Alouette Lulu (Al Oualoual) et l'Alouette des champs (Goubara). Selon des recherches, le Canari est d'origine des îles Canaries.
La constitution des clubs des amis d'oiseaux domestiques et des associations a contribué à connaître des aspects du comportement de cet oiseau sociable et la variété de la gamme de son chant mélodieux. Les éleveurs procèdent également à l'accouplement de la femelle-Canari avec d'autres espèces de la famille des fringillidés notamment la Linotte mélodieuse (appelée à Tunis Achakchouke), le Verdier (Khoudir) et le Serin (Chadi).
L'hybridation exige du savoir-faire et de la patience, le but étant de trouver la bonne formule pour éviter la discordance, la disconvenance et l'incompatibilité d'humeur entre le mâle et la femelle. Durant la période prénuptiale et avant la première couvaison (quatre ou cinq oeufs) et l'incubation, l'éleveur cherche à assurer le succès de l'entreprise en évitant le couplage des femelles et des mâles qui se repoussent et se haïssent.
Toute mésentente génère des querelles souvent mortelles: tête fracassée, pattes cassées, d'autant plus qu'en période de nidification et au cours des parades nuptiales qui commencent au Maroc le mois de mars de chaque année, les disputes se multiplient entre les espèces même grégaires et sociables qui vivent en groupes durant la période prénuptiale. Le couple, qui est granivore, se nourrit également des pommes, des amandes granulés avec du miel, des figues sèches et des oeufs. C'est la femelle qui s'occupe du nourrissage des oisillons et donne à ses petits la becquée. Si la femelle, qui ne chante pas, s'occupe de l'incubation et du nourrissage des petits, le chanteur mâle se charge de seriner les oisillons. Des oiseliers et amateurs utilisent d'autres techniques qui font
office de serinette notamment des cassettes
audio et des CD-Rom dans lesquels sont enregistrés les chants mélodieux des grands chanteurs tels que le Chardonneret, la Mésange, le Rossignol et l'Alouette Lulu. Au cours de la période de la mue (changement total, annuel, du plumage usé), les oiseaux cessent de chanter et de se reproduire. La mue commence le mois de juillet ou d'août au cours desquels les chants vont decrescendo.
C'est le pot-pourri ou le large répertoire qui détermine le prix d'un oiseau chanteur. Le prix d'un Misto ou Chardonneret qui chante à plein gosier avec des trilles mélodieux comprenant des notes et strophes (R'ouaya, non usuel) du Rossignol, de la Mésange et de l'Alouette Lulu varie entre 4000 et 8000 dhs. Les chanteurs de bonne qualité (Misto ou Chardonneret) valent entre 2000 et 4000 dhs. Le Misto et le Chardonneret ont la cote
car un Canari-mâle, très bon chanteur, ne dépasse pas 300 dhs. Les concours organisés chaque année constituent le meilleur moyen de découvrir les grands chanteurs.
Pour gagner et taper dans l'oeil du jury, l'oiseau, compétiteur, doit avoir un bon gosier et un répertoire riche et varié dépourvu des gazouillis rebutants comme ceux du Moineau, de l'Hirondelle et surtout de l'inévitable Tibibate (un oiseau de la taille de la Linotte mélodieuse, ennemi des oiseliers et amateurs au Maroc).
Les oiseliers déploient des efforts considérables pour mettre à l'abri les oisillons des trilles puissants, désagréables et rébarbatifs de cet oiseau qui chante mal et fort sur les toits des maisons. Le Misto - oisillon, capable d'imiter la sonnette ou les sonneries d'une horloge ou du téléphone, en est la première victime. Sont, également, exposés à Sidi Maârouf et à Moncef Bey pour la vente, outre les oiseaux chanteurs, d'autres espèces et animaux de compagnie tels que les perruches, les poissons d'aquariums, les races de chiens.
Eleveurs et amateurs d'oiseaux à Tunis comme à Casablanca constatent qu'il reste beaucoup de choses à faire et soulignent l'importance de multiplier les associations nationales, d'examiner de façon approfondie le développement de l'avifaune, d'élaborer un bulletin de liaison et un guide ornithologique actualisé tenant compte des changements climatiques et avifaunistiques. Pour eux, la préservation de l'avifaune est tributaire de la sauvegarde du milieu, de la qualité de l'air et de l'eau. La vigilance doit rester de mise pour développer les moyens de prévention et de lutte contre la pollution, l'emploi excessif des insecticides, la déforestation, la désertification, qui constituent une menace pour l'écosystème et les oiseaux forestiers, de campagnes et de jardins.
Certains ont proposé la conjugaison des efforts au niveau maghrébin en vue de l'élaboration d'un guide exhaustif contribuant à faire connaître davantage l'avifaune maghrébine. La nature a horreur du vide, certes. Mais, seules la préservation de l'environnement, la prévention et la lutte contre la pollution des écosystèmes permettront aux oiseaux de continuer à chanter à pleine voix.