Spécial Marche verte

Les Rivières Pourpres 2 de Oliver Dahan : Polar français, sauce américaine

La suite du best-seller de Jean-Christophe Grangé se retrouve sous la plume du producteur Luc Besson, mal inspiré et aspirant à copier les Américains. Délires ésotériques kitsch sur fond de complot nazi, le scénario bat des records d'incohérence. Mais grâ

23 Mars 2004 À 17:47

Il a beau fournir des romans mines d'or pour le cinéma, aucun cinéaste n'a encore réussi à l'adapter correctement.
Le premier Rivières Pourpres n'avait pas charrié de très bonnes eaux. Mathieu Kassovitz, qui le réalisait, s'était vu reprocher, entre autres, sa fin ratée.

Mais le film avait rencontré son public. Et, du best-seller à son adaptation, l'opération s'était révélée fructueuse. Résultat : l'idée de faire une suite, pour prolonger les effets… Seulement l'écrivain n'était pas motivé. C'est donc le producteur lui-même qui signe le scénario et les dialogues de ce deuxième opus. Bien malheureusement pourrait-on dire, car Luc Besson peine à construire une intrigue cohérente. Vincent Cassel ayant également laissé sa place pour tourner Agents Secrets (en partie au Maroc), c'est Benoît Magimel qui le remplace.

Et comme cette suite tourne au passage de relais, c'est Olivier Dahan, un nouveau venu dans le genre, après Dejà mort, Le Petit Poucet et La Vie promise, qui s'empare de la réalisation. Jean Reno, lui, est resté fidèle au poste. La seule bonne nouvelle dans cette cuisine, c'est la prestation de Benoît Magimel. Beau, entraîné, efficace, inspiré, il donne du peps au film et le sauve du mauvais clip pour en faire une honnête série B.

Il est donc Réda, jeune capitaine de police vif et bien de son temps auquel les ados n'auront aucun mal à s'identifier. Alors qu'il traque des trafiquants de drogue, il tombe sur un fuyard en robe blanche qui se prend pour le Christ et annonce qu'il est poursuivi par les anges de l'Apocalypse. Pendant ce temps, le commissaire Niemans retrouve, dans un sombre monastère en Lorraine, un homme emmuré derrière un crucifix qui saigne mystérieusement.

Evidemment, les deux histoires sont liées. Evidemment, Réda retrouve son ancien professeur de l'école de police et ils se lancent tous les deux à la poursuite des stupéfiants anges de l'Apocalypse, démons noirs surpuissants qui sèment les morts sur leur passage. Mais la mise en scène ésotérique en cache encore une autre, bien plus réaliste, et peut-être plus démoniaque encore : une vaste histoire de complot nazi sur l'ancien emplacement de la ligne Maginot.

Ennemis fantomatiques

La piste historique croisant la piste biblique et ses dérives barocco-gothique, le mystère s'égare au point de ne plus savoir quel chemin prendre. Besson essaie d'alléger l'ensemble avec des blagues cyniques mais plutôt vaseuses inspirées de l'ambiance délétère d'Indiana Jones. Olivier Dahan pour sa part, puise plutôt à la source Seven, ne rechignant à aucun filtre de couleur artificielle, à grand renfort de lumière glauque, d'averse superflue et de cadrages biscornus. Du vrai kitsch indigeste arrosé de boisson énergétique pour faire passer le gros morceau : Les Rivières Pourpres 2 s'essaient manifestement à la tendance jeune et au rendu «américain». Prêt à l'exportation ?

On se prend à regretter que les paysages de la Meuse profonde et angoissante n'aient pas été mieux exploités et que les édifices religieux aient été maquillés façon jeu vidéo. Toutes les séquences narratives sont assez navrantes et le fantastique s'étiole piteusement. En revanche, les scènes d'actions sont nettement plus convaincantes. Courses poursuites haletantes quasi en temps réel, duels contre des ennemis fantomatiques, soupiraux, souterrains ou attaques à l'arbalète, la caméra suit nerveusement la cavalcade de Benoît Magimel, peut-être le seul à savoir où il va.
On annonce un numéro trois à ces Rivières, Les armes de l'ombre par Florent Emilio Siri (Nid de guêpes), qu'on espère moins adepte du pourpre saturé. Quant à Jean-Christophe Grangé, il aura peut-être plus de chance avec Chris Nahon (Le Baiser mortel du dragon) actuellement en train de tourner l'adaptation de L'Empire des Loups. Un roman policier si cinématographique qu'il faudrait vraiment de la mauvaise volonté ou une maladresse maladive pour n'en pas tirer un excellent scénario.

Les rivières pourpres 2 - Les Anges de l'apocalypse -, film de Olivier Dahan, avec Jean Reno, Benoît Magimel, Johnny Hallyday, Gabrielle Lazure.
Copyright Groupe le Matin © 2025