Les bains maures ont une nouvelle allure : le hammam à l’air du temps
La version très moderne du nouveau concept proposé par les bains maures fait aujourd’hui du traditionnel hammam, un endroit à la mode. Les propriétaires rivalisent d’imagination pour s’attirer une clientèle qui ne cherche pas uniquement
LE MATIN
19 Janvier 2004
À 17:24
Le bain maure ou hammam (signifiant source de chaleur), a toujours fait partie de notre vie. Malgré les grandes mutations technologiques et urbaines, la présence du hammam dans un quartier, qu’il soit chic ou populaire, est incontournable. Son utilité ne s’inscrit pas uniquement dans le registre de sa mission fonctionnelle, mais à la simple évocation du mot hammam, on se détend car on se détache de la vie extérieure pour se consacrer entièrement à soi-même, durant au moins deux bonnes heures, à se faire bichonner. En effet, une sensation d’apaisement et de tranquillité envahit les esprits au seuil du hammam.
L’apparition d’une nouvelle version des hammams, hyper-propres et offrant une prestation salutaire pour les clients qui appartiennent très souvent à la catégorie des stressés, arrive à convaincre les plus réticents des bienfaits du hammam pour soulager le corps et l’esprit des diverses impuretés. La preuve en est le retour étonnant des hammams même en Occident où ils étaient interdits par l’église chrétienne au XIIIe siècle. On ne pouvait rester éternellement indifférent aux avantages des hammams car même les médecins vantent les mérites. C’est ainsi que leur construction dans les capitales européennes reprend de plus belle.
En plus de leur effet relaxant, on attribue au bain maure des vertus pour la guérison des rhumatismes. Il semblerait même qu’en cette période de frimas favorisant le rhume, il n’y a pas mieux que le hammam pour décongestionner les bronchites. Sur le plan dermatologique, il se trouve que le hammam est une mine d’or pour la peau, en ouvrant ses pores, les bactéries sont éliminées et les douleurs musculaires sont apaisées. On ne le dira jamais assez, le bain maure s’avère un remède efficace contre le stress. Lorsque une brume de vapeur chaude enveloppe le corps, elle parvient à l’emporter dans des sphères lointaines, éloignant toutes les tensions, et lui font regagner en quelques minutes son apaisement.
Subitement, tous les problèmes s’effacent et se noient harmonieusement dans les grandes buées de vapeur qui submergent le bain maure et ses invités dans une ambiance, oscillant entre une mollesse sédative et un bien-être reconquérant. Ce sont ces raisons qui ont motivé la survie du hammam qui, contrairement à ce que pensaient ses détracteurs, que les nouvelles exigences hygiéniques et sociales, le contraindraient à disparaître. Il suffit de faire un grand tour dans les grandes villes, Casablanca ou Rabat, pour se faire une idée et constater que le hammam ne constitue plus ce lieu anodin où l’ on se contente de se nettoyer physiquement, mais qu’il est devenu un véritable endroit de mise en forme. Tous les critères du confort sont disponibles et parfois même dépassent les attentes de la clientèle en quête d’un moment de répit, accentué de propreté et d’un bon accueil. Effectivement, depuis la porte, le personnel apparemment plus jeune que ceux que l’on rencontrait dans les hammams traditionnels, fait en sorte que la cliente soit encadrée et conseillée.
Toutes sortes de nouvelles prestations font partie de ces nouvelles structures qui offrent le traditionnel gommage, passant par le massage, jusqu’à la dernière étape constituée d’une période illimitée de détente dans une pièce exclusivement réservée à cet usage. C’est vrai que l’allure de ces hammams est plus raffinée, mais il faut dire que la base architecturale est préservée, respectant généralement l’agencement architectural ancestral qui comporte un enchaînement de trois pièces : la première non chauffée, la deuxième tiède et la troisième chaude. Cette dernière qui est une véritable étuve a connu une légère modification. Désormais, elle n’abrite plus la fameuse géante chaufferie, mais des bassines miniatures agrémentées de robinets, où chaque cliente n’a plus la corvée de faire la queue pour remplir son seau d’eau. Egalement, autrefois on n’avait du mal à faire un quelconque discernement des odeurs, henné ou argile blanche, aujourd’hui ces hammams modernes dégagent la fabuleuse odeur de la lavande, enivrant les clientes de parfums euphorisants.
Autre détail est le retour fracassant de la salle de réception qui, elle a disparu dans les bains de quartiers en raison du manque d’espaces. Les hammams modernes actuels la réhabilite, tout en rajoutant un simple comptoir à l’accueil où l’on donne aux clientes les dispositifs nécessaires pour le cérémonial du hammam : gant de crêpe (gant de gommage marocain), savon noir, henné, des sandales en plastiques, et un tissu en coton à mettre autour de la taille comme le font les turcs.
Pour ces prestations, il faut bien entendu payer. Plus question de miser 7dhs50 pour quelques heures de détente, mais le prix atteint 50 dirhams et quelquefois plus pour accéder au confort.
Endroit privilégié de conversation et de purification spirituelle
Le hammam a pris une signification religieuse chez les Arabes et devint rapidement une annexe à la mosquée où il était utilisé afin de se conformer aux règles d'hygiène et de purification de l'Islam. Après avoir goûté aux plaisirs de l'eau chaude, les Arabes n'appréciaient plus les douches et les bains d'eau froide.
Le hammam devint un lieu de retraite tranquille, dans une demi-pénombre, où régnait une atmosphère de farniente et de solitude. Sur le plan architectural, la voûte des plafonds fût abaissée, les bains se faisant plus petits et plus modestes. Alors que les Romains construisaient de grands thermes publics au centre-ville, les Arabes préférèrent en construire plusieurs plus petits disséminés à travers la ville, à la manière des balnea romains. Comme dans les thermes, le baigneur passait à travers une série de salles, mais leur importance respective différait.
Dans le hammam, le «tepidarium» romain fût réduit à un simple couloir menant des vestiaires au «harara» (chambre chaude) où l'on pouvait recevoir des massages spécialisés, ce qui n'était pas le cas dans le «caldarium» romain. Une petite pièce adjacente réservée au bain de vapeur remplaça le «laconium». Alors que le baigneur romain terminait sa séance dans une bibliothèque ou une étude, au hammam on se retrouvait dans la salle de départ, où l'on s'allongeait sur des couchettes, dans l'aire de repos : là, des serviteurs apportaient des boissons et rafraîchissaient les baigneurs avec des éventails. La pratique du hammam a suivi l'expansion de l'Islam, comme en témoignent les nombreux hammams toujours présents en Iran, en Asie Mineure, et à travers l'Afrique du Nord, depuis l'Égypte jusqu'au Maroc. Tout comme les bains romains, le hammam devint un endroit de rencontre. «Votre ville n'est pas parfaite tant qu'elle ne possède pas de bains» disait Abu Sir, un ancien historien Arabe.
Afin de promouvoir le hammam local, les prix d'entrée étaient si bas que tout le monde pouvait en profiter. «C'est au baigneur de payer selon son rang» ,dit un calife dans les contes des mille et une nuits. Les bains étaient l'un des rares endroits dans l'Islam à être accessibles à tous, depuis le matin très tôt jusqu'à tard le soir, parfois même plus longtemps. Si les gens allaient au hammam pour le plaisir du bain et de la conversation, ils y allaient aussi pour se purifier sur le plan spirituel. Il y avait toujours de bonnes raisons pour se purifier et se rappeler à Allah : avant de porter de nouveaux vêtements, après un long voyage ou une convalescence.