Naissance de SAR Lalla Khadija

Les petits métiers de Bab El Had : un travail instable pour un revenu maigre

Des pompiers, des soudeurs, des maçons, des peintres en bâtiments… se retrouvent chaque matin à Bab El Had. Cela fait plusieurs années qu'ils se donnent rendez-vous quotidiennement à cet endroit. Là, ils proposent des services de moins en moins demandés.

16 Août 2004 À 16:41

Les petits métiers continuent encore d'être le gagne-pain de bon nombre de personnes à Rabat. A Bab El Had, à côté de la mosquée Sidi Al Ghandour, une dizaine d'hommes attendent chaque jour la providence de Dieu. Ils continuent d'exercer des petits métiers comme la plomberie, le carrelage... A sept heures, munis de leurs attirails, ils sont déjà sur place. Une appréhension vague se lit sur leurs visages hâlés par le soleil.

D'après eux, chaque jour, apporte son lot de chance… ou de malchance. Les clients en effet se font de plus en plus rares. Et leurs services sont boudés au profit de ceux offerts par des mâalmine qui ont suivi une formation professionnelle. Pourtant, ils continuent d'exercer des métiers qui n'ont plus la cote.

C'est la foi en Dieu qui les incite à garder espoir et à survivre malgré la dureté de leur existence. Ils se connaissent depuis des années. Leurs yeux scrutent attentivement les passants. «Peut-être que quelqu'un veut réparer une fuite d'eau ou retaper des carreaux cassés dans sa cuisine », se disent-ils toujours. Agé de 44 ans, Mohamed Bendaoud exerce le métier de plombier depuis 24 ans. « Je viens ici chaque jour ne sachant pas ce que me réserve le destin. Notre revenu a diminué depuis des années.

Nous survivons à peine. Mais nous gardons tout de même foi en Dieu », dit-t-il avec un brin d'espoir mélangé d'amertume. Bendaoud est marié et père de trois enfants. Pour diminuer ses charges, il a préféré habiter à Salé où le loyer est moins cher qu'à Rabat. D'ailleurs, la plupart de ceux qui exercent des petits métiers à Bab Al Had viennent chaque jour de Salé. Ils sont, en effet, incapables de trouver un logement à Rabat avec leur maigre revenu qui de plus est instable.
Dans les années 90, ils arrivaient à faire vivre leurs familles.

Mais, aujourd'hui, les choses ont beaucoup changé. Trente ou quarante dirhams par jour feraient actuellement leur bonheur. Il leur arrive de rester sans revenu pendant des semaines. Car, peu de personnes recourent à leur service. « Ce n'est pas suffisant pour entretenir une famille ». Mais ont-ils vraiment le choix. Le destin en a décidé ainsi.

Seules la mort ou une grave maladie peuvent empêcher quelqu'un d'entre eux de venir occuper sa place. Ils ne bénéficient pas, tout comme ceux qui évoluent dans le secteur informel, ni d'allocations familiales, ni de sécurité sociale. Ils savent très bien que leurs petits métiers sont voués à la disparition à cause de la modernisation. Ils auraient tant aimé changer de métier. Mais, ils ne savent rien faire d'autre à part le travail qu'ils font depuis des années.

Ils souhaitent du fond de leur cœur que l'avenir de leurs enfants soit meilleurs. Hajji Mohammed, maçon, affirme avec espoir : «J'espère que mon fils aura un travail stable dans la fonction publique. C'est mon vœu le plus cher. De cette manière, il ne souffrira pas et pourra m'aider ne serait-ce qu'en me donnant 500 dirhams par mois ». Hajji Mohamed à l'instar de ses collègues doit subir les affres de la vie. «Je suis toujours obligé de m'endetter.

Cela fait trente ans que je travaille ici. En contrepartie, je ne récolte que malheur et pauvreté », se plaint Allal Amyz. Il ajoute que depuis longtemps, il ne rechigne à faire aucune tâche pour gagner quelques malheureux dirhams. Pour lui, tous les travaux sont bons, l'essentiel c'est de parvenir à «assurer à ses enfants le pain». Il clame haut et fort que sa situation, même si elle est difficile, est mille fois meilleure que la mendicité. « Je ne ferai pas la manche quitte à mourir de faim. C'est vrai qu'aujourd'hui, je n'arrive pas à acheter à mes enfants et à ma femme ce dont ils ont besoin, mais, je tiens à préserver ma dignité et celle de ma famille», explique-t-il.

Allal, tout comme ses «collègues » quoique lassé par les difficultés de la vie, envisage l'avenir avec optimisme. Son espoir le pousse à venir chaque jour attendre pendant d'interminables heures un « bricole », même insignifiant..
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