Marché municipal de la Place Moulay Al Hassan : les commerçants gardent encore espoir
Le marché municipal de la Place Moulay Al Hassan existe depuis les années 80. Il abritait, au début, 36 commerçants. Aujourd’hui, seulement quinze ont pu résister aux affres de la vie et au déclin notable de leur activité grâce à leur esprit de comb
LE MATIN
21 Février 2004
À 21:37
Les commerçants du marché municipal de la Place Moulay Al Hassan sont on ne peut plus déçus. Fini le temps de prospérité et de bonheur depuis le milieu des années 90. La plupart d’entre eux se remémorent le passé avec nostalgie. Ils auraient tant aimé retrouver cette belle époque d’or. Mais, ils se sentent aujourd’hui impuissants face au déclin remarquable de leur activité qui ne cesse de les hanter jour et nuit. En effet, bon nombre de personnes ignorent qu’un marché existe dans ce sous-sol. «Cela fait des années que je passe par ici.
Mais je n’ai jamais remarqué qu’il y a un marché municipal ici. Je suis surprise. Je crois que plusieurs personnes ne connaissent pas ce marché », dit Ghizlane, l’air étonné. Les commerçants sont fort conscients de cette réalité et espèrent du fond de leur cœur que les choses changent le plus tôt possible puisqu’ils ne pourraient jamais résister encore plus longtemps. Bon nombre de leurs collègues ont cédé au désespoir et ont, de ce fait, fermé boutique depuis longtemps. El Haj Mohammed El Abbassi, 64 ans, est l’un d’entre ces derniers. Il a quitté les lieux il y a dix ans. Nécessité oblige. Il ne pouvait plus continuer dans ce commerce perdant. Il affirme avec une voix tremblante, les larmes aux yeux :
« Il ne me restait plus rien à faire dans ce marché. Je ne vendais plus rien. Ce sont mes enfants qui me prennent en charge et j’ai vraiment de la chance car il y a d’autres commerçants qui se trouvent maintenant dans l’impasse». El Haj El Abbassi, malgré les difficultés, n’arrive pas à oublier ce lieu. Il vient autant que faire se peut rendre visite à ses amis qui luttent encore défiant tous les obstacles. Tous sont responsables de leurs familles. Ils n’ont nullement le choix et ne peuvent baisser les bras ne serait-ce que momentanément. Khlifa, un sexagénaire, ne perd jamais espoir. Depuis les années 60, il exerce son métier dans ce lieu dans une baraque et a pu, par la suite, obtenir un local dans ce marché municipal qui fut construit dans les années 80. Chaque jour, il se réveille à cinq heures et se dirige vers le marché de gros d’Al Akkari pour s’approvisionner. Il doit être au marché à 7 h 30.
Chaque matin, son espoir renaît convaincu que seul Dieu le Tout Puissant est capable de changer sa situation du jour au lendemain.
Il incrimine les supermarchés qui, d’après lui, sont la cause principale du déclin de leur activité. sSelon lui, les gens préfèrent ces grandes surfaces où l’on trouve tout et où les prix sont très compétitifs. Il annonce avec un sourire qui en dit long : «Nous vivions heureux il y a des années. Mais à partir de 1996, tout a basculé. Notre activité a nettement dégringolé. Mais, je ne peux rien faire. J’entretiens six enfants qui ne travaillent pas. Il y a des jours où je ne vends pratiquement rien et je suis obligé de jeter parfois la moitié de la marchandise. Je suis aussi obligé de payer le loyer qui est de l’ordre de 210 dirhams par mois».
Il n’est pas le seul à se lamenter sur son sort. Les quinze commerçants qui luttent encore contre la faillite attendent l’aide nécessaire pour les faire sortir du gouffre noir dans lequel ils sombrent depuis des années.
«Même lors des samedi et dimanche où l’on était sûr de réaliser un gain important, on ne vend plus rien. Les gens préfèrent d’autres lieux. Dans les quartiers populaires, les commerçants sont chanceux puisqu’ils vendent toute leur marchandise. Ici, les clients sont peu nombreux et n’achètent qu’une petite quantité », proteste un marchand.
Pour sa part, Balka Mohammed, 71 ans, boucher, pense que l’existence du marché dans le sous-sol est la cause de sa " mort " : «J’ai dépensé un argent fou pour s’approprier un local dans ce lieu que je pensais stratégique.
En 1970, j’ai acheté une baraque avec 30.000 dirhams. Mais jamais je ne pourrais récupérer cet argent. Dommage que ce marché soit comme ça. Son état est lamentable. Quand il pleut, nous sommes inondés. Nous avons un problème des conduites des eaux usées. Je pense que le mieux serait de nous déplacer en haut et de transformer ce local en parking de voitures ».Son avis est fort partagé par tous les commerçants qui sont unanimes à penser que l’idéal pour eux est de construire des locaux à côté du marché aux fleurs pour que les clients s’aperçoivent de l’existence de ce marché municipal. Abdelali, jeune marchand, licencié depuis 1994, annonce : «C’est une solution simple. Il faut tout recycler.
Il suffit de construire des magasins avec du préfabriqué. Il faut, en outre, lutter contre la rumeur qui dit qu’ici tout est cher. Nous avons entendu que la Caisse du Dépôt et de Gestion va réaménager ce lieu. Mais, il faut qu’on donne à chacun ses droits ». En fait, la commune de Rabat Hassan et la CDG étudient un projet d’aménagement de la Place Moulay Al Hassan. On prévoit, en effet, la construction d’un parking sous-terrain à deux niveaux et d’un centre commercial de haut standing. La commune de Hassan se chargera d’offrir aux commerçants des locaux commerciaux ailleurs ou de leur verser un dédommagement. Jusqu’à présent, les commerçants de ce marché municipal affirment qu’ils ne connaissent pas exactement le contenu du projet.