Spécial Marche verte

Mettant en danger la santé voire la vie des consommateurs : les médicaments contrefaits ont la vie dure

La contrefaçon fait rage et devient plus lucrative. Les autorités et la société civile se mobilisent pour y mettre un terme. Une campagne de sensibilisation a eu lieu sur la gravité du phénomène sans donner les résultats escomptés. La circulation fraudule

26 Janvier 2004 À 19:04

Il ne passe pas un jour sans que les services chargés de la lutte contre la fraude ne saisissent des quantités considérables de médicaments faux ou de psychotropes. Le secteur informel qui est en pleine évolution détient une part considérable sur le marché global des produits pharmaceutiques.

L'Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que les produits dont le conditionnement est contrefait, inadéquat, ou dont la substance active est mal dosée, insuffisante voire absente, représentent 11 % du marché total des médicaments, soit 40 milliards de dollars. La plupart de ces médicaments sont soient périmés, soient contrefaits, ce qui met en danger la vie des consommateurs. Au Maroc, les marchés parallèles de produits pharmaceutiques ont presque pris les dessus sur les officines. On évalue à 60 % les parts obtenues par ces vendeurs illicites sur le marché global des médicaments.

Selon le Dr. Kamal Belhaj, président de la Fédération des syndicats des pharmacies " ce trafic est limité aux frontières Nord et Est du pays. Les trafiquants commercialisent à moindre prix des boites non protégées qui ressemblent énormément aux médicaments vrais. Des boîtes de médicaments portant des étiquettes douteuses sur les dates de péremption ou contenant de fausses indications thérapeutiques.

Ce qui constitue un danger pour la vie et la santé des populations. Par ailleurs, la campagne de sensibilisation sur la gravité de ces médicaments lancée dernièrement n'a pas donné de résultats escomptés ". Même constat est dressé par Mme Samia Fizazi de l'association Afak qui souligne que " ces médicaments illicites viennent surtout de l'Algérie pour être revendus dans les souks hebdomadaires itinérants en zones rurales. 30 % de ces médicaments dont contrefaits. Ils sont aussi vendus au détail dans des milliers de boutiques et d'épiceries.

Il est difficile d'y faire face, car ils sont souvent à la portée des acheteurs". Mais le grand danger provient du trafic des psychotropes qui modifient ou altèrent les pensées, les sensations ou les comportements d'une personne en les stimulant, les calmants ou en les perturbant. Les psychotropes les plus prisés sont le "Karkoubi" ou Optalidon, aujourd'hui introuvable au Maroc alors qu'il continue d'être commercialisé à l'étranger, Al-Aoud Labiad (le cheval blanc) ou Artane, Ibn Zidoun ou Hypnosedon et "Bola hamra" ou Rivotril.

La palme revient au Rivotril-Bola hamra, dont la consommation devenait si préoccupante qu'on en vint, il y a quelques années, à modifier la dénomination commerciale, Clonopen se substituant au Rivotril. Mais cela ne semble guère avoir affecté l'engouement pour la " bola hamra ". A la porte des établissements scolaires, les dealers n'ont qu'à attendre la clientèle à la sortie des cours.

Sur ce fléau, le Dr. Belhaj explique que " le problème est universel. Il est encouragé par les fausses prescriptions médicales accordées aux faux malades et aussi par certaines ordonnances subtilisées et souvent scannées. Le corps médical veille au grain, mais il y a toujours des gens qui ne respectent pas la législation en vigueur. Celle-ci est très stricte dans ce domaine. En général, la vente est organisée et aucun pharmacien n'a le droit de vendre ces médicaments sans prescription médicale ". Cependant, l'abus de substances psychotropes, semble en hausse.

En témoigne leur nombre des saisies qui a progressé nettement ces dernières années. " Ce commerce est purement illicite dans la mesure où la vente de médicaments et d'autres produits hospitaliers doit obéir à une réglementation rigoureuse, à des connaissances très pointues des effets des substances chimiques, à des règles de prescriptions et de conservation.

C'est un commerce à géométrie variable, qui suit des filières secrètes, dans la mesure où la majorité des produits qui y sont vendus viennent pour la plupart de structures officielles, d'importations frauduleuses empruntant des passages frontaliers terrestres, le port et l'aéroport ", nous confie un psychiatre.

L'urgence doit être une réaction contre une logique répressive sans aucune commune mesure. Un engagement politique fort, une bonne sensibilisation et une large disponibilité de produits de qualité à des coûts très accessibles devraient pouvoir discréditer le marché illicite aux yeux de la population.

Dans ce cadre, c'est la commission nationale des stupéfiants présidée par le ministre de la Santé qui devrait rechercher les moyens permettant de lutter efficacement contre la production, le trafic illicite, la détention, la vente, la circulation et l'utilisation de drogues toxicomanogènes et de médicaments malsains.
Copyright Groupe le Matin © 2025