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Musicothérapie : Dans les parcs chinois, le chant révolutionnaire a le vent en poupe

Dans un pays en pleine mutation, des Chinois âgés cultivent la nostalgie du passé en entonnant dans les jardins publics des chants révolutionnaires, auxquels ils attribuent des vertus thérapeutiques.

30 Octobre 2004 À 16:02

«Le drapeau rouge aux cinq étoiles flotte au vent, le chant de la victoire est retentissant; chantons notre patrie bien aimée, vers prospérité et puissance engagée»: dans le parc du Temple du Ciel, ils sont plus de cent à se retrouver tous les matins pour commencer la journée en chantant à tue-tête ce fleuron du répertoire révolutionnaire, composé en 1950 pour le premier anniversaire de la République populaire de Chine.

«La plupart de ceux qui viennent ici sont des retraités. Ils sont nostalgiques du passé. En chantant, ils oublient ce qui les rend malheureux», explique Ding Yanzi, un ancien technicien âgé de 65 ans qui vend des guides de chant.
Les soucis des choristes ? M. Ding admet qu'«aujourd'hui, le travail et la protection sociale des personnes âgées ou d'âge moyen sont des questions qui sont mal résolues».

«Psychologiquement et physiquement, chanter, c'est bon pour la santé», ajoute le sexagénaire, alors que plus loin sous les arbres, d'autres retraités font leur taichi matinal ou dansent le disco.
Les chanteurs ne sont pas des protestataires. Ils soulignent leur patriotisme et certains ne veulent rien dire de négatif sur leur pays, surtout devant un journaliste étranger.

Han Xiufen, un ancien ouvrier du bâtiment qui souffre d'un problème pulmonaire, est de ceux là: «Il ne faut pas que mes propos soient mal interprétés. Je soutiens le pays et ses dirigeants», déclare-t-il.
«J'ai un problème pulmonaire et chanter me fait du bien», souligne ce quinquagénaire.

Si certains chanteurs sont membres du parti communiste, tous soulignent le caractère «spontané» de leur activité.
Il n'existe pas non plus de structure organisée, même si Zhang Shikui ne renie pas son appellation de «chef de groupe». «C'est parce que je suis un peu plus âgé que les autres», dit cet ancien militaire qui aime autant les slogans politiques que les chants à la gloire du parti et de la révolution.

«Nous devons supporter les difficultés, être unis comme un seul homme, dévoués au parti et engagés pour la cause du peuple», récite cet homme de 63 ans, aux grandes lunettes noires et à la tenue démodée, qui a commencé il y a deux ans avec six ou sept amis à venir chanter au Temple du Ciel.

Plusieurs groupes de chanteurs «révolutionnaires» rassemblant des centaines de personnes se retrouvent aussi tous les week-ends dans le parc de la Colline de Charbon, au nord de la Cité interdite, et en d'autres endroits de la capitale.
Dans les quartiers périphériques, de plus petits groupes se réunissent en bas des immeubles, au grand déplaisir des plus jeunes qui n'apprécient guère leurs chansons et les accusent de faire du vacarme.

«Nous sommes tous des vieux camarades qui étions jeunes dans les années 60 et 70. Notre époque moderne a besoin de l'esprit qui régnait autrefois», déclare M. Zhang, aussitôt applaudi par plus d'une dizaine de fidèles.
Malgré leur nostalgie pour certains aspects du collectivisme maoïste, les chanteurs restent pragmatiques.
«Aujourd'hui, c'est mieux qu'à l'époque, le pays s'est développé», déclare Li Yumei, âgée de 49 ans mais déjà en préretraite, comme beaucoup de salariés d'entreprises d'Etat.

«Autrefois, la vie était beaucoup plus dure», admet M. Zhang qui est persuadé que «si nous arrivons à allier l'esprit que nous avons conservé avec les avantages matériels que nous connaissons aujourd'hui, le pays se développera encore plus vite».
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