A Myriam
Ton regard de velours noir
Me dénude, me jette sur le trottoir
Entre la mort et l'espoir
Ton regard, des fois hagard,
Me plonge, me baigne
Dans une lumière noire
Et je saigne
Tel un blessé des guerres barbares
Abandonné, contemplant son sang noir
Se mélanger au crépuscule du soir
Ton regard de
chat noir
Me carresse, me griffe sans pitié
Et je me trouve sacrifié
Sur l'autel du musc noir
Où ton souvenir intrépide
Retentit en moi comme un encensoir
Me laisse pétrifié
Entre l'attente et le désespoir
Comme un enfant dans le noir
Ton regard à la brillance indescriptible
A pris mon cœur pour cible
Et pour la première fois
Sans prendre garde à soi
Le chasseur succomba
Aux flèches décochées
Des grands yeux de sa proie.
Ton regard noir comme l'encre
M'oblige à jeter l'ancre
Non pas que mon Odyssée soit finie
Mais ma barque est avide d'infini
Se plaît dans l'océan de tes yeux maures
Prête à affronter la tempête sans remords.
Dis-moi de quel pays tu viens
Et pourquoi tes yeux ont volé
La lumière au matin
La frangrance au satin
Laisse-moi noyer mon chagrin
Laisse-moi m'envoler, me brûler
Tel un papillon du matin ou du soir
Dans le feu doux de tes yeux noirs.
Ton regard me tue incessament
M'attire à lui comme un aimant
M'enveloppe, m'enchaîne comme un serpent
Déclenche sur ma peau blanche des frissons
Pénètre dans mes veines discrètement
Voyage dans mon sang librement
Et je me sens avec toi ; crucifiées, haletants
Poursuivant notre course vers le firmament
Ton regard à l'éclat brillant
Me transporte hors du temps
Et je me sens désarmé, consentant
Comme un esclave d'antan
A la magie du musc enivrant
Des gazelles de l'Anti-Liban
Ton regard de paradoxe charmant
A des facettes de diamant
Réduit ma résistance à néant
Me convertit à la religion
D'Allah et de Satan
Et je m'abreuve abandemment
Aux sources suaves de ton giron
A l'ombre de tes yeux, de noir, scintillants
Ton regard me pénètre profondément
Me jette aux affres de l'océan
Maudit par ta grâce arabe
Balloté entre tes cils sans astrolabe
Dis-moi, ma douce, par quel talisman
Puis-je échapper à ta malédiction
Je t'en conjure par ton Coran
Tu es être humain ou djinn
Créé de feu ou de corail ou de conaline
Sarazine du Sahara ou maghrébine
Descends sur moi tes "ayates”
Je les accorderai en sourates
Mon ange noir, ne me frappe pas d'anathème
Tu sais, on est prêt à tout quand on aime
A Myriam
Où que j'aille
Jour et nuit
Sans faille
Ton regard me poursuit
Tantôt il brille, tantôt il luit
Je ne sais où il me conduit
Des fois
Je ne sais plus qui je suis
Je lui cours après
Il me fuit
Il est moi
Je suis lui
Il se mire en moi
Je me mire en lui
S'il fait partie de toi
Je fais partie de lui
Tu habites en moi
Quand j'habite en lui
La question n'est pas en soi
De non ou de oui
Tu peux être ou ne pas être à moi
Mais je ne peux ne pas être à lui
Comprends-tu qui est-il,
Qui es-tu et qui je suis,
Et pourquoi je n'ai pas été
Et par ton regard je suis
Meryem, tire-moi de ce puits
Vivre sans toi je ne puis
Ton regard parfois absent
Reflète ton voyage
Dans le néant
Et le temps
S'évanouit dans la durée
L'absence n'est plus absence
Elle est présence
A ce moment
L'absolu est alors à bout de bras
La fusion se déroule sans grand fracas
C'est là où je m'unis à toi
Hors de moi, hors de toi
Dans le soi
L'espace d'un clin d'œil
Hors du lieu, hors du temps
Ta pupille noire grandit en sphère
Epouse les formes de l'univers
Un autre clin d'œil sonne la fin
Et l'on rentre de ce voyage lointain
Et pourtant ni toi ni moi
N'avons changé de place
Rivés l'un à l'autre
Dans le même espace
Et la durée s'évanouit dans le temps
Et nous revoilà prisonniers de l'instant
Victimes de regards intolérants
Libérés de nous-même, prisonniers des autres
Quoique l'on dise, quoique l'on fasse
Etrangers aux nôtres, étrangers aux autres
C'est les soufis mystiques
Qui m'ont inspiré tels dystiques
Et non le rite orthodoxe qui nous mystifie
Nous intoxe…