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Rétrospective médiatique du 10e Festival de Fès des musiques sacrées du monde : Traces de lumière revisitées par les Américains

Dans la perspective de la tenue de la 11e édition du Festival International des musiques sacrées du monde qui se déroulera du 3 au 11 juin 2005 à Fès sous le thème «Les chemins de l'espoir», la station de radio américaine «Afropop Worlwide» a diffusé, der

15 Décembre 2004 À 15:56

Une équipe de reporters de «Afropop», une chaîne spécialisée dans la recherche et l'archivage de la musique pop africaine et latino-américaine, lancée en 1988 par la radio nationale «NPR», et dont les émissions sont relayées par une centaine d'autres stations et écoutées en Afrique et en Europe, a assisté au festival de l'été dernier et a réalisé une série d'enregistrements, de reportages, de documentaires axés sur les concerts animés tout au long du festival par la pléiade d'artistes venus du monde entier pour y participer, sur la musique soufie des confréries religieuses ainsi que sur la médina de Fès et ses artisans.

«Afropop» a ainsi diffusé plusieurs émissions dont «l'héritage de l'Andalousie», «L'Afrique du Nord et au-delà», «Réverbérations» et «l'Egypte d'Youssou N'dour: le Sénégal donne à l'Est».
La radio a rappelé que le festival se déroule dans différents endroits à travers la médina de Fès, l'une des cités les plus anciennes du monde fondée vers le 8e siècle et qui conserve encore des aspects de la vie médiévale.

Déclarée «patrimoine mondial» vers la fin du 20e siècle (Avril 1981), la médina de Fès constitue «un musée vivant» avec ses denses quartiers et ruelles étroites qui ressemblent à une ruche d'abeilles avec les artisans qui martèlent le métal, sculptent le bois ou le plâtre, taillent les carreaux, tannent ou sèchent le cuir, ou exécutent d'innombrables autres activités manuelles offrant un irrésistible spectacle visuel et un concert de sons et de rythmes reflétant l'intime relation entre le travail artisanal et la musique, rapporte la radio.

La ville historique de Fès a cultivé depuis longtemps une réputation de foyer d'entente et d'amitié entre musulmans, juifs et chrétiens, rappelle la station, soulignant que l'histoire du dialogue interconfessionnel, profondément ancré dans l'héritage de l'Andalousie médiévale a constitué un point de repère pour les fondateurs du Festival international des musiques sacrées du monde.

Ce festival a, d'ailleurs, démarré durant les années qui ont suivi la première guerre du Golfe dans le noble objectif de stimuler le dialogue entre les religions du monde à travers la musique liturgique, note la radio qui souligne qu'en plus des concerts de musiques sacrées, des séminaires intellectuels regroupent une pléiade de penseurs et représentants de différentes religions pour conférer une âme à la mondialisation.

«Afropop» rappelle aussi que le grand festival se déroule à Bab Al Makina, une grande porte qui donne accès à la médina et qui fut fondée vers 1886. C'est sur une scène montée devant cette porte historique et baignée de lumières que les artistes Youssou Ndour, Fathy Salama, Miriam Makéba, Sabah Fakhri et bien d'autres ont évolué. Les concerts de l'après-midi ont lieu dans le patio du musée andalou du Batha sous un arbre généreux et tentaculaire plein d'oiseaux gazouillants qui accompagnent de leurs chants les différents artistes qui se succèdent sur scène.

En marge de ces endroits officiels, des concerts sont organisés gracieusement dans des places publiques de la médina, relève la radio qui assure que cette idée innovante visait à impliquer la population dans l'esprit du festival.
Ainsi, la place publique de Bab Boujloud a vu défiler des groupes du Malhoun, de Taktouka , Sabah Fakhri, les Gospels de Harlem et autres artistes qui ont évolué à Bab Makina, au Musée du Batha ou aux ruines romaines de Volubilis situées à deux heures de route de Fès, indique encore la radio.

L'équipe de la radio «Afropop» dit avoir apprécié énormément les concerts populaires de la place de Bab Boujloud et des séances de musique soufie qui ont eu pour cadres Dar Tazi et Fès Hadara, avec la participation des différentes confréries religieuses et leurs «Tariqas» Jilalia, Harrakia, Tijania, en plus des Gnawas, auxquelles la radio a consacré plusieurs émissions.

Musique sacrée et profane

«C'est un festival merveilleux où l'on écoute une musique sensationnelle», a dit M. Jonathan Shannon, musicologue qui a fait des recherches en Syrie avant de s'installer à Fès avec son épouse Deborah Kapchan, elle-même spécialiste de la musique des Gnawas.

Le festival de Fès a vu le jour, il y a dix ans, sous la houlette de Faouzi Skalli (anthropologue) et depuis, le festival a évolué pour devenir un «remarquable événement international» où l'on apprécie la musique qu'elle soit sacrée ou profane, a confié ce musicologue dans un entretien à la radio «Afropop». Traitant du soufisme marocain, il a assuré que l'Islam sunnite est fondé sur le Coran et la tradition du Prophète et les confréries religieuses puisent leurs inspirations de l'héritage de Chioukhs ou saints hommes qui sont vénérés pour leur action dans la diffusion des enseignements de l'Islam. Au Maroc, dit-il, les confréries religieuses comme Tijania, Jilala, Hmadcha ont leurs propres rituels, leurs propres liturgies et leurs styles et genres de cantiques.

De son côté, Mme Deborah Kapchan a assuré que les Gnawas ne sont pas des païens mais des musulmans pieux. Les Gnawas invoquent constamment dans leurs cantiques Dieu et le Prophète Mohammed. Les confiner dans un cadre exotique ou profane constituerait une offense pour eux, a-t-elle indiqué. Quant aux membres de la confrérie des Jilala, ils ont déclaré à la radio qu'à l'instar des groupes des Gnawas, Hmadcha ou autres, la musique des Jilala est usée à des fins thérapeutiques, soulignant que les gens qui se sentent psychiquement malades, organisent des veillées agrémentées de musique genre Jilala pour chasser les mauvais esprits.

La radio n'a pas manqué d'évoquer le programme alléchant du 11e festival de Fès (3-11 juin 2005), qui verra, comme les précédentes éditions, la participation d'artistes célèbres tels Ravi Shankar et Anouchka Shankar, Kadem Saher, et des groupes liturgiques du Zanzibar, Ouzbékistan, Tadjikistan, Inde, Japon, France et Espagne.

Des séminaires sous l'intitulé général «une âme pour la mondialisation» sont également prévus pour débattre de divers thèmes tels que «Occident, Islam et démocratie», «Conflits culturels, médias et médiation», «L'éducation à la diversité», «Le Maroc et les cultures de la médiation», a encore précisé la radio.
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