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Réunion d'information à Paris : la résistance irakienne s'unit face à l'occupant

C'est dans un petit local dans le 11e arrondissement de Paris que se sont réunis les partisans de la résistance irakienne, mercredi soir, afin de faire le point sur la situation du pays, une réunion publique organisée par le Comité contre la guerre en Ira

27 Novembre 2004 À 17:04

Aouni Al Qalandji a une drôle de ressemblance avec Saddam Hussein. Pourtant, le rapport qui le lie avec l'ancien Président irakien déchu s'arrête là. Al Qalandji était un opposant au régime de Saddam, même s'il a servi dans l'armée irakienne. Membre de l'Alliance patriotique irakienne, il est venu avec Samira Raji raconter leur vérité au monde entier qui continue de croire que la résistance irakienne se limite à des «poches de résistance terroristes», tels qu'aiment à les surnommer les Américains.

«Le complot contre l'Irak ne date pas de l'année dernière, cela fait plus de vingt ans qu'il est en gestation dans la tête des Américains. En 1991, ils avaient alors réussi à détruire les infrastructures irakiennes mais pas l'Etat et encore moins la société. L'embargo avait alors continué le travail. Avec les deux millions de morts qu'il a causé, l'embargo était pire que la guerre des chars et des avions. Mais si l'Irak a perdu militairement en 2003, sachez que la résistance continue», déclare Aouni Al Qalandji.

Si la résistance irakienne a aujourd'hui plusieurs porte-parole à l'étranger, elle ne fait que se renforcer de ces nombreux acteurs qui ont mis de côté leurs différends afin de défendre leur pays contre l'occupant. En réprimant, depuis plus de 17 jours, les combattants de Falloujah, les Américains veulent museler la résistance irakienne qui dit encore «non» à leur présence et qui semble refuser de mettre la main dans celle du gouvernement qui a été mis en place par l'occupant.

«Nous avons été contre le régime de Saddam pendant plus de 35 ans, mais depuis l'occupation de l'Irak par les Etats-Unis, nous prônons l'unité nationale pour sauver notre pays. C'est ce que nous avons proposé à Saddam Hussein à la veille de la chute de Bagdad, mais il a refusé notre offre à l'époque», explique cet ancien général irakien.

Quand les Américains préparaient la guerre, les Irakiens étaient, semble-t-il, en train de préparer la résistance, ce qui explique, selon Al Qalandji, le bourbier dans lequel les Américains ne cessent de s'enfoncer en Irak.

" Ils ont essayé de nous contrôler avec un administrateur militaire (Jay Garner NDLR), qui a ensuite passé la main à un administrateur civil (Paul Bremer NDLR), avant de nous imposer l'actuel gouvernement qui nous fait penser à celui de Vichy ici en France sous l'occupation allemande ", le ton est serein mais le propos est acéré.

L'armée de la coalition a tenté de baptiser tellement de fois, qu'elle s'est emmêlé les pinceaux dans les différents visages qu'elle lui a donné. Ne se rendant peut-être pas compte qu'elle prouvait ainsi son incapacité à faire face à une réelle révolte du peuple venue de toute part. " Ils ont tantôt parlé d'anciens agents de Saddam qui veulent venger leur chef. Ensuite, on a parlé de combattants étrangers venus semer la terreur. Ensuite, ils ont voulu mettre en avant le triangle sunnite. Ce qu'ils n'ont pas dit, c'est que la résistance irakienne est celle de tout un peuple. Elle n'est pas le fait d'un parti, d'un courant religieux ou d'une ville, c'est le plus honorable mouvement national qu'il nous ait été donné de mener ", tranche Aouni Al Qalandji.

Pourtant, la question des décapitations effectuées au nom de la résistance irakienne se pose avec acuité. Des actes barbares qu'aucun esprit pacifiste en Occident ou ailleurs ne saurait tolérer. Au parterre multilangues présent, Al Qalandji répond que " l'assassinat de civils n'a jamais été l'œuvre de la résistance irakienne. Les services secrets israéliens au nord du pays, ou encore iraniens, ainsi que des groupuscules mafieux américains sont derrière ces actes ".

Selon ces témoignages, la résistance irakienne serait unie sur le terrain, avec un seul et même but, celui de chasser l'occupant. Ce même but qui fait de Falloujah et de ses enfants les victimes d'une répression armée que le peuple irakien veut contrer. " Cela fait plus de 17 jours que Falloujah résiste.

Cette petite bourgade, sans montagnes ni barricades qui compte 300 000 habitants c'est le prix à payer pour stopper l'impérialisme américain, et nous sommes fiers de remplir cette mission pour le monde entier. L'Histoire a démontré que toutes les résistances finissent par l'emporter contre les forces de l'occupation ". " Sauf dans le cas de la Palestine ", glisse une membre du public. Face aux paroles engagées et passionnées de ce premier intervenant, le discours de Samira Raji semblait plus calme mais non moins tranchant.

" La résistance est là pour défendre l'Irak, mais qu'en est-il de la position et du rôle des autres pays face à l'occupation de notre pays ? ". Le public devient encore plus attentif au récit de cette dame qui garde le sourire aux lèvres, tout en se livrant à une analyse géopolitique pointilleuse.

" Pour être correcte, je vais commencer par le monde arabe. Depuis la guerre entre notre pays et l'Iran, je trouve que les pays arabes n'ont fait que mettre en œuvre des politiques qui leur ont été imposées. Henry Kissinger disait que personne ne souhaitait la fin du conflit entre ces deux puissances arabes car on voudrait les avoir toutes deux à genoux. Plusieurs pays arabes ont servi de pont aux Etats-Unis pour venir décapiter l'Irak. Mais nous ne sommes pas là pour faire leur procès, car nous savons que les peuples arabes sont avec le peuple irakien.

Du côté du monde occidental, plus précisément l'Europe et la France à sa tête, nous n'arrivons pas encore à percevoir la nuance de sa position. Celle-ci reste très intrigante à nos yeux. Certes, la France a refusé publiquement la guerre en Irak, mais nous avons l'impression aujourd'hui qu'elle l'accepte de facto ". Quelques murmures dans la salle, mais néanmoins des applaudissements. Difficile de distinguer qui soutient et qui reste sceptique dans le public mais tous restent attentifs à la suite de la déclaration de Mme Raji.

" Les Européens doivent penser à ce qu'ils vont gagner quand les Etats-Unis auront mis la main sur toutes les richesses de l'Irak. Nous sommes à l'aube de deux décennies décisives dans le domaine de l'énergie. Les puits de la mer du Nord vont arriver à la production zéro en 2020, selon les experts, ce qui explique l'acharnement de Tony Blair à soutenir la politique américaine en Irak.

Mais que gagnera la France et l'Europe avec son attitude timide face à ce qui se passe en ce moment ? ". Seule la traduction arabe-français donne de temps en temps à Samira Raji l'occasion de regarder son public dans les yeux, comme pour le convaincre davantage de la véracité de son propos. Effort inutile, car les présents semblent acquis d'avance à la cause scientifiquement défendue par cette femme irakienne. Pour eux, le silence et le suivisme européen ne peut découler que de deux origines, un accord tacite avec ce qui se passe en Irak aujourd'hui ou alors une faiblesse de l'Europe à faire face aux Etats-Unis.

Pourtant, on a du mal à déceler si ce n'est qu'un brin de reproche direct aux Français. Mme Raji s'appuie même sur les propos de l'ancien ministre des Affaires étrangères français, Hubert Védrine, pour tenter de comprendre l'attitude européenne. Celui-ci avait déclaré que les Européens ne pourront mettre en péril leur intérêts pour défendre un autre pays face aux Etats-Unis si ceux-là se bornaient à ne vouloir écouter que leur propre voix.

Cette résistance irakienne est venue dénoncer avec ses propres termes l'hégémonie américaine qui continue de ravager son pays. Mais elle veut par la même occasion tenter de faire bouger les régimes occidentaux pour leur rappeler qu'ils ont tout intérêt à venir en aide au peuple irakien, cela non pas en serrant la main du gouvernement américain, mais plutôt en ouvrant des canaux officiels à la résistance du peuple occupé.
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