L'humain au centre de l'action future

Romance musicale : Dirty Dancing 2. Havana Nights de Guy Ferland : l'Amérique puritaine sous perfusion cubaine

Plus de quinze ans après le premier Dirty Dancing, Guy Ferland reprend le principe de cette romance musicale en déplaçant l'histoire à La Havane. A l'aube de la révolution cubaine, une demoiselle de la haute société américaine découvre les rythmes afro-cu

15 Juin 2004 À 16:58

Dirty Dancing avait fait son petit effet en 1987 : le film combinait une romance pour adolescente fleur bleue avec des rythmes latinos endiablés. De quoi remporter l'Oscar de la meilleur musique et inscrire durablement les pas du mambo dans les jeunes esprits de l'époque. L'histoire se déroulait dans les années soixante aux Etats-Unis. Une jeune intello (Jennifer Grey) passait des vacances monotones avec sa sœur et ses parents dans un village vacances. Lasse des animations ringardes qui lui était proposées, elle s'initiait à danse latino, la " dirty dancing ”, avec un professionnel en blouson noir (Patrick Swayze).

Celui-ci subissait l'opprobre des parents furieux de voir leur jeune fille de bonne famille se compromettre avec un " voyou ”. Mais la demoiselle délurée ne l'entendait pas de cette façon. En s'affichant avec son danseur, elle faisait acte de rébellion douce et évacuait la lutte des classes et des générations pour suggérer une légère évolution des mentalités. En démodant les danses de salons dans un Club Med pour classes moyennes guindées, le mambo devenait le symbole de l'influence latine s'exerçant sur une Amérique invitée à se moderniser.

Plus de quinze ans plus tard, Dirty Dancing 2 reprend les même ingrédients socio-culturels en y ajoutant une petite touche politique. En 1968, Katey, jeune américaine de dix-huit ans, débarque à Cuba où son père a été muté.

La Havane est en pleine effervescence : la révolution menée par Fidel Castro contre Battista se prépare. Pendant ce temps, les Américains de la haute profitent de leurs derniers instants de privilèges sur l'île dans des hôtels luxueux bien à l'écart de la population locale. Très " première de la classe ”, Katey supporte assez mal l'esprit colonialiste des jeunes gens de son milieu et reste plongée dans ses livres.

Jusqu'à ce qu'elle découvre, sur une petite place de La Havane, la vraie musique cubaine et la danse qui va avec. Javier, un serveur de l'hôtel, lui en apprend les rudiments et ils s'inscrivent ensemble au grand concours de danse de fin d'année. Mais l'idylle de la jolie yankee blonde aux yeux bleus avec son ami cubain fils de révolutionnaire va être compromis par les événements qui secouent l'île.

Rythmes fous et sensuels

Dirty dancing 2, Havana Nights est tirée des souvenirs de la chorégraphe Joann Jansen qui a découvert la culture, la musique et les danses latines à 15 ans, quand sa famille s'est installée à Cuba. L'arrière plan politico-culturel du film est plutôt crédible : on imagine assez bien les américains chassés de Cuba ramenant dans leurs bagages les rumbas et bossas appris sur l'île.

Et il y a toujours dans cette " dirty dancing ”, cette fois danse des anciens esclaves noirs, mélange de rythmes fous et de mouvements sensuels, un message de libération adressés aux sociétés rétrogrades confites dans leur fox trot des années quarante et leurs règles de convenance rigides. Mais ce petit effort du film sur le fond est régulièrement anéanti par ses ambitions hollywoodiennes : la révolte de la riche américaine découvrant la réalité cubaine est réduite à une vague crise d'adolescence que des parents, anciens danseurs mais piètres humanistes, gèrent comme un caprice passager.

La révolution a beau gronder, on ne verra la Havane qu'en plans larges lumineux et chatôyants comme sur une pochette d'album du Buena Vista Social Club, avec tout un décorum ultra léché rappelant les modes américaines des années soixante : robes, coiffures et grosses berlines noires à l'appui. Sans résister aux clichés du genre, le scénario se laisser happer par des pièges de série télévisée. Et un certain nombre de face à face : dispute maman-fifille ou fifille se baignant avec son amoureux dans les vagues, sont à pouffer de rire tant ils sacrifient aux ridicules stéréotypés.

C'est à se demander d'ailleurs comment Diego Luna (Y tu mama tambien, Frida, Open Range) et sa partenaire Romola Garai parviennent à rester si frais et si charmants. Il faut dire que le moindre pas de danse stoppe immédiatement tout ricanement pour laisser place à l'enthousiasme. Et Patrick Swayze, le danseur de Dirty dancing 1, fait une longue apparition clin d'œil dans le rôle du professeur de danse de l'hôtel. Prouvant, au passage, qu'il n'a pas pris une ride ni un kilo (ou presque) depuis 1987, et qu'il sait toujours danser le mambo.

C'est peut-être ce qui fait que la recette Dirty Dancing fonctionne encore : cette romance qui plaira d'abord aux midinettes est surtout une comédie musicale où les chorégraphies et la bande originale sont assez fabuleuses pour servir de raison d'être au film.

Dirty Dancing 2, film américain de Guy Ferland avec Diego Luna, Romola Garai, Sela Ward, John Slattery, Mika Boorem.
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