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«Safi et les odyssées de Thor Heyrdahl» de Aïcha Amara : quand l'histoire rattrape la légende

08 Juillet 2004 À 16:26

Le titre est très explicite en soi :il s'agit bien du récit des fabuleuses expéditions exploratoires du grand savant norvégien Thor Heyrdahl entre 1947 et 1970 qui ont permis de mettre au jour bien des réalités historico-anthropologiques et de ramener à leur juste dimension nombre de préjugés et d'idées reçues sur l'origine de certaines civilisations et cultures anciennes.

«Safi et les odyssées de Thor Heyrdahl» se veut donc, «une description des aventures concrètes où la mémoire du passé ne ecsse de nous interpeller.

Ce récit, entre vents et marées, se veut un chant d'amour pour tous ceux qui , sans préjugés, aiment l'histoire des peuples, la grande histoire (aventure, dirions-nous) de l'humanité». Un récit et une description auxquels la poétesse, écrivaine et femme de lettres qu'est Aïcha Amara apporte, cependant , une touche personnelle pleine d'amour, de sensibilité et de grâce qui vous subjuguent dès les premières lignes et vous attachent à l'ouvrage comme à un être cher ou à un objet extrêmement rare et précieux.

Mais contrairement, à ce que l'intitulé suggère, de prime abord, Aïcha Amara ne raconte pas seulement dans ce livre la rencontre de l'explorateur norvégien avec la ville de Safi et le maroc, le «coup de foudre» de T. Heyrdahl pour ce pays et ses habitants … C'est beaucoup plus : un hymne à la mer et une sorte d'anthologie «de la navigation primitive, du savoir des hommes de l'antiquité , leur mobilité, leurs richesses, leurs légendres et symboles. L'auteur en profite, au passage, pour nous restituer les principales étapes de la vie de ce géant de la navigation primitive, quelques pages d'histoire de civilisations aujourd'hui disparues et nous renseigner sur leurs cultures et leur mode de diffusion… Malgré les distances proprement abyssales qui les séparaient alors, la précarité des moyens de communication, et l'extrême fragilité des matériaux à leur disposition , comparés aux dangers et aux défis de l'époque.

Ce sont autant d'odyssées donc, d'aventures et de légendes – à commencer par cette «métamorphose» pour ainsi dire du héros du livre qui a pu surmonter sa phobie de la mer pour devenir l'un des plus grands navigateurs de de tous les temps - qu'A. Amara nous livre dans un style et avec une aisance et une grâce dignes d'un beau conte des «mille et une nuits».

Mais qu'est-ce qui a pris le jeune T. Heyrdahl, fils d'une famille aisée et rangée et brillant étudiant promis à une carrière de savant sans problèmes pour entreprendre une telle aventure, affronter tant de dangers et dépenser une fortune et une somme aussi colossale d'énergie ? Lui-même l'explique lors d'une conférence à Safi à la veille de sa première expédition Râ I en 1969 qui devrait la mener de cette ville aux abords de la partie Nord-Est de l'Amérique du Sud à bord d'une embarcation en papyrus semblable à celles en usage du temps des pharaons. Soit entre trois et quatre mille ans plutôt. Ecoutons-le !

«… Mon expérience est destinée à servir la science et à établir si, oui, ou non, il a été possible de traverser l'Atlantique, d'Afrique , en Amérique, sur un bateau de papyrus. L'hypothèse qui veut que les anciennes civilisations méditerranéennes aient apporté au Mexique certaines idées, certains concepts, sème la discorde dans les milieux scientifiques. Personnellement, je ne désire pas prendre position avant d'avoir déterminé le deré de difficulté et de facilité qu'offre une traversée de l'Atlantique à bord d'un bateau en papyrus. Si la chose se révèle réalisable, la controverse scientifique rebondira et redeviendra d'actualité…» Et de fait, la «chose» s'est bel et bien réalisée et deux fois plutôt qu'une.

En 1969 puis l'année suivante. De là à conclure que les origines lointaines des civilisations occidentales (américaines en particulier) se trouvent en Orient… «En pourtant, elle tourne !» lança Galilée avat que l'inquisition ne le livre au bûcher, à propos de la terre et de sa rotation autour du soleil. T. Heyrdahl n'a pas eu à comparaitre devant des prêtres obtus et n'a pas eu à subir de supplice aussi cruel, mais sa théorie sur la migration des hommes et le brassage des cultures de la haute antiquité, n'en est pas moins «révolutionnaire» et n'en bouleverse pas moins une bonne partie pour ne pas dire toute l'histoire de l'humanité.

Safi et les odyssées de Aïcha Amara, Ed. Marsam 230 p.
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