Science-fiction - I, Robot de Alex Proyas : quand les machines prennent le pouvoir
Réalisateur de The Crow et Dark City, Alex Proyas s'est inspiré, pour son nouveau film, d'une nouvelle de l'auteur de science-fiction américain Isaac Asimov. Soit I, Robot, un film à grand spectacle traversé par des questionnements cyber-philosophiques et
Après les extraterrestres de Men in Black, l'acteur américain Will Smith s'attaque aux robots. Del Spooner, son personnage dans I, Robot le dernier film de Alex Proyas, est un détective paranoïaque qu'un traumatisme ancien a rendu allergique à la gente robotique. Il en tire un sixième sens irrité particulièrement attentif aux agissements des machines. Ce qui l'amène à soupçonner un robot défaillant d'avoir « aidé » un grand inventeur à se jeter par la fenêtre. Cet assassinat maquillé en suicide sert la névrose du détective mais dessert sa crédibilité professionnelle.
Car, en cet an de grâce 2035, la société entière est convaincue de l'infaillibilité de ses androïdes. Omniprésents du paysage public à la sphère privée, les robots dernière génération, alliage d'esclave fiable et d'appareil électroménager, ont été entièrement conçus pour assister l'homme. En outre, ils sont conditionnés par trois règles d'or : un robot n'a pas le droit de nuire à un humain, ni de laisser sans assistance un humain en danger. Un robot doit obéir aux ordres des humains, sauf lorsque ces ordres sont incompatibles avec la première Loi. Enfin, un robot doit protéger sa propre existence tant que cette protection n'est pas incompatible avec une des deux premières Lois.
Déduire de ces lois de la Robotique - des substituts aux lois de la République ?-, l'impossible implication d'un robot dans un crime. N'écoutant que son instinct sur le mode : l'homme est faillible, pourquoi la machine qu'il a construite ne le serait pas ?, le détective, solitaire comme il se doit, se lance sur les traces de son potentiel fuyard de métal.
L'humain sorcier pris aux pièges du démon technologique, la machine copiant les facultés émotionnelles et intellectuelles de son créateur, le vent de la révolte réveillé par l'ombre du totalitarisme : I, robot brasse des questionnements cyber-philosophiques inspirés de la nouvelle éponyme (1950) de Isaac Asimov, auteur de science-fiction américain d'origine russe. Il y a donc bien un sous-texte auteuriste dans ce film grosse machine qui parvient, vaille que vaille, à greffer les deux tendances, des séquences d'action bondissantes succédant à quelques moments de poésie. Mais le message d'Asimov est vicié, dès le départ, par un déploiement d'offensives marketing.
Film hybride
ou parodie ?
La scène d'ouverture l'illustre de façon effrayante en enchaînant, en moins de dix minutes, trois réclames vantant la chaîne hi-fi, la voiture et la paire de baskets du héros. La publicité sur cette dernière étant même filée pendant toute la durée du film en un déplorable running gag commercial. Déception notable quand The Crow et Dark City, deux précédents films de Alex Proyas, tentaient d'affirmer un imaginaire singulier en aiguisant atmosphères angoissantes et graphisme ténébreux.
Les vagues clins d'œil à la science-fiction traditionnelle (2001, l'odyssée de l'espace de Stanley Kubrick) ou plus récemment au film d'animation du japonais Rintaro, Metropolis, sont vite recouverts par des scènes d'explications laborieuses propres aux blockbusters. Will Smith tente de tirer son épingle de cet objet hybride, dont il est aussi producteur exécutif, en essayant d'être drôle sans recourir à ses outils comiques habituels.
Il en tire un humour grinçant plutôt salvateur, car cette ironie inattendue instille un doute : et si tout cela n'était que parodie ? « Pour protéger l'humanité, des hommes doivent être sacrifiés » : certaines phrases du film pourraient, dès lors, faire écho à l'actualité américaine en mettre en cause, par exemple, la propagande du gouvernement de George W. Bush. Passage trop discret vers une relecture plus espiègle.