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Semaine russe à Londres : les nouveaux riches rachètent à prix fort l'art slave parti à l'Ouest

Nouveaux riches et marchands d'art de Russie ont montré leur pouvoir d'achat illimité et leur désir de reprendre possession de leur patrimoine lors d'une série de ventes exceptionnelles de tableaux et objets d'art russes cette semaine à Londres, qui ont a

06 Décembre 2004 À 17:27

Ouverte mardi dernier avec des enchères chez MacDougall's et Christie's, suivies de ventes chez Sotheby's, la «semaine russe» à Londres s'est s'achevée vendredi avec une vente de vins de Crimée qui ont appartenu jadis aux Tsars. Réceptions, vernissages et razzias dans les boutiques de luxe ont rythmé la semaine.

Dans les couloirs de Sotheby's, située dans l'artère du luxe de New Bond Street, tout le monde parle russe. Des tableaux de peintres russes de toutes époques sont accrochés aux murs tapissés de rouge de la salle des ventes. Des beautés slaves longilignes aux longs cheveux blonds, en manteaux de fourrure, notent avec leur stylo Montblanc les enchères des pièces d'argenterie, émaux et porcelaines.

Leurs maris, jeunes et trapus, en col roulé et vestes de cuir, passent leurs ordres, le téléphone portable vissé à l'oreille. «J'ai acheté un tableau d'Ivan Aivazovski. Je le collectionne depuis vingt-cinq ans. Je vais partout pour l'acheter. Mais les Russes et les Arméniens adorent ce peintre et, comme ils font fortune partout dans le monde, les prix ont été multipliés par dix ces dernières années», explique un collectionneur de 49 ans venu spécialement de New York. Plusieurs tableaux de ce peintre spécialisé dans les marines se sont classés dans les dix meilleures ventes de Sotheby's comme de Christie's.

L'un d'eux, «St Isaac on a frosty day» s'est adjugé à 1,6 million d'euros, un record. «J'ai aussi acheté un service de Fabergé (joaillier fournisseur des familles royales). Ce n'était pas prévu, mais il a plu à ma femme», explique le même collectionneur, dont les arrière-arrières grands-parents ont quitté l'Arménie en 1915, pour échapper aux massacres. Comme la plupart des acheteurs, il tient à son anonymat.

L'envolée récente des prix a encouragé Christie's à se développer sur le marché de l'art russe, jusqu'ici dominé par Sotheby's. Une nouvelle maison spécialisée, MacDougall's, a organisé sa première vente, espérant profiter de l'essor du marché à Londres.

«Les émigrants russes après la révolution de 1917 parlaient français et se sont installés en France. Aujourd'hui les Russes parlent anglais et viennent en Grande-Bretagne faire leur shopping et y faire éduquer leurs enfants dans les pensionnats privés anglais», explique William MacDougall. «Ils sont venus pour acheter de quoi décorer leurs maisons à Moscou, à Londres ou dans le sud de la France», explique cet ancien gestionnaire de fonds de la City, qui a ouvert sa maison de vente avec sa femme russe, Catherine.

Londres est un refuge prisé des «oligarques», milliardaires récents à la réputation sulfureuse, à l'instar du magnat du pétrole Roman Abramovitch ou de Boris Berezovski, recherché par Moscou, qui a obtenu l'asile politique en Grande-Bretagne. «Les nouveaux riches ont des moyens illimités et des connaissances en art limitées, ils achètent au plus cher pour impressionner leurs amis.

Lors des enchères les plus élevées, il y avait des applaudissements dans la salle», explique à l'AFP le prince Nikita Lobanov-Rostovsky, dont la collection d'art russe est très renommée. Beaucoup des oeuvres en vente étaient parties en Occident lorsque l'aristocratie russe a émigré après la révolution de 1917. «Ils redécouvrent leur patrimoine et ont maintenant l'argent pour le racheter. Les Russes aiment l'art et sont passionnés par leur propre Histoire. Maintenant qu'ils ont de l'argent, vous voyez le résultat», explique de son côté Michael Bing, qui menait les enchères chez Sotheby's.
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