Sommet arabe : la tâche s'annonce délicate pour la Tunisie
La tâche s'annonce délicate pour la Tunisie qui doit réorganiser samedi un sommet arabe très attendu après celui qu'elle avait reporté in extremis fin mars, arguant alors de désaccords internes sur des réformes libérales dans le monde arabe. Face aux crit
D'autant, note-il sous couvert d'anonymat, que ce sommet était devenu «incontournable vu le chaos en Irak et la condition des Palestiniens, mais en particulier par le besoin d'un consensus arabe sur les réformes», en prélude au sommet du G8 en juin (Etats-Unis, Allemagne, Canada, France, Grande-Bretagne, Italie, Japon, Russie)
«Tous les regards sont tournés vers le sommet de Tunis», qui doit marquer «le passage d'un état d'inefficacité à celui de l'efficacité», notait récemment Saoud Al-Fayçal, ministre saoudien des Affaires étrangères qui représentera son pays au sommet.
Petit pays du Maghreb allié à l'Europe et entretenant de bons rapports avec ses voisins arabes, la Tunisie n'a pas ménagé ses efforts pour organiser à nouveau le sommet arabe, mettant en sourdine l'embarras et le doute semés par la presse arabe sur ses chances de réussir.
Le sommet aura lieu les 22 et 23 mai et Tunis assurera la logistique nécessaire quels que soient la participation et le niveau de représentation, affirme-t-on dans les milieux informés à Tunis.
Le sommet donnera lieu à de brèves séances d'ouverture et de clôture à 24 heures d'intervalle avec un temps de transmission direct limité, les travaux se déroulant à huis-clos.
Ces dispositions semblent destinées à contrôler la réunion et limiter le risque de déballage au grand jour des divergences et contradictions arabes.
La Tunisie s'était déjà montrée réticente à accueillir le rendez-vous raté de mars de crainte que le sommet ne tourne à l'échange d'invectives comme ce fut le cas entre le prince Abdallah d'Arabie saoudite et le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi au dernier sommet arabe de Charm El-Cheikh.
L'absence annoncée ou éventuelle d'un certain nombre de dirigeants risque cependant de compliquer la tâche du pays hôte, Tunis aspirant à faire aboutir "un engagement arabe ferme" en faveur des réformes politiques et socio-économiques, en plus de la restructuration rapide des mécanismes de l'action arabe commune.
Or, un niveau réduit de la représentation arabe pèsera sur les enjeux du sommet, en particulier l'approbation d'un document traduisant une conception collective des réformes en prélude du G8, durant lequel Washington doit présenter son projet de soutien aux réformes au Proche-Orient.
Signe d'irritation, le président égyptien Hosni Moubarak avertissait mercredi que si le niveau de la représentation au sommet devait baisser «ce ne sera plus un sommet, mais du bavardage».
Mais déjà, le président hôte du sommet, Zine El Abidine Ben Ali, doit se résoudre à prendre le relais de la présidence annuelle de la Ligue des mains d'un représentant du gouvernement du Bahrein, le roi de ce pays président actuel de la Ligue ne faisant pas le voyage à Tunis.
Ce désistement et d'autres ajouteront à l'embarras de la Tunisie prise entre l'obligation de tenir le sommet arabe et son rejet d'un sommet «au rabais» préjudiciable pour son image et celle des Arabes.
Le sommet du 22 mai a été soigneusement balisé par les ministres des Affaires étrangères le 11 mai au Caire, alors que la Tunisie recevait l'appui du secrétaire d'Etat adjoint américain William Burns en tournée au Maghreb durant laquelle il a assuré que son pays n'entendait pas imposer des réformes mais était prêt à appuyer les pays qui les engageraient par eux-mêmes.
Les Etats du Maghreb étaient aux côtés de la Tunisie en mars et le roi Mohamed VI du Maroc et le président algérien Abdelaziz Bouteflika sont entre autres annoncés au sommet ce week-end à Tunis.
Les Sommets arabes depuis 1964
Le sommet arabe qui doit se tenir à Tunis les 22 et 23 mai sera le 17ème sommet ordinaire depuis 1964, date à laquelle leur pratique a été institutionnalisée. En outre, neuf réunions extraordinaires ont eu lieu.
Prévu au départ fin mars, le sommet avait été reporté à la dernière minute à l'initiative de la Tunisie en raison de divergences profondes sur la question des réformes dans le monde arabe.
- Janvier 1964 au Caire: Convoqué à la suite du plan israélien de détournement des eaux du Jourdain, ce premier sommet reconnaît la nécessité de la création d'une entité palestinienne.
- Septembre 1964 à Alexandrie: Reconnaissance de l'Organisation de Libération de la Palestine (OLP).
- 1965 à Casablanca: Signature d'un pacte de solidarité et de coexistence pacifique entre régimes arabes.
- 1967 à Khartoum: à la suite de la défaite arabe dans la «Guerre des six jours», ce sommet reste célèbre pour ses trois «non»: à la négociation, à la réconciliation et à la reconnaissance d'Israël.
- 1969 à Rabat: Eclatement de la solidarité arabe en raison du refus d'accorder un blanc seing au président Jamal Abdel Nasser pour organiser la défense arabe contre Israël.
- 1970 sommet extraordinaire au Caire: En pleine crise jordano-palestinienne («septembre noir»), il approuve la création d'un comité quadripartite de l'organisation pour mettre un terme au différend.
- 1973 à Alger: Après la «guerre du Kippour», les pays arabes définissent pour la première fois des conditions de paix: retrait d'Israël de tous les territoires occupés et poursuite de l'embargo pétrolier.
- 1974 à Rabat: Déclare l'OLP «unique et légitime» représentant du peuple palestinien et affirme le droit des Palestiniens d'établir «un pouvoir national sur tout le territoire libéré».
- Octobre 1976, sommet extraordinaire à Ryad: Consacré à la crise libanaise, il prévoit un cessez-le-feu et l'envoi d'une Force arabe de dissuasion (FAD) à majorité syrienne.
- Octobre 1976 au Caire: Entérine les décisions du sommet de Ryad.
- 1978 à Bagdad: En l'absence de l'Egypte qui a amorcé un processus de paix avec Israël, le sommet rejette les accords de Camp David.
- 1979 à Tunis: Se réunit au nouveau siège de la Ligue Arabe après l'expulsion de l'Egypte.
- 1980 à Amman: Décide le soutien à l'Irak dans sa guerre contre l'Iran. Absence des Palestiniens qui le boycottent, ainsi que la Syrie, l'Algérie et le Liban.
- 1981-1982 à Fès: Réuni à deux reprises (nov 1981 et sept 1982) en raison des divergences, ce sommet adopte un plan de paix arabe reconnaissant implicitement le droit d'Israël à l'existence, à l'interieur de frontières sûres et reconnues.
- 1985, sommet extraordinaire à Casablanca: Condamne pour la première fois le terrorisme «sous tous ses aspects».
- 1987, sommet extraordinaire à Amman: Consacré à la guerre Irak-Iran, il condamne Téhéran pour «son obstination à poursuivre la guerre» et exprime son soutien à Bagdad.
- 1988, sommet extraordinaire à Alger: Réclame une «Conférence internationale sur le Proche-Orient» avec la participation de l'OLP et réaffirme le droit des Palestiniens à un Etat.
- 1989, sommet extraordinaire à Casablanca: Marqué par la réintégration de l'Egypte, il créé un conseil chargé de faire appliquer le cessez-le-feu au Liban.
- Mai 1990 à Bagdad: Réaffirme la solidarité arabe, fustige la politique américaine de soutien à Israël et s'élève contre l'installation d'immigrés juifs dans les territoires occupés.
- Août 1990, sommet extraordinaire au Caire: Consacre la division du monde arabe. 12 pays sur les 21 membres exigent le retrait irakien du Koweit. Acceptation du déploiement des forces arabes en Arabie saoudite et dans les états du Golfe.
- 1996, sommet extraordinaire au Caire: Axé sur le sort du processus de paix après l'arrivée de la droite en Israël.
- 2000, sommet extraordinaire au Caire: Décide de la mise en place de deux fonds (soutien à l'Intifada, préservation de la Mosquée al-Aqsa à Jérusalem).
- 2001 à Amman: Premier sommet ordinaire depuis 10 ans, il traite de la question palestinienne et du processus de paix. Ne réussit pas à renouer les relations Irak-Koweit.
- 2002 à Beyrouth: Adopte une initiative saoudienne offrant à Israël la paix et la sécurité en échange de son retrait des territoires occupés. Rapprochement spectaculaire Irak-Koweit.
- 2003 à Charm El-Cheïkh (Egypte): Adopte une position unifiée, en rejetant à l'unanimité une attaque américaine contre l'Irak.