L'humain au centre de l'action future

Souleymane Cissé au secours du cinéma africain

10 Avril 2004 À 18:39

Le cinéaste malien Souleymane Cissé qui veut secourir le cinéma africain, a entamé cette semaine une tournée dans plusieurs pays d'Afrique de l'ouest pour y installer des bureaux, véritables structures d'appui au septième art.
«Le cinéma africain est terriblement +grippé+», a déclaré à l'AFP lors de son passage à Dakar Souleymane Cissé, 64 ans.

Cissé, auteur notamment des longs métrages «Finyè» («Le vent») et «Yeelen» («La lumière»), a commencé son périple par le Niger. Après le Sénégal, il se rendra en Guinée, au Bénin, au Togo, au Ghana et au Nigeria pour installer des «bureaux nationaux» de l'Union des créateurs et entrepreneurs du cinéma et de l'audiovisuel en Afrique de l'ouest (Ucecao), ayant son «bureau central» à Bamako.

«Nous avons besoin que le cinéma et l'audiovisuel deviennent des facteurs de développement. Il n'y a pas mille manières, pas de miracle. Nous devons nous donner la main», affirme le réalisateur, ensemble traditionnel fuchsia, devant des professionnels de ces secteurs et des journalistes.
«La vision (des) métiers doit changer. Il faut que nous soyons des créateurs entrepreneurs», ajoute-t-il.

Souleymane Cissé qui porte toujours des lunettes rondes, affirme en plaisantant qu'il n'a cependant rien perdu de son énergie et du «ton guerrier» de sa jeunesse. Ses cheveux et sa moustache, auparavant abondants, ont laissé la place à une barbe blanche de deux ou trois jours.

Né le 21 avril 1940 à Bamako, il a parcouru un long chemin depuis qu'il a découvert le cinéma à l'âge de 5 ans, selon deux documentaires réalisés sur lui par le Cambodgien Rithy Pahn (1991) et le Français Philippe Fréling (2000).
Enfant, il est fasciné par «la vigueur d'un art permettant la découverte et le voyage», affirme Fréling. Jeune, il est marqué par les violentes images de l'arrestation de Patrice Lumumba, premier chef de gouvernement du Congo indépendant assassiné en 1961. C'est le déclic: Souleymane Cissé décide alors à «faire des films», assure Pahn.

Il est allé à l'institut de cinéma VGIK de Moscou, où ont été formés le Sénégalais Ousmane Sembène («Le mandat») et le Mauritanien Abderrahmane Sissako, entre autres cinéastes de renom. Il y a fait sa première réalisation, «L'homme et les idoles» (1965). Entre cette oeuvre et son dernier film sorti, «Waati» («Le temps», 1995), Souleymane Cissé a vieilli de trente ans, connu diverses situations et exercé différents métiers du cinéma.

«Den muso» («La jeune fille»), tourné en 1975, l'envoie en prison. Il met quatre ans à faire «Yeelen» et sept ans à terminer «Waati». Il est alors récompensé lors de manifestations africaines et internationales. Grand prix du Festival panafricain du cinéma de Ouagadougou (Burkina Faso) en 1979 pour «Baara» («Le travail») et en 1983 pour «Yeelen», il reçoit aussi en 1987 le prix du jury au Festival de Cannes (France).

Ses oeuvres, comme celles de beaucoup de ses collègues du continent, ne sont peu vues par le public africain, faute de salles notamment, regrette Cissé, ex-projectionniste devenu scénariste, réalisateur, producteur et exploitant.
C'est face à ce «constat» qu'il a créé l'Ucecao en 1997 avec d'autres Ouest-Africains, «pour que désormais nous puissions vivre de notre travail et (en) faire vivre d'autres personnes», dit-il.

Au sein de cette organisation sont regroupés des professionnels du cinéma et de l'audiovisuel des seize pays de l'Afrique de l'ouest.
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