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Trois expositions au musée Batha de Fès : Reflet d'une cohabitation humaine plurielle

Le Musée Batha de Fès abrite dans le cadre du festival de Fès des musiques sacrées du monde trois grandes expositions qui illustrent de riches traditions sous les thèmes "l'art judéo-marocain", "des calligraphies du Tibet" et de "L'identité spirituelle ma

02 Juin 2004 À 15:42

Ces expositions, qui se poursuivront jusqu'au 19 juin, réunissent des «parures sacrées des synagogues du Maroc» prêtées à cette occasion par le musée du judaïsme marocain de Casablanca, de «la calligraphie tibetaine contemporaine» de l'artiste Jigmé Douche et des «assemblages», travaux récents de l'artiste-peintre marocain Hassan Slaoui.

Ces trois ensembles confinés chacun dans les ailes et galeries du musée Batha, ancienne résidence royale d'été construite par le sultan alaouite Hassan 1er (1873-1894), ont pour fondement de rapporter les repères d'une histoire passée, d'une histoire sociale et culturelle qui rappelle la diversité des cultures et des spiritualités, symbole cher au festival de Fès des musiques sacrées du Monde. Les expositions, qui sont en soi le reflet d'une cohabitation humaine plurielle, ont pour force commune la sobrieté de l'oeuvre d'art exhibée.

«Les parures sacrées des synagogues marocaines» qui datent du 18/19ème siècle ont pour objet central de montrer le culte juif. La première parure exhibée est «la torrah» écrite à la main avec un roseau sur du parchemin. Racontant l'histoire de chaque parure, en rapport avec l'artisan et l'origine de l'objet, M. Simon Lévy, Secrétaire général de la Fondation du patrimoine culturel judéo-marocain fait découvrir des rites du judaisme ainsi qu'une culture et un mode de vie, à travers des objets notamment «le costume de Sefer», «la paire de Tapputrim», «la lampe de Hannuccha», «l'épée de Tehdid», «Tallit» sorte de châle de prière porté dans les synagogues, «la chaise de circoncision».

Les rouleaux de la torrah, les sacs en velours de barmitsva, des lampes à huile et des pièces en argent et autant d'éléments décoratifs gravés et ciselés, sont le produit, a-t-il également souligné, des artisans des villes de Fès, de Tanger et Tétouan ainsi que d'Essaouira.

Ces parures, pièces maîtresses de la culture judéo-marocaine, font partie intégrante du patrimoine marocain et l'objectif de l'exposition, affirme M.Lévy, «est de faire connaître la culture marocaine dans toute sa diversité et de faire valoriser les religions». Les calligraphies du Tibet de Jigmé Douché, font diversion. Plus lègères, elles font connaître un art peu connu et en voie de disparition.
Ces calligraphies faites sur des toiles nomades en lin sont une fresque qui communique sur un espace naturel.

Mêlant à la fois la tradition et les approches contemporaines, Jigmé Douché qui est pourtant né en France, pratique l'art pictural du signe pour sauvegarder la mémoire d'un continent: l'Asie. Les toiles, dont les couleurs varient (bleu, beige, marron), contiennent chacune un thème précis, «thé et méditation», «traces de lumière», «le Jour du temps». Elles sont une allégorie de la splendeur de la Haute Asie: l'Inde, la Perse, le Turkestan et la Chine qui constitue pour l'artiste une source d'inspiration et un horizon pour l'exploration «d'un art d'éveil».
L'œuvre de Hassan Slaoui, faite de principaux supports en bois de hêtre rose, d'iroko, de noyer et de peuplier et, aussi de métal oxydé, fait un signe à l'identité marocaine.

Utilisant une technique mixte sur base d'argile, l'artiste, natif de Fès en 1946, a produit des tablettes en bois, celles qui rappelent l'école coranique, des manuscrits qu'on peut trouver dans des medersas et bibliothèques prestigieuses, des astrolabes des grandes mosquées.

L'exposition, un patrimoine pictural arabo-musulman vivant, est l'exemple d'une quête du sens initiatique et un référent qui conduit naturellement au code secret par le biais des signes des métaphores exhibées.

A Propos de l'œuvre de Hassan Slaoui
L’œuvre de Slaoui séduit l’œil physique par une sollicitation de l’oeil mental. Il y a là comme un mouvement d’aller-retour, un écho, amorçant dans une salle silencieuse une tentative de shake hands, plus souvent esquissé que réalisé, entre la main du spectateur et celle de l’artiste.

Car les mains, dans les lignes de leur histoire, répondent des gestes de leurs dix doigts, ceux-là même que Slaoui énumère: débiter, dégrossir, raboter, mortaiser, coller, galber, poncer...

…Inlassablement, l’oeuvre finale de Slaoui semble diffuser autour d’elle la voix ténue d’un devenir du passé, bien différent d’un avenir abstrait puisque partie anonyme d’un éternel retour chancelant, constitué de morceaux épars d’un présent estompé, de scissures dans le bois ou de crevasses, de peintures palimpsestes ou de rides dans le cèdre, destitués par la vie et reconstitués par l’artiste qui a su les retenir et les agglomérer.

L’encre smargh, le bois, le métal, l’argile, tous ces matériaux sont le thème de l’oeuvre depuis que Slaoui s’est mis à leur écoute pour s’en faire l’écho. Il en résulte cette capacité que naguère Jean François Schaal a perçue "du bois.., l’artiste ne retient rien sinon le bois lui- même."

Max Fullenbaum
Paris, Février 2000
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