Une étude marocaine publiée sur une revue médicale britannique : le jeûne et la prise de médicaments
Le jeûne peut rendre difficile la prise régulière de médicaments pour les patients musulmans, ont averti des experts marocains dans une revue médicale britannique.
AFP
15 Octobre 2004
À 16:53
Aucune nourriture, boisson ou médicament oral ne doit être absorbé du lever au coucher du soleil et, selon les saisons, ce jeûne peut durer de onze à dix-huit heures par jour, rappellent Nadia Aadil, professeur assistant à la Faculté de médecine et de pharmacie de Casablanca (Maroc) et deux de ses collègues.
Des personnes souffrant de maladies chroniques veulent souvent participer au jeûne bien qu'elles puissent s'en dispenser d'après les règles de l'Islam, ajoutent-ils. Mais le suivi du traitement s'avère compliqué, alors que rythme des repas et du sommeil sont perturbés.
Les patients ont tendance à "modifier arbitrairement les heures de prise de médicament, le nombre de doses, la durée entre les prises et même la quantité totale de médicaments durant le mois du Ramadan", selon Nadia Aadil et ses collègues.
Or, mal utiliser les médicaments prescrits "peut conduire à des échecs thérapeutiques", ont-ils prévenu, quelques jours avant le début du Ramadan, dans le British Medical Journal daté du 2 octobre.
Ainsi, rappellent-ils, sur 124 épileptiques, 27 ont eu des crises durant le mois du Ramadan, dont 20 patients n'ayant pris aucun médicament antiépileptique du lever au coucher du soleil, selon une étude publiée en 2001 à Téhéran.
Il ne suffit pas de poursuivre la prise de médicaments, il faut aussi les absorber au bon moment, insistent les trois experts. Le jeûne diurne n'entraîne aucun changement pour les patients n'ayant qu'un médicament à prendre le soir. Mais avaler le soir un comprimé, pris habituellement le matin ou dans la journée, peut présenter des risques, soulignent-ils, car l'efficacité et la toxicité de beaucoup de médicaments peuvent dépendre de l'heure à laquelle ils sont administrés, en fonction des rythmes biologiques.
La situation se complique lorsque plusieurs doses de médicaments doivent être prises quotidiennement à intervalles réguliers. Ainsi, nausées, douleurs abdominales peuvent être la rançon de changements d'heures de prise de théophylline, un médicament contre l'asthme.
Quant aux personnes souffrant d'arthrite, elles devraient, selon les auteurs, remplacer durant le Ramadan leurs anti-inflammatoires à prendre trois ou quatre fois par jour, comme l'ibuprofène, par une unique dose de piroxicam, efficace sur une longue durée.
Autre problème : les interactions entre aliments et médicaments peuvent favoriser ou, au contraire, retarder ou réduire la diffusion d'un médicament dans l'organisme. Certains médicaments doivent être pris à jeun. Les absorber avant le petit déjeuner peut s'avérer inapproprié durant le Ramadan, car l'estomac n'est pas toujours vide au réveil.
Pour d'autres, tout dépend du type d'aliments ou de boissons absorbés. Ainsi un régime pauvre en hydrates de carbone et à forte teneur en protéine accroît l'élimination de la théophylline, d'où une moins bonne prévention des crises d'asthme.
Le thé, le café, le jus d'orange augmentent l'acidité gastrique, ce qui peut entraver l'action de certains médicaments, comme les antihistaminiques, ou au contraire favoriser l'absorption d'autres.
De nouvelles études sont nécessaires pour pouvoir formuler des recommandations. En attendant, les médecins sont invités à définir pour leurs patients le traitement optimal à suivre.