Spécial Marche verte

Une interview exclusive de Hussein Fahmi : «la femme arabe a atteint un haut niveau de développement…»

Ses rôles ne se comptent plus sur les doigts de la main, sa notoriété et son professionnalisme ne sont plus à discuter. Hussein Fahmi a enchaîné les succès et les consécrations. Gentil, méchant, amoureux, calme, doux, rêveur…des rôles qui différent et qui

10 Mai 2004 À 15:40

Pouvons-nous résumer le parcours de Hussein Fahmi ?

J'ai étudié l'art cinématographique au Caire et après dans l'université de Californie. Je me suis dirigée par la suite vers le cinéma. J'ai reçu plusieurs consécrations et prix pour des films et feuilletons.
Mon parcours cinématographique est riche en productions.

J'ai enseigné les arts pendant 12 ans à l'institut de cinéma, j'étais professeur de réalisation et de production cinématographique. Aujourd'hui, je suis pour la sixième année consécutive ambassadeur de bonnes intentions auprès des Nations Unies et membre de la chambre de l'industrie cinématographique en Egypte pour la deuxième année pour un mandat de quatre ans.

Vous avez incarné tous les rôles possibles que ce soit au cinéma ou au petit écran, qui est Hussein Fahmi exactement ?

La réponse à cette question est très difficile. Je me rappelle qu'une fois l'actrice Souad Housni m'avait posé la même question lors du tournage du film " Khali Balak min zouzou " et j'étais dans la même position.
Mais je peux dire que je suis un artiste qui aime le cinéma et qui lui ai fidèle. J'ai aimé cet art depuis tout petit, j'avais dix ans lorsque j'ai décidé d'opter pour ce domaine. Le cinéma classique y ait pour beaucoup dans mon choix, Anouar Ouagdi, Leila Mourad. J'ai eu l'occasion et la chance de travailler avec de grands réalisateurs comme Salah Abou Seif ou Youssef Chahine et je crois que le fait d'avoir approcher de grands réalisateurs m'a permis de donner le meilleur de moi-même.

Y a t-il un rôle que vous avez incarné et qui vous a marqué ?

Je peux dire qu'il n'y a aucun travail auquel j'ai lié à mon personnage. Je considère qu'ils sont indépendants l'un de l'autre. Ceci étant, je ne me suis jamais permis de vivre dans le personnage plus longtemps que le tournage pour la simple raison que c'est moi qui l'ai créer. Donc j'essaye de mettre une sorte de frontière entre Hussein Fahmi dans le film et moi-même.
Par exemple quand j'incarne le rôle du méchant et si par hasard j'y crois il se peut qu'il ait de mauvaises conséquences sur ma famille et mon entourage. Il faut que je me dissocie de cette personne. La même chose pour la comédie.
Et si l'acteur arrive à faire la différence entre réalité, cinéma et utopie je crois qu'il saura mener une vie équilibrée.

Y a t-il un rôle proche de votre personnalité ?

Jamais, si je lis le scénario que je me rends compte qu'il y a des points en commun entre moi et le personnage je dis non. Je peux être moi-même lors d'une interview ou dans ma vie quotidienne mais lorsqu'il s'agit de travail c'est le côté professionnel qui surgit.

Que pensez-vous du niveau atteint par le cinéma arabe ?

Le cinéma en Egypte s'est pendant de longues années accaparé le monde de la production cinématographique. Depuis quelques années, il y a beaucoup d'efforts qui ont été faits mais qui demeurent individuels comme par exemple au Maroc ou en Tunisie.

En Syrie aussi, il y avait une institution pour la promotion du cinéma. Au Liban, la production s'est arrêtée lors de la guerre civile pour plus de 18 ans. Mais on ne peut pas dire qu'il y a un cinéma arabe. Il y a des efforts qui sont fournis et qui ont besoin de l'apport de l'étranger notamment en ce qui concerne le financement et donc le producteur devra accepter malgré lui de répondre à certaines exigences. Ce sont des efforts liés à chaque auteur et chaque cinéaste. On a vu naître une nouvelle forme de cinéma «le cinéma écrivain»qui fait que c'est l'écrivain qui produit le film ce qui donne naissance à des efforts individuels, la seule exception est celle du cinéma égyptien qui a des bases solides et une infrastructure et chaque réalisateur a son propre style. On peut sans le savoir voir un film et reconnaître son réalisateur.

C'est vrai qu'aujourd'hui, la situation a changé dans le monde arabe y compris en Egypte. La faute n'est liée ni aux cinéastes ni aux artistes je crois que ce sont plutôt les conditions dans lesquelles nous vivons actuellement qui font que le cinéma a atteint ce niveau.

En d'autres termes ?

Nous avons atteint une époque où le cinéma a été dépassé par la télévision et ce n'est ni une nouveauté ni une exclusivité. Nous avions vécu la même situation avec le théâtre et l'opéra.

Certains arts faiblissent et des fois disparaissent face aux nouvelles technologies et au développement. La preuve est qu'a chaque fois où l'on retrouve un opéra dans une ville du monde tout visiteur en est admirateur alors qu'il y avait des salles d'opéra même dans les petites villes. La rentrée sur scène du théâtre a fait que les gens ont orienter leur attention vers cet art et c'est ce que nous vivons aujourd'hui avec le cinéma. Aujourd'hui c'est au tour de la télévision, Internet, les émissions de télé réalité et les talk shows et c'est le petit écran qui s'accapare la majorité des auditeurs.

La vitesse du développement enregistré dans le monde a fait que cette réalité a été acceptée et admise dans le monde entier. La preuve est que ces émissions sont de plus en plus regardées et les écrans de télévision s'agrandissent de plus en plus en arrive à avoir des écrans géants à la maison alors on se demande quelle serait la nécessité d'aller dans une salle de cinéma pour regarder un film où les évènements sont anciens d'au moins deux ou trois mois alors que la télévision présente des émissions en direct et l'information en continu.
Tous ces éléments ont eu leur impact sur les salles de cinéma et la production cinématographique.

A votre avis, quelle serait la solution pour mettre fin à cette dégradation ?

La solution la plus adéquate à mon sens est d'essayer de dépasser les sujets sans aucune importance. Il y a des films qu'on n'arrive ni à situer ni à cadrer.
Sans oublier la vague des cinémas écrivains où le cinéaste vient raconter son histoire ou sa vie sur scène alors que le public n'a nullement besoin de tragédies.

Il faut produire des sujets qui intéressent le plus grand nombre de téléspectateurs et non pas une minorité sans oublier qu'il est impératif qu'ils soient tirés de notre vécu et de faits réels.
A mon avis c'est ce qui aidera le plus le cinéma égyptien et le cinéma arabe en général.

Que pensez-vous de la nouvelle génération de comédiens ?

Il y a une nouvelle génération de comédiens et une nouvelle forme de cinéma. Il y a beaucoup de talents et d'efforts fournis. Je peux donner l'exemple du Liban où il y a de merveilleux jeunes talents qui ont parlé de la guerre, de ce qu'ils ont vécu durant cette période et des états d'âmes de la population durant et après la guerre.
Ceci étant, on est encore loin du niveau que devrait atteindre le cinéma.

Y a t-il un rôle qui ne figure pas dans votre filmographie et que vous voudriez incarner ?

Sans doute, on a beau faire du cinéma, chaque rôle est différent du précédant parce que non seulement l'histoire est différente mais aussi, les conditions et les acteurs qui y participent.
D'ailleurs, je suis en tournage pour deux feuilletons avec des rôles assez nouveaux pour moi.

Le premier s'intitule «Ashabs Al Mokam Arrafii» on y parle d'une famille qui peut être le monde arabe. Tous les frères et sœurs sont différents l'un de l'autre. Le frère âgé dont j'incarne le rôle essaye de garder sa famille unie et forte ce qui l'entraîne dans de grandes disputes avec ses belles sœurs et ses neveux et nièces. Le feuilleton relate aussi les conflits de générations et à la fin tout le monde se met d'accord sur les mêmes principes. On peut dire que c'est un peu le cas des pays du monde arabe.

Y a t-il certains comédiens avec qui vous aimez travailler ?

Je n'ai aucun problème avec qui que ce soit et donc j'aime travailler avec tout le monde. On est des amis et on s'entends bien.
Du moment que je suis sûr de mes compétences et de ce que je suis prêt à donner, rien ne m'empêche de travailler avec les autres comédiens.

Et les réalisateurs ?

J'ai travaillé avec presque tous les réalisateurs et à chaque fois, c'était de nouvelles relations d'amitié qui naissaient. J'ai travaillé avec l'ancienne génération qui faisait à peine ses premiers pas dans le domaine, avec la nouvelle génération et chaque réalisateur est une école et une technique à part de traiter les choses.
D'autres ont été mes étudiants à l'université et j'ai participé à leurs réalisations.

«Tâala Nihlam Bibokra» est un feuilleton qui a enregistré un grand succès au Maroc, qu'en est-il de votre rôle avec l'actrice Leila Ouloui?
Ce feuilleton a eu beaucoup de succès dans tout le monde arabe. C'est l'un des rôles dont je suis le plus fier d'autant plus que c'est un rôle nouveau pour moi. Les téléspectateurs avaient l'habitude de voir en moi un homme charmeur à la recherche de l'amour. Ils ont découvert un homme raisonnable, stable dans sa vie conjugal. Il a eu un brin d'aventure extra conjugal qui n'a pas réussi. C'est aussi un film porteur de beaucoup de messages en l'occurrence, l'honnêteté et des principes qui disparaissent petit à petit dans nos sociétés.
Pour moi, un homme n'incarne ni la force ni le machisme mais plutôt des principes et du respect.

En parlant d'homme, comment jugez-vous la situation de la femme dans le monde ?

La femme a certes atteint un haut niveau de développement au niveau de son travail et de ses études. Toutefois, je trouve qu'il y a encore beaucoup d'efforts à fournir au niveau des mentalités.

Je peux donner l'exemple de la femme égyptienne. Durant les années quarante et cinquante, la femme a remporté prix et consécrations à maintes occasions ce qui a été suivi par une chute de cette dernière. Certaines voix s'élèvent aujourd'hui pour dire que la femme est née pour rester à la maison et élever des enfants. C'est vraiment dommage que de telles idées circulent toujours et ce qui est plus dangereux c'est qu'ils trouvent encouragement.
Sans oublier que le monde arabe est malgré tous les progrès, un monde patriarcal qui donne la priorité à l'homme et pour qui, la femme devrait se faire petite et ne pas trop exhiber ses exploits et réussites.

Tout ça est révolu il faudrait au lieu de s'arrêter sur de tels détails aller de l'avant et essayer de penser à ce qu'on peut faire pour une vie meilleure. D'ailleurs, la femme constitue la moitié de la société et si on arrêtait son progrès c'est condamner celui de toute la société ce qui serait très grave parce que le monde entier évolue.

Que pouvez-vous nous dire sur le cinéma au Maroc ?

Il m'arrive de regarder des films marocains qui participent aux festivals internationaux et sur les chaînes satelitaire. C'est un cinéma qui relate un certain vécu mais des fois on sent que c'est un cinéma folklorique plus que réel. Le financement étranger impose certaines démarches que les cinéastes et réalisateurs sont obligés d'accepter. Le cinéma marocain ne fait pas l'exception, c'est le cas de plusieurs pays arabes c'est ce qui fait qu'il faut encourager les investissements locaux pour palier à ce problème.

Qui est Hussein Fahmi lorsqu'il n'est pas sur un plateau de tournage ?

Je suis différent de ce que l'on peut imaginer. Je suis très simple, il est vrai que lorsque je travaille je suis très exigeant et j'essaye toujours de donner le maximum.

Vous arrive t-il de vous mettre à la place du public et juger le personnage que vous incarnez ?

Toujours, ma formation initiale est la réalisation et donc je garde toujours en moi l'esprit du réalisateur ainsi, avant même le tournage, le public est le premier à qui je pense lorsque je dois interpréter un rôle. J'imagine ce que le public peut se dire ou penser.

Vous arrive t-il de refuser un rôle qui ne réponds pas à vos critères de sélection ?

En effet, je l'ai fait à maintes reprises. Je crois que l'acteur doit toujours avoir le courage de dire non lorsque le rôle ne lui convient pas ou ne réponds pas à ses attentes. Ca l'aidera beaucoup dans sa carrière.

On remarque de plus en plus de jeunes acteurs qui succèdent à leurs parents dans le domaine. Y avez-vous déjà penser ? qu'en est-il de vos enfants ?

Non de plus c'est une idée qui ne m'a jamais vraiment convaincu. Pour moi le talent ne s'hérite pas.
Comme moi j'ai choisi mon chemin et j'ai opté pour le cinéma alors que mon père est lauréat des sciences politiques de Paris, mes enfants ont à leur tour le choix d'opter pour le domaine qu'ils veulent. D'ailleurs, moi je n'ai jamais regretté mon choix et s'il faut que je recommence ma vie, je choisirai le cinéma, j'aime m'exprimer devant la caméra et parler des arabes et des égyptiens avec beaucoup de fierté. Pourtant j'ai eu l'occasion de travailler dans des films étrangers que j'ai refusé parce que je ne me voyais pas exprimant d'autres cultures et des idées qui ne sont pas miennes.

J'ai trois enfants. Un garçon et deux filles, le premier a opté pour le management, ma seconde fille a fait sciences politiques et ma benjamine a fait des études d'économie.

Un dernier mot à nos lecteurs ?
Je suis très heureux d'être au Maroc où j'ai tourné à plusieurs reprises. Marrakech, Casablanca. Je viens souvent à Asilah.
J'aime toutes les villes du Maroc et les marocains aussi.

Hussein Fahmi en quelques mots
- Qualité : honnête que ce soit dans ma vie personnelle ou professionnelle
- Défaut : j'ai certes des défauts mais ils ne sont pas graves. De plus j'essaye toujours de mettre en avant les bons cotés de ma personnalité. Il ne faut pas que le mauvais côté l'emporte.

- Signe astrologique : Bélier (22 mars)
- Votre femme est aussi actrice : ma seconde épouse non.
- Vos préférences littéraires : ce qui se rapporte à la politique, la psychologie..
- Le dernier livre que vous avez lu : un livre sur la dernière administration américaine en Irak.

- Pourquoi ce choix : ça fait découvrir des choses auxquelles on ne s'attend pas.
- Vos choix musicaux : l'ancienne musique arabe ( Oum Keltoum, Said Makaoui…)
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